Maison du Souvenir

Le Lieutenant Willy Roullon prisonnier à Prenzlau.

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LE PRIX DE NOTRE LIBERTE

Le lieutenant WILLY ROULLON,

ingénieur civil A.I.A., enfant de Mont-sur-Marchienne,

A DONNÉ SA VIE POUR ELLE.

En hommage à son sacrifice, un square de son village natal portera son nom.



Pourquoi s'en souvenir 47 ans après ?

 

Edité par la Fédération Nationale des Anciens Prisonniers de Guerre (FNAPG)
4.11.1988

Pourquoi, 47 ans après, se souvenir ?

       Pourquoi, 47 ans après sa mort tragique lors de sa troisième tentative d'évasion, faire resurgir l'acte courageux et héroïque d'un prisonnier de guerre dont l'idéal était de reprendre le combat contre la dictature pour la défense de la LIBERTÉ sans laquelle il n'est pas de dignité ni de fierté humaines ?

       Tout simplement :

- parce que meurent deux fois ceux qu'on oublie ;
-
parce que la solidarité qui unit les anciens P.G. ne peut pas permettre l'oubli d'un sacrifice suprême ;
-
parce que l'amitié née sur les bancs de l'école résiste à l'usure du temps, cette amitié que Simon DUBOIS et moi-même avions nouée avec Willy ROULLON, condisciple d'humanités à l'Athénée Royal de Charleroi ;
-
parce que, aussi, il est bon que les élèves d'aujourd'hui, qui sont l'Avenir de la Belgique de demain, connaissent le prix réel de la LIBERTÉ et la valeur exacte du mot civisme.

       La LIBERTÉ semble, pour les jeunes générations, aller de soi. C'est, dans l'esprit de beaucoup, un dû.

       Hélas ! Des millions d'hommes de Belgique, de France, d'Angleterre, du Canada, des Etats-Unis, de Pologne et de Russie sont morts, de 1939 à 1945, pour que nous connaissions cette liberté.

       Le lieutenant Willy ROULLON était de ceux-là qui méritent à la fois le respect, l'admiration et, pour les vivants que nous sommes, le maintien du souvenir de ce qu'ils ont donné pour elle.

       Mais, la LIBERTÉ, ce n'est pas faire ce que l'on veut, quand on veut, comme on veut.  

       C'est d'abord et avant tout VIVRE ENSEMBLE, dans la cité, harmonieusement, sans nuire aux autres.

       C'est pouvoir aller librement à l'école et y être studieux pour collaborer, demain, au bien-être de tous.

       C'est pouvoir s'exprimer sans crainte, que ce soit verbalement ou par écrit.

       C'est pouvoir, sans crainte d'être poursuivi, aller à l'Eglise, au Temple, à la Synagogue et pouvoir afficher ouvertement ses opinions religieuses, philosophiques ou politiques.

       Oui, 47 ans après la mort tragique du lieutenant Willy ROULLON, l'amitié, la solidarité, l'amour de la LIBERTÉ, le refus de l'oubli ont fait en sorte que ce 4 novembre 1988, un square de Mont-sur-Marchienne porte son nom et rappelle ainsi aux passants qu'un ancien élève de nos écoles a été abattu, dans un camp d'officiers prisonniers de guerre, à Prenzlau, en Allemagne parce que, pour la troisième fois, il voulait retrouver la LIBERTÉ et combattre la dictature de Hitler.

       Aux filles et aux garçons de nos écoles d'aujourd'hui, il rappellera aussi qu'un instituteur d'autrefois a su inculquer à ses élèves le sens du devoir envers la Patrie, avec l'existence de la beauté des mots CIVISME et LIBERTÉ.

       Notre vœu le plus cher, c'est que les élèves de maintenant n'oublient jamais l'exemple donné par le lieutenant Willy ROULLON qui, à peine marié, a dû quitter son foyer pour défendre ceux des autres.

       Qu'ils pensent aussi que le lieutenant Willy ROULLON n'a fait qu'entrevoir, quelques jours, sa fille et qu'il n'a jamais vu son fils né en septembre 1940. Dure rançon du devoir.

       Mais quel exemple aussi du devoir maternel et du devoir d'épouse que celui de Madame veuve W. ROULLON qui, courageusement, a dû élever seule ses deux enfants dans une solitude toujours respectueuse de l'amour qu'elle vouait à son mari.

       Oui, notre vœu est qu'aujourd'hui aussi, nos chers élèves des écoles de Mont-sur-Marchienne n'oublient jamais que la guerre entraîne avec elle des larmes, des déchirements et des deuils ; des souffrances et des sacrifices, des abnégations qui sont le dur prix de la LIBERTÉ. De votre LIBERTÉ à tous ...

Léon WILMOTTE,
Président National Adjoint
de la F.N.A.P.G.,
Président du Fonds des Barbelés.

Au crépuscule de notre vie,
un message à la jeunesse.

       Editée en hommage au lieutenant Willy ROULLON, abattu le 4 novembre 1941, à l'Oflag II A, Prenzlau, près de Stettin (Allemagne), lors de sa troisième tentative d'évasion, cette plaquette est surtout destinée à être distribuée aux élèves de toutes les classes primaires de notre commune de Mont-sur-Marchienne.

       Au crépuscule de notre vie, nous désirons, anciens prisonniers de guerre, transmettre un message à notre jeunesse et nous espérons que la lecture du drame ci-dessous relaté, aspect parmi tant d'autres du prix incommensurable de la liberté, confirmera nos petits-enfants dans la certitude de l'inhumanité de la guerre. Puisse-t-elle les inciter à prendre la relève dans la lutte constante que nous menons pour le suprême idéal de paix !

 

*

                     Chers petites amies et petits amis,

       Dans la première moitié de ce 20e siècle finissant, notre pays a connu les horreurs de deux guerres mondiales. La génération de vos grands-parents, à laquelle appartiennent la majorité des anciens prisonniers de guerre survivants, a le triste privilège d'être née avant ou pendant la première guerre mondiale de 1914-1918, qui fut surtout une guerre européenne. Elle fit neuf millions de tués, c'est-à-dire presque la population de toute la Belgique. Vingt ans après éclatait la deuxième guerre mondiale de 1939-1945, qu'on peut appeler, elle, guerre universelle. Ses zones de combat couvrirent trois continents: Europe, Asie, Afrique; 61 nations y furent impliquées, totalisant environ 1 milliard 700 millions d'hommes, soit plus du tiers de la population mondiale !

       Il faut savoir :

- que 100 millions d'hommes y participèrent activement, dont 60 millions comme combattants ;
-
que plus de 10 millions furent prisonniers de guerre; dont entre autres 5 millions de Russes, 3 millions 500 mille Allemands, 225.000 Belges. Parmi ceux-ci, 70.000 firent 5 ans de captivité. A noter que 770 d'entre eux réussirent à s'évader ;
-
que plus de 10 autres millions connurent l'horreur des camps de concentration[1] où agonisaient les prisonniers politiques par suite de mauvais traitements, de faim et de maladie, mais aussi par extermination systématique dans des chambres à gaz. C'est ainsi que périrent notamment 6 millions de Juifs ;
-
que la seconde guerre mondiale totalise 55 millions de tués, soit 27 millions de militaires et 28 millions de civils.

       Si ces 55 millions de tués défilaient en rangs par 3, à 75 cm de distance, leur colonne s'étirerait sur 13.750 km, soit sur plus du tiers de la circonférence de la terre !

       C'est à cette guerre démentielle – qui n'a résolu aucun des grands problèmes de l'humanité, dont, pour ne citer qu'elle, la faim dans le monde c'est à cette guerre démentielle qu'a participé la génération de vos grands parents. Et c'est à un héros de cette génération, Willy ROULLON, que nous rendons ici un vibrant hommage.

UN ENFANT DE CHEZ NOUS

       Willy ROULLON est né le 2 novembre 1914, à Mont-sur-Marchienne, rue St-Jacques, 148, d'un père traceur de métier et d'une mère couturière. Il fréquenta l'école communale de Forêt.

       Fils unique, il fit de brillantes études secondaires à l'Athénée Royal de Charleroi d'où il sortit en 1933 premier de la section scientifique, emportant le Prix d'Excellence avec la médaille de Vermeil, totalisant 2.094 points sur 2.460, soit plus de 85 % ; sur 11 branches, 9 prix (plus de 80 0/0) et 2 accessits (plus de 70 0/0).

       Durant ses études et comme il se destinait à l'Ecole Royale Militaire, il pratiqua le sport, à la section d'athlétisme du Sporting de Charleroi, avec la réussite et l'application qu'il mettait en toutes choses. Grand, bien découplé, intelligent, il était aussi prompt d'esprit que de corps. Ces qualités que complétait une volonté peu commune lui assuraient une supériorité naturelle.

PREMIER DE PROMOTION

       En décembre 1933, à cause d'une déficience en géographie, il entra de justesse à l'Ecole Royale Militaire, étant classé 43e sur 45 admis. Cinq ans plus tard, il sortait premier de promotion dans la spécialité Génie. Il fut affecté au 4e Génie cantonné à Amay, près de Namur.

IL NE VIT JAMAIS SON FILS

       En janvier 1939, Willy épousa Georgina STILMANT, dont il était amoureux depuis ses premières années d'humanités. Elle était la petite-fille de Camille STILMANT, qui fut échevin de l'Instruction publique à Mont-sur-Marchienne de 1926 à 1932. Deux enfants naquirent de cette union : MIREILLE, née le 5 octobre 1939, future institutrice, et GUY, le 25 septembre 1940, qui devint ingénieur technicien. Ainsi donc, Willy ne connut que sa fille ... et encore à raison de quelques heures mensuellement durant 5 ou 6 mois. Il ne vit jamais Guy.

CAMPAGNE DES 18 JOURS ET CAPTIVITÉ

       Le 10 mai 1940[2], il était au canal Albert. Il fut fait prisonnier à Oostkamp, sur le canal Bruges – Gand. Nous nous rencontrâmes à Tibor, Oflag[3] III B situé près de Posen à la frontière de l'ancienne Pologne et surtout à l'Oflag Il A, Prenzlau, en Prusse. L'Oflag Il A était une caserne d'artillerie construite en 1936. Elle comprenait 4 grands blocs disposés deux à deux sur les grands côtés d'un rectangle parallèle à la rue distante d'une vingtaine de mètres. Ceci constituait le camp A. Gardée en permanence par une sentinelle, une double porte pratiquée dans une simple clôture en treillis donnait accès au camp B comprenant 5 garages oblongs d'une longueur de 20 à 30 mètres chacun, accotés dos à dos pour les numéros 4-5 et 6-7. Entre le garage 8 et le garage 7, comme entre les garages 6 et 5, une cour bétonnée était suffisamment large pour permettre, en occupation normale du camp par la troupe, de manœuvrer canons et camions qui étaient hébergés dans ces garages. Une large allée séparait le garage 4 qu'habitait Willy ROULLON, de l'enceinte extérieure du camp. Etant donné leur total inconfort, ces garages étaient occupés par les jeunes officiers.

L'OBSESSION DE WILLY ROULLON

       Bien connue de ses amis dont j'étais, l'obsession de Willy, dès les premiers jours de captivité, était de s'évader afin de continuer la lutte contre l'ennemi. Or, s'évader d'un Oflag relevait presque de l'utopie : le plus difficile paraissait bien de sortir du camp. Qu'on imagine une enceinte formée par deux « murs » de fils barbelés, hauts de 3 à 4 mètres et distants l'un de l'autre de deux mètres environ. Le « mur » intérieur s'incurvait à la partie supérieure et vers l'intérieur d'une trentaine de centimètres. Entre les deux « murs », sur deux mètres environ de hauteur, s'entassaient des enroulements massifs de fils barbelés. Tous les 20 mètres, les miradors[4] étaient occupés en permanence par des sentinelles armées de mitrailleuses montées sur pivots et disposant de puissants projecteurs. Un chemin de ronde courait le long de l'enceinte, côté extérieur et une sentinelle arpentait ce chemin entre deux miradors. Au-delà, un mur en béton ajouré dans sa partie supérieure ne constituait plus qu'un obstacle mineur. A retenir que, côté intérieur, un fil de garde placé à 50 cm du sol et à 4 mètres devant l'enceinte ne pouvait, sous aucun prétexte, être franchi, sous peine de déclencher une fusillade mortelle.

LE TUNNEL

       Dans ces conditions, même l'approche de l'enceinte était impossible. C'est ainsi que germa l'idée de creuser un tunnel débouchant au-delà de l'enceinte. C'est ce projet qu'étudièrent notre ami Willy et son compagnon, le lieutenant DRAPIER. Tous deux parvinrent à s'introduire à la nuit tombée du mardi 4 novembre 1941 dans un garage inoccupé du camp B situé non loin du garage 4 et assez près de l'enceinte.

EN 1941, DEJA 2 TENTATIVES D'EVASION

       Peu avant ses deux premières tentatives d'évasion qui remontent à juin et septembre 1941, Willy m'avait prié, en cas de réussite, de prévenir son épouse, qui était voisine de mes parents; elle ne devait pas s'inquiéter de ne plus recevoir de courrier. Willy ne m'avait cependant pas parlé de cette reconnaissance des lieux qu'il organisait ce soir-là.

LE COUP DE FEU MORTEL

       C'est vers 19 h 15 qu'éclata le coup de feu mortel... Ce n'est que le lendemain, mercredi 5 novembre, que nous connûmes la relation des faits, basée en partie sur les déclarations du lieutenant Drapier, en partie sur le rapport du commandant de camp allemand, et aussi sur les dires du médecin belge qui put examiner Willy. Nos deux héros entamaient à peine leur reconnaissance des lieux que la porte du garage s'ouvrit et qu'un ordre allemand leur intima de se rendre. Drapier obéit. Willy se cacha dans une fosse de visite, espérant passer inaperçu. Cette conduite lui était dictée par la crainte, comme récidiviste, d'être envoyé dans un camp de représailles d'où il serait plus difficile encore de s'évader. Certain que le prisonnier qui venait de se rendre n'était pas seul, le sous-officier envoya le caporal et les deux soldats qui l'accompagnaient fouiller le garage. Découvert, Willy dut bien se rendre. Le caporal prit la tête de la petite colonne qui devait se déplacer dans un étroit couloir serpentant entre le matériel entreposé. Suivaient le 1er soldat portant la lanterne tempête, puis Willy, enfin le 2e soldat, l'arme chargée tenue horizontale à la hanche, la baïonnette au canon pointée dans les reins de Willy. Lorsqu'ils furent en vue de la sortie, ce dernier tenta une ultime chance. Ecartant de la main droite la baïonnette, il jeta un coup de pied dans la lanterne tempête. Malgré la rapidité de ce réflexe, la balle tirée par le deuxième soldat l'atteignit dans le dos et toucha la pointe du cœur. La perte de connaissance fut immédiate et la mort survint dans les quelques minutes.

L'APPEL SOMBRE DU 5 NOVEMBRE 1941

       L'appel du matin du mercredi 5 novembre commença par un long moment de recueillement à la mémoire du héros qui venait de perdre la vie pour tenter de poursuivre la lutte contre l'ennemi de sa Patrie[5]. Les Allemands observèrent aussi cet instant de recueillement. Nous étions tous au garde à vous.

       L'enterrement se fit au cimetière de Prenzlau le vendredi 7 novembre. Le convoi était conduit par un peloton d'honneur en grande tenue, composé de 33 soldats allemands commandés par un lieutenant. Une petite délégation de prisonniers dont j'étais put suivre le cercueil. Les Allemands avaient offert une grande couronne de fleurs. Nous avions, nous, pu en acheter 5 constituées de chrysanthèmes et de roses. La messe fut dite dans la chapelle du cimetière. Notre émotion atteignit son sommet lorsque le cercueil, un énorme sarcophage, fut descendu dans cette terre ennemie, pendant que les soldats allemands, tournant le dos autour de la tombe, tiraient en l'air une salve d'honneur.

       Le samedi 8 novembre à 9 heures, la messe de funérailles fut chantée dans la grande salle de gymnastique, bondée et dégorgeant largement son monde dans la cour. Le drapeau tricolore était tendu sur l'autel. A l'issue de l'office, l'harmonium joua 1a Brabançonne. Les Allemands présents se mirent aussi au garde à vous, respectant notre patriotisme autant que notre grande émotion.

LES CONDOLEANCES DU LIEUTENANT-GENERAL VANDENBERGHE

       Dans une carte que tous les prisonniers connaissent, datée du 20 novembre, portant le cachet de la censure du 26 novembre, le lieutenant-général belge Vandenberghe, responsable belge du camp, écrivait à Madame Roullon : « Vivement touché par la perte de notre cher camarade, le lieutenant Willy Roullon, mort au service de notre chère Patrie, je vous présente à vous et à vos chers enfants, en mon nom et en celui des officiers belges prisonniers, à l'Oflag II A, mes très sincères condoléances ... »



Notre héros valeureux a reposé en cette tombe du cimetière de Prenzlau jusqu'en 1947. En dépit de sa propreté fleurie, n'en dit-elle pas plus qu'un long discours ? Il n'avait que 27 ans, laissait une veuve éplorée et deux bambins privés à jamais de l'affectueuse protection paternelle ...

RAPATRIÉ EN 1947

       Il fallut attendre 1947 pour que les dépouilles des 23 militaires belges décédés à Prenzlau puissent être rapatriées. Le départ en camions et en ambulances se fit le vendredi 18 juillet, à 8 h 30. Après différentes cérémonies en Allemagne, les corps furent rendus à leurs familles le samedi 19 juillet. Le soir du dimanche 20 juillet, le corps de Willy Roullon et celui d'un soldat du 4e Lanciers, André Legrand, furent conduits en cortège à l'Hôtel de Ville de Mont-sur-Marchienne où une chapelle ardente avait été dressée.

LES FUNERAILLES UN 21 JUILLET

       Lundi matin 21 juillet, jour de fête nationale, vers 10 heures, après l'interminable défilé des habitants de la commune dans la chapelle ardente, le clergé vint procéder à la levée du corps du lieutenant Willy Roullon. Porté sur les épaules de 4 compagnons de captivité, dont j'étais, le cercueil gagna l'église où allait se dérouler le service religieux et où l'attendait une foule nombreuse, tandis que les drapeaux de toutes les associations patriotiques formaient la haie d'honneur.

       Après la messe, le cercueil de Willy Roullon, recouvert du drapeau aux couleurs nationales, fut ramené à l'Hôtel de Ville, où était resté, pour les funérailles civiles, le corps d'André Legrand. A ce moment, retentit la sonnerie du « Garde à vous ». Puis le Président Lucien Brasseur, au nom de la FNAPG locale ; Me Grimard, avocat, au nom de la Fraternelle du 4e Lanciers et M. Dutilleul, bourgmestre, au nom de l'Administration communale, prirent successivement la parole pour magnifier le sacrifice des deux héros.

       Après les discours, les clairons sonnèrent « Aux Champs » et l'Harmonie Royale de Mont-sur-Marchienne exécuta l'hymne national. Le cortège s'achemina ensuite jusqu'au cimetière où les corps de Willy Roullon et d'André Legrand passèrent une dernière fois entre la haie d'honneur formée par les drapeaux et les couronnes, et, en une simplicité émouvante, furent descendus, le premier dans le caveau familial ; le second, dans la fosse creusée dans la pelouse d'honneur.

HÉLAS ! PLUS DE 40 ANS SONT PASSÉS

       Hélas ! Tous ces événements douloureux que je viens de rapporter avec fidélité et émotion datent de plus de quarante ans ! Durant ces longues années, la veuve de notre cher Willy, Georgina Stilmant, n'a cessé de forcer l'admiration. Epousée le 7 janvier 39, devenue veuve le 4 novembre 41, elle n'a connu que mobilisation, guerre, brève captivité de son mari et... des larmes, des larmes qui ruissellent encore aujourd'hui à l'évocation du cauchemar. Les deux enfants qu'elle a donnés à notre héros, ont été élevés par elle seule, en veuve fidèle et courageuse, dans la plus parfaite honnêteté, dans le respect des plus hautes valeurs humaines, dans la vénération de leur père qu'ils n'ont pas eu hélas ! le bonheur de connaître. Ce destin cruel accabla deux êtres qui s'adoraient depuis l'adolescence et priva deux enfants de la bienfaisante affection paternelle ...

AU MOMENT OU...

       Au moment où, après plus de 40 années de luttes menées pour 10 triomphe de nos droits, une partie de ceux-ci sont illégalement attaqués, où nous assistons, venant de l'extrême droite, à des déclarations et des prises de position intolérables ; alors que sporadiquement on reparle d'amnistie, nous pensons, nous, anciens prisonniers de guerre de la section de Mont-sur-Marchienne, en communion d'idéal avec les autres groupements patriotiques, avec l'appui de notre groupement régional de Charleroi-Thuin Chimay et l'approbation de notre communauté des anciens prisonniers de guerre tout entière, nous pensons qu'il est temps de rappeler à nos descendants qu'à côté d'une fraction minime de mauvais Belges qui collaborèrent avec l'ennemi, il y eut aussi et surtout d'excellents patriotes qui, au mépris de leur vie, luttèrent vaillamment pour la libération de la Patrie.

       Dès la première heure, Willy ROULLON fut de ceux-là.

       Nous souhaitons que son sacrifice ne soit pas vain, qu'il ne sombre jamais dans l'oubli; mais que, au contraire, demeurant bien vivace dans toutes les mémoires, il préserve notre héros d'une seconde mort, celle-là définitive.

       Aussi sommes-nous heureux que nos mandataires communaux dans leur ensemble, et, en particulier, notre bourgmestre J.-C. Van Cauwenberghe, notre dernier bourgmestre de Mont-sur-Marchienne, l'échevin J.-P. Demacq, ainsi que l'échevin responsable Lucien Cariat aient comblé nos vœux et pris une part active à leur réalisation. Ainsi, en une cérémonie simple et émouvante, le square anonyme situé à l'embranchement des rues du Longtry et de la Mardouille a-t-il été baptisé « Square lieutenant Willy Roullon ». Que nos mandataires communaux en soient vivement remerciés ! Nous voudrions encore vous dire, chères petites amies et chers petits amis, à vous qui ferez le monde adulte de demain, combien nous souhaitons que le sacrifice de notre héros soit pour vous un inoubliable exemple et qu'il vous insuffle un inébranlable désir de paix. Puisse-t-il vous paraître évident : que la liberté se mérite par des larmes et des deuils; que la guerre est monstrueuse; qu'elle n'est pas inévitable; que les pays de l'Ouest, de l'Est, du Nord, du Sud étant condamnés à vivre ensemble, ils doivent arriver à se comprendre et à se respecter. Pour cela, un seul remède: susciter la confiance réciproque sans laquelle resteront inefficaces toutes les conférences officielles de désarmement ou de coopération.

Simon DUBOIS,
Président F.N.A.P.G.
de la section de 6100
Mont-sur-Marchienne.

 

IMPRIMERIE ANDRÉ BERNARD MONT-SUR-MARCHIENNE

    



[1] Camp de concentration : lieu où l'on rassemble des populations civiles de nationalité ennemie, des prisonniers politiques, etc. Pendant la seconde guerre mondiale, les nazis exterminèrent dans les camps de concentration 12 millions de prisonniers politiques, opposants au régime national-socialiste.

[2] 10 mai 1940 : date de l'invasion allemande en Belgique.

[3] Oflag : abréviation de Offizierlager - camp d'officiers. Nom donné en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale aux camps de prisonniers réservés aux officiers.

[4] Mirador : poste de surveillance, élevé à 4 mètres au-dessus du sol, couvert, mais ouvert à tous vents pour permettre le tir d'armes automatiques dans toutes les directions.

[5] A noter que les prisonniers de guerre ont des droits reconnus par la Convention de Genève. Notamment, la tentative d'évasion est légale et la capture du prisonnier évadé ou en tentative d'évasion ne peut donner lieu à représailles physiques ou autres. Cette disposition fut rarement observée.



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