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L’aventure du 298ème hôpital américain à
Alleur Historique avant Alleur Le 298 th General Hospital
fut pensé par Albert Furstenberg, Doyen de la faculté
de médecine de l’université du Michigan. Au milieu de l’année 1940, le staff
médical minimum été déjà constitué. Manquait cependant les multiples
volontaires pour les tâches usuelles (cuisiniers, chauffeurs, logisticiens). Une
solution apparut bientôt : l’hôpital 214, un autre hôpital en formation,
manquait de médecins mais disposait du personnel subalterne, il suffisait de
les fusionner ensemble ! Le 298th fut activé le 27 juin 1942 dans un camp
en Arkansas où un entraînement de huit semaines fut donné à tout le personnel. Le
lieutenant- colonel Walter G. Maddock, professeur de
chirurgie fut nommé commandant de l’hôpital qui comptait 29 médecins, 120
infirmières et 300 hommes. Le 20 octobre 1942, tout l’hôpital avec son matériel
et son personnel embarqua à bord du S/S Mariposa avec
la Grande-Bretagne comme destination. L’hôpital s’établit au village de Frenchay près de Bristol et fut le troisième hôpital général
américain à s’établir en Grande-Bretagne en prévision de l’arrivée massive des
troupes U.S. Sa position géographique sur la côte lui valu d’accumuler de
l’expérience en recevant les blessés transportés par les navires-hôpitaux
provenant d’Afrique du Nord, de Sicile et d’Italie. Entre le 17 décembre 42 et
le 8 avril 43, 7 navires-hôpitaux arrivèrent au port de Bristol avec un total de 2.100 blessés
dont pour la plupart les fractures et plaies dataient de près de deux
mois ! Durant cette période beaucoup de membres du personnel médical et
infirmiers eurent aussi la possibilité de suivre des sessions de formation
complémentaires dans différentes endroits d’Angleterre et cela, en attente du
D-Day. Ce fut le 29 juillet 44 (D+15)
que l’hôpital traversa le Channel pour s’établir à Cherbourg. Le front se
déplaçant rapidement, trois mois après, le 29 octobre, ordre est donné de se
rendre à Liège. Alleur, un hôpital construit avec minutie A Alleur, sur 24 hectares, les
américains établirent leur hôpital de novembre 1944 jusqu’en septembre 1945.
Moins d’un an de travail mais un travail tout-à-fait extraordinaire puisque
22.983 patients y furent soignés. Des soins effectués d’une façon magistrale avec
une rigueur peu commune et une organisation hors-pair. Quelques exemples au
sujet de la construction minutieuse du
camp : - Les tracés des allées de tentes (plus de 3
miles, soit 4, 8 km) sont faites « au cordon ». Les allées sont
bordées limitées par des pierres taillées de même dimension. Les allées sont
désignées par les lettres de l’alphabet et les tentes par un numéro. Des
poteaux indicateurs sont placés aux endroits stratégiques. Ils ont été
confectionnés par des prisonniers allemands. - Les allées et routes ont été crées avec des
cailloux extraits des carrières les plus proches - Les 500 tentes sont conçues pour résister au
froid. Elles sont solidement arrimées par des pieux munis de puissants cordages
munis de tendeurs. Les tentes sont doublées et possèdent des lucarnes de mica
pour laisser passer la lumière du jour. L’emplacement de chaque tente a été
bétonné. La poste (servant aussi de théâtre) l’église et la salle d’opération furent les seules installations en bois de l’hôpital et provenaient d’un dépôt allemand. - Au centre
du camp, une aire d’atterrissage pour hélicoptères Tout ce travail de montage
« millimétré » fut réalisé par une unité spécialisée du génie
cantonnée à Droixhe composée de Noirs Américains qui,
rappelons-le, n’avaient pas le droit de se trouver dans les unités
combattantes. L’arrimage solide des tentes L’hiver sous la tente ! Un rôle crucial pendant la bataille des Ardennes La routine de l’hôpital est réglée dans
les moindres détails. Chacun sait ce qu’il y a à faire. Dans les six derniers
mois de la guerre, dans des conditions très difficiles dues au froid, à la
boue, à la neige mais aussi aux bombes volantes V1 et V2 (on estime à 3.000 le
nombre de bombes volantes V1 et à 98 le nombre de V2 reçues par Liège et sa
banlieue. Une seule tomba sur Alleur près de la place des combattants et rompit
la principale canalisation d’eau fournissant l’hôpital). L’hôpital fut chanceux
et ne compta aucune victime mais au total 6.448 Belges et 882 soldats alliés
perdirent la vie sous les V1 et V2, la plupart dans les villes de Bruxelles,
Anvers et Liège. Au
total, 19.041 soldats ont été traités pendant la période cruciale de la
bataille des Ardennes, une moyenne de 700 entrées par jour ! La vie à l’hôpital L’hôpital vit en autarcie. Il possède
son groupe électrogène, sa centrale téléphonique, son post office, sa cuisine,
sa buanderie, son mess, ses garages, son local de repos avec jeux de société et
ping-pong, la salle de la Croix-Rouge où les soldats trouvent stylos, papier à
lettres et enveloppes pour écrire à leur famille et aussi une salle de
bricolage où les soldats peuvent bricoler des caissettes remplies de souvenirs
belges pour les envoyer à leurs familles,
et son « Barber Shop » où travaillèrent plusieurs civils belges. Les
distractions sont peu nombreuses mais l’hôpital a constitué un orchestre et
quand il fait beau, il a possibilité de jouer au cricket, au base-ball et au
jeu du fer à cheval que découvrent les Belges et qui consiste à lancer un
fer-à-cheval à 12 mètre de distance et à le faire enrouler autour d’un piquet. L’hôpital comprend aussi son camp de
prisonniers allemands qui sont notamment de corvées pour vider les poubelles et
les bacs malodorants de la tente W.C.. Leur camp
est composé d’une cinquantaine de
petites tentes de 1m 40 de haut. Certains prisonniers pour pouvoir se tenir
debout vont creuser le sol à l’emplacement de leur tente ! Le commandant de l’hôpital, le colonel Maddok, précisera que malgré l’hiver sous tente, il n’y eu
que quelques rhume et maux de gorge. Les Belges sont témoins de l’activité
des Américains. Les Alleurois offriront même une
salle de gymnastique convertie en cinéma ainsi qu’une série de douches avec eau
chaude. Des femmes belges seront engagées pour des travaux de cuisine et de
buanderie. Travailleurs belges de l’hôpital américain Dans la tente cuisine règne monsieur Blaha, chef-coq d’origine allemande qui est secondé par
quelques soldats et 25 Belges, hommes et femmes qui nettoient les légumes, font
la vaisselle et desservent 34 tentes
réfectoires dans le camp. L’abondance de matériaux et de vivres
suscitent cependant l’envie des Belges qui ont souffert pendant plus de quatre
ans. Les travailleurs arrivent, malgré le contrôle, à passer le check point de
la sortie avec des boites de macaronis. Parfois même, il y a une distribution de boites de graisse aux
travailleurs. Cependant à la fin du séjour de l’hôpital en Belgique, des filous
arrivent à fendre au couteau une tente servant de dépôt de linges et volent une
grande quantité de draps, couvertures, vêtements. Le résultat fut que tous les
Belges furent renvoyés… Une anecdote montre qu’un jour se fut un Alleurois qui fut volé par un américain.
Un blessé connaissant le vœu de sa nurse qui
était de manger du poulet au repas de midi, dévalisa le poulailler d’un brave
habitant qui vint se plaindre amèrement. L’infirmière mangea son poulet et
notre homme fut dédommagé. Un groupe d’infirmières du 298th hospital Témoignage de quelques Belges ayant travaillé dans l’hôpital américain d’Alleur Plusieurs habitants ont raconté à Madame
Moors-Schoefs des souvenirs
qu’ils gardaient de l’hôpital. M. Moreau servit d’interprète et avait
la charge de contrôler les civils belges travaillant à l’hôpital. Il se souvint d’avoir été
fortement impressionné par la quantité d’alcool que les Américains pouvaient
absorber. Il se rappelle notamment d’un Américain qui rendant visite à de
nouvelles connaissances, vida son litre de whisky dans la soirée puis retourna
sans vaciller dans son hôpital. Il se souvient aussi que les installations
hospitalières, bien conçues. Il y manquait cependant de sanitaires qui se
composaient d’une petite tente à deux places pour les officiers et d’une tente
à six places pour la troupe ! Madame Guillaume Servais travaillait à
la cuisine évoque le rayon de soleil que fut le mariage à l’hôpital de
l’infirmière nommée White en toilette blanche. Monsieur Albert Spruyt
était attaché au local de la Croix-Rouge ou les infirmières toutes vêtues de
bleu exigeaient de lui que tout fut nettoyé à la perfection. Tout devait être
rangé avec soin dans leur bureau et les salles attenantes : réserves,
délassement, bricolage, lecture. Des objets traînants disaient-elles pouvaient
provoquer la chute de l’un ou l’autre éclopé et provoquer ainsi un retard dans
son rétablissement. Monsieur René Deponthière
se souvient de l’abondance des vivres dont bénéficiaient les Américains. Il fut
impressionné par le repas du dimanche à l’hôpital où l’on servait des pilons de
dinde d’une taille qu’il n’avait jamais vue. Les Belges sortaient le soir
enflés de toute part avec des fausses poches et des doublures pleines à craquer.
Beaucoup d’américains fermaient les yeux… Monsieur Jean David travaillait dans
la tente cuisine. Il se rappelle de la très sévère propreté qui devait y
régner : un inspecteur venait à l’improviste examiner la vaisselle et s’il
trouvait une simple trace brunâtre sur un couvercle de casserole, il menaçait
de renvoyer tout le monde au prochain manquement. Un jour la cuisine avait
préparé trop de pâte à crêpe et Jean put emporter chez lui un bidon de trois
litres. Il ne restait plus qu’à les cuire et lui-même et ses proches purent ainsi manger des « vôtes » durant plusieurs jours. Monsieur Victor Géradon,
quant à lui, travaillait au réfectoire où il devait notamment changer les
nappes de tissus qui devaient toujours rester d’une blancheur éclatante. Il raconta
aussi l’impressionnant dispositif pour nettoyer les gamelles. Après avoir
dîner, le convalescent versait les restes de sa nourriture dans un bac destiné
à un éleveur de bétail, puis plongeait sa gamelle dans une eau bouillante
additionnée d’un détergent, puis dans une eau bouillante claire et enfin dans
un troisième bac contenant une eau de rinçage tiède ! Il mentionne aussi
avoir été impressionné par le fait qu’entre gens de couleurs différentes,
aucune conversation ne pouvait avoir lieu sauf les phrases nécessaires au
service ! Monsieur Joseph Lantin
était lui coiffeur. Il avait sa tente « Patients Barber shop » dont
il relevait les pans verticaux quand il faisait trop chaud. Le fauteuil du
client était surélevé sur une estrade pour permettre une meilleure position du
coiffeur. Joseph Lantin était payé à la prestation 15
francs sans compter les pourboires sous forme de chocolat, orange, citron,
chewing-gum ou cigarettes. Il avait aussi un petit bénéfice en vendant des
produits de beauté notamment la brillantine et tout l’attirail nécessaire au
rasage. Groupe des travailleurs belges. Les deux coiffeurs sont revêtus de tabliers blancs. Parmi eu, monsieur Joseph Lantin Madame Lucie Yahiel-Martin
jouait à titre bénévole à l’harmonium au cours des offices catholiques du
dimanche. Lors du mariage de Miss White, elle joua lors de la cérémonie et fut
invitée au banquet dont elle précise le menu qui lui a semblé délicieux :
des œufs, de la dinde, de la purée de marrons. Lors du départ des Américains le
12 septembre 1945, elle partit leur dire adieu à la gare de Bierset
où un train spécial les attendait pour les conduire au port du Havre. Madame Ginette Roger faisait à cette
époque partie des « Belgian Girl
Guides ». A ce titre, elle allait, avec la chorale du mouvement,
animer des après-midi à l’hôpital. Installée sur une estrade, la chorale
chantait en français, anglais mais aussi en russe des balades, mélodies ou
chansons entraînantes reprises en chœur par l’auditoire des blessés. La
Saint-Valentin était fêtée dans une salle ornée d’une multitude de cœurs. La
fête terminée, beaucoup des jeunes filles de la chorale furent reconduites en
jeep à leur domicile. C’était pour elles merveilleux d’être assises auprès de
ces héros. Les autres fêtes qui marquèrent Ginette furent le mariage de
l’infirmière en chef Loïs White et la capitulation de l’Allemagne,
le 5 mai 1945. The Belgian Girl Guides avec en arrière-plan l’hôpital Anna Raick, fille d’un horticulteur de
la rue du cimetière tomba amoureuse de John blum qui
était responsable de la signalisation des différents services de l’hôpital. Le
couple se maria en 1946. John Blum devint après-guerre professeur de biologie à
l’université de Milwaukee au bord du lac Michigan. Ils eurent trois filles. Anna
eut la joie de voir ses parents venir s’installer définitivement auprès d’elle
aux Etats-Unis, après qu’ils aient remis l’entreprise horticole à leur fils
Jean. Madame
Suzanne Lonay-François était brancardière diplômée et
tenait le poste de la Croix-Rouge dans un petit local de la rue Lambert Dewonck. A ce titre, elle se débrouilla souvent pour
arrêter un camion américain et lui faire prendre des civils belges blessés
graves (notamment suite à la chute des V1) pour les déposer au service des
urgences de l’hôpital américain). Les premiers soins y étaient donnés et les
patients en suite transportés à l’hôpital des anglais à Liège. Ce qui frappa la
jeune secouriste était notamment l’emploi de la poudre miraculeuse de sulfamidés qui remplaçait le volatile
éther employé chez nous. La poudre répandue sur les plaies évitait la gangrène
en mettant fin rapidement à l’infection. Monsieur Bovy hébergea un Juif pendant une partie de la guerre. Il
obtint que cette personne puisse être employée pour cet homme jadis traqué par
les nazis. En outre, il accueillit souvent chez lui un chirurgien à la
recherche d’une ambiance familiale… Le monument en l’honneur du 298th Hospital inauguré à Alleur en 2012. Quelques
statistiques du 298th General Hospital Du 12 novembre au 31 décembre
1943 – 428 Patients Les autres hôpitaux américains à Liège A total, six hôpitaux
américains s’établirent dans Liège : Conclusion Reconnaissance évidente pour nos
libérateurs et
en particuliers pour les victimes de la bataille des Ardennes dont bon nombre
de blessés furent soignés à Liège, sous tente durant un terrible hiver ! Dr
Patrick Loodts Sources : - La source principale de cet
article est l’article très complet de Madame Ad.Moors-Schoofs
« L’hôpital militaire
américain d’Alleur » qui parut dans son livre intitulé « Histoire et histoires », édité par le service des
affaires culturelles de la commune d’Ans en 1994. |