Maison du Souvenir

Les quatre frères Denoncin au combat de Graide le 1er septembre 1944.

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Les quatre frères Denoncin au combat de Graide le 1er septembre 1944

       Dans le maquis de Graide, les quatre frères Denoncin prirent part au même combat. Trois y laissèrent la vie.



Les trois frères tués lors du combat

       En Belgique l’Armée Secrète a installé un de ses camps, le maquis de Graide sur la pente d’une colline boisée entre Graide et Haut-Fays. Le sommet de la colline est rocheux et tombe presqu’à pic sur une petite vallée herbeuse parcourue par la rivière La Rancenne. De l’autre côté du vallon se trouve à l’ouest une autre colline boisée qui cache un autre camp de maquisard, celui de Haut-Fays. Le camp de Graide est à l’abri des regards et va abriter une trentaine d’hommes sous le commandement du lieutenant Hustin. Parmi ces jeunes hommes à peine sortis de l’adolescence, se trouvaient les quatre frères Denoncin qui proviennent du village tout proche de Naomé. Les maquisards sont soutenus par une grande partie de la population locale mais il existe aussi dans la région nombre de collaborateurs dont le sinistre bourgmestre d‘une commune voisine, Bièvre. Les maquisards ont sans doute été trahis car le premier septembre 1944, le camp est attaqué par le sud par plusieurs centaines de soldats allemands. Il s’agit de l’unité 59473 F de la Kriegsmarine, renforcée par un détachement de l’infanterie.



Le plan de la bataille selon Nicolas Hustin

       La surprise des maquisards est totale. Quand l’alerte est enfin donnée, il ne dispose plus que de quelques minutes pour fuir après s’être armés. Ils se dirigent vers le nord puis arrivés au sommet de la crête dominant le vallon de La Rancenne, ils décident de la longer vers l’ouest pour descendre dans le vallon à proximité des bois de Haut-Fays qui devraient leur garantir le salut, puisqu’il abrite un autre camp de maquisards. Malheureusement, ils s’aperçoivent que la crête boisée dévalée, ils devront traverser à découvert les prairies du vallon qui ont, à cet endroit, leur plus grande largeur. Les maquisards décident alors de rebrousser chemin vers l’est pour rejoindre, sur la crête, l’endroit où le vallon se rétrécit fortement. Arrivés à cet endroit, ils constatent avec consternation qu’un détachement allemand occupe maintenant le vallon de La Rancenne. Les maquisards sont maintenant encerclés et n’ont plus la possibilité de fuir mais seulement celle de combattre et de résister aux troupes qui les attaquent. Les maquisards ont un seul avantage : ils sont sur la crête et peuvent s’abriter derrière les rochers qui la parsèment. Le sergent Brion et son servant, Simon Colaux avec leur fusil mitrailleur F.M. restent cependant au pied du rocher. Le combat fait rage et est très meurtrier pour les deux camps. Les maquisards vont infliger de lourdes pertes à l’ennemi mais 17 d’entre eux perdront la vie. Après plusieurs heures de combat, les Allemands arrêtent le feu et se retirent sans doute en partie parce qu’ils ont subi de lourdes pertes (plusieurs témoins villageois de Graide virent les Allemands ramener quatre chariots remplis de leurs soldats morts). Les maquisards survivants profitent du calme inespéré pour s’enfuir. Dans le vallon, en bas des rochers, gisent pêle-mêle les corps de 13 maquisards dont ceux des deux frères Denoncin, jean et Henry. Les Allemands ont précipité les cadavres dans le vide.



Les Allemands précipitèrent dans le vallon les maquisards tués de l’emplacement du monument. Les corps furent retrouvés en bas des escaliers de pierre du mémorial.

       A ces treize hommes, il faut rajouter Marcel Bourguignon qui a tenté de descendre dans le vallon et a été abattu sur le versant opposé et Noël Legrain qui tenta aussi de prévenir le camp de Haut-Fays. Blessé gravement, il succomba après s’être caché près de la ferme d’Agrinchenet. Deux autres maquisards faits prisonniers seront emmenés à Bièvre traînés derrière un véhicule puis torturés à  coups de bâton avant d’être achevés par des coups de feu.

       Il s’agit de Jules Gérard et de Maurice Denoncin. Des quatre frères Denoncin qui ont participé au même combat et trois y laissèrent donc la vie. Ce fait est assez extraordinaire dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.



Les cinq frères Sullivan


        Seul peut rivaliser avec ce fait la mort des cinq frères Sullivan qui périrent lorsque le croiseur léger USS Juneau (CL-52), sur lequel ils servaient tous les cinq, fut coulé le 13 novembre 1942 lors de la bataille navale de Guadalcanal par des sous-marins japonais.

       La reconnaissance des corps sur les lieux du combat eut lieu le lendemain de la bataille.



Le maquisard Jean Sabeau fut faussement reconnu comme mort par son père.

       C’est à cette occasion que le Louis Sabeau, le père du maquisard Jean Sabeau crut reconnaître son fils dans les 13 corps très défigurés. Il prit le deuil avec toute sa famille mais en réalité jean avait pu fuir et était au camp du Barbouillon à Gedinne où se trouvait l’Etat-Major de l’Armée Secrète. Ce n’est que plusieurs jours après le combat qu’il rejoignit sa famille dont on devine aisément l’émotion indicible qui dut la saisir ! Les maquisards tués furent enterrés avec cérémonie, deux semaines après le combat, juste après l’arrivée des Américains. Les trois frères Denoncin avec deux autres maquisards (Bourguignon. M et Janssens. F.) reposent dans leur village de Naomé très proche du lieu de ce terrible combat.


Les funérailles des maquisards de Naomé en septembre 1944


Le monument funéraire où reposent les trois frères Denoncin et deux de leurs compagnons dans le cimetière de Naomé



Devant le monument funéraire des cinq maquisards, au cimetière de Naomé, se trouve un panneau didactique rappelant les circonstances de leur sacrifice suprême.

       Je ne sais pas ce qu’est devenu Hubert Denoncin, le survivant des quatre frères Denoncin. On peut penser que le traumatisme que, lui et ses parents subirent, resta douloureusement gravé pendant toute leur vie dans leurs cœurs d’Ardennais.

       Touristes qui voyagez dans les Ardennes, n’hésitez  pas à entreprendre la promenade du maquis qui vous mènera après une heure de marche (Le départ de cette marche dans les bois se fait à partir d’un chemin forestier débouchant sur la route Graide à Gembes) sur la crête défendue si ardemment par nos maquisards et ornée aujourd’hui d’un monument dédié à leur courage et à leur sacrifice.



Les promenades 1 ou 14 de Bièvre mènent au mémorial des maquisards. Vous pouvez acquérir la carte complète des promenades à l’office de Tourisme ; rue de Bouillon, 5.555 Bièvre.


Sur le monument est inscrit le nom des maquisards tués le 1er septembre 1944 dans le combat de Graide. On y trouve aussi les noms des prisonniers politiques morts en Allemagne.


Sur le lieu de la tragédie, une messe est célébrée chaque année sur un autel orné de la silhouette d’un maquisard.

       Le maquis de la Semois était fort visité par le Père Leloir qui rédigea cette prière souvent récitée par les maquisards. Nous vous la laissons en conclusion de cet article. Le Père Leloir fut fait prisonnier et envoyé en Allemagne. Il mourut peu de temps après son retour au pays.

NOTRE DAME DU MAQUIS, PRIERE DU MAQUISARD BELGE

O Notre Dame du Maquis, voici vos fils qui vous implorent.

Vous avez connu les sentiers dans la montagne, quand vous courriez saluer votre cousine Elisabeth. Vous avez gardé votre secret, malgré les défiances de Saint Joseph. Vous avez connu des demeures qui refusent d’abriter pour la nuit. Vous avez connu les étables hospitalières, les animaux qui réchauffent, le coin moelleux, la table accueillante. Vous avez connu les routes nocturnes et inquiètes, quand vous fuyiez avec l’enfant, devant la colère d’Hérode. Toute notre vie s’est écoulée sous un régime d’occupation étrangère, mais c’est par des compatriotes que votre Fils fut trahi et ce sont eux qui ont réclamé sa mort. Vous avez souffert l’isolement dans votre compassion au pied de la croix, et votre vie, avant et après la mort du Christ fut par excellence la vie cachée.

O Notre Dame du maquis, voici vos fils qui vous implorent.

Au fond des bois, nous vous élevons des chapelles forestières où, sous les traits de la Mère qui fuit avec l’enfant, nous vénérons votre image. Vos actes et vos sentiments ont par avance sanctifié nos attitudes identiques.

Gardez-nous des bêtes malfaisantes, des eaux insalubres, des nuits froides, des rhumatismes et des maladies inconnues. Remplissez nos nasses de poissons, amenez le gibier dans nos pièges, faites croître le cresson dans nos sources.

Bénissez ceux qui donnent. Brouillez les pistes de ceux qui nous traquent.

Bannissez de nos cœurs la haine et l’esprit de vengeance.

Détournez-nous des rapides et des menaces.

Blanche est dite notre armée, blanches soient nos âmes, Vierge Immaculée.

Vierge Fidèle au long veuvage, gardez-nous fidèles nos épouses et nos fiancées.

Qu’elles n’entourent point de soupçons injustes nos allures secrètes.

Vierge de vierges, gardez-nous purs dans nos privations et nos occasions.

Mère de la divine grâce, conservez-nous en état de grâce.

Mère aimable, sauvez entre nous la charité.

Mère du bon conseil, préservez-nous des arrêts inconsidérés et des exécutions irréfléchies

Vierge très prudente, gardez-nous des mauvais conseilleurs.

Secours des chrétiens, protégez-nous des ennemis.

Refuge des pécheurs, soutenez-nous dans nos faiblesses.

Consolatrice des affligés, réconfortez nos compagnons tombés aux mains de l’ennemi, arrachez au Purgatoire ceux qui périrent ou furent exécutés, prenez en pitié les veuves et les orphelins ; et sauvez-nous tous des flammes éternelles.

Reine des prophètes, gardez-nous des espoirs trop prompts.

Reine des Martyrs, tenez-nous toujours prêts à mourir.

Reine de la Paix, rendez-nous bientôt nos foyers.

Après la guerre, nous reviendrons en pèlerinage à ces chapelles forestières au fond des bois, où nous vénérons votre image sous les traits de la Mère qui fuit avec l’enfant. Nous vous disons notre patronne, ô Notre Dame du Maquis.

Dr Loodts P.

 

 

Sources :

1) Le Maquis de Graide

2) Chasseurs Ardennais dans le maquis, Daniel Ryelandt, Editions la Dryade, Vieux-Virton, 1989

3) Ceux du Rebais, Capitaine José Dinant,  presses Sodag, 1948

4) Patrouilles Fantôme, Victor Eloy, Editions  Pascal, 1945

 

 

 

 



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