Maison du Souvenir

Le rôle de l’Armée Secrète à Waremme et Hannut.

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Le rôle de l’Armée Secrète à Waremme et Hannut.

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Otarie, Z. IV, Huy – Waremme, section 419

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Monument qui honore le «Refuge Otarie » et qui se trouve à Omal sur la Chaussée Romaine

Détail du côté gauche du monument

Détail du côté droit du monument

Endroit où sont tombés trois membres de l’armée secrète

Jules Stiernet

Léon Mélon

Marcel Lacroix

Le château de « Les Waleffes »

Plaque commémorative sur le mur d’enceinte du château de « Les Waleffes »

La ferme de « Les Waleffes »

Entrée de la ferme de « Les Waleffes »

Plaque commémorative sur le mur de la ferme de « Les Waleffes »

Endroit de « Les Waleffes » où se faisaient les parachutages

Le rôle de l’Armée Secrète à Waremme et Hannut

(1940-1944)

Préface

       Dieu nous garde de nourrir au cœur ce sentiment humain dégradant qui s'appelle la HAINE... Mais rien ne doit nous faire oublier des événements chargés de dures et pénibles leçons...

       Non, mon cher Renson, en te voyant arriver, tout menu, tout modeste, au 1er Bataillon de la Brigade Piron, je ne mesurais pas exactement ce que tu représentais. Bien sur, nous savions tous qu'il y avait une « Résistance ». Nous avions rencontré, au cours de notre passage rapide en Belgique, des gars de ton espèce, courant les sentiers au-devant de nos infiltrations. D'autres aussi, ramenant déjà au parc les files apeurées de prisonniers. Mais de là à connaître tout le secret du labeur obscur, toute la patiente et courageuse besogne des nuits de veille, lourdes de menaces inconnues. De là à imaginer les souffrances, les sacrifices, les dangers, pain quotidien des « RESISTANTS » pendant d'interminables mois...

Non, je ne savais pas. Comment aurais-je pu savoir ?

       En as-tu jamais soufflé mot ? Alors ! Ce livre, je dirais plus volontiers ce journal de l'Armée Secrète, refuge « OTARIE » sera donc plus qu'utile. Il était nécessaire.

       C'est un précurseur. D'autres suivront, doivent suivre l'exemple de l'auteur hesbignon. Ainsi, cette contribution à la formation des jeunes ne restera pas régionale. Elle prendra sa place – une belle place – dans l'ensemble de l'historique de tous ceux qui furent, au cours de cette guerre, à l'Avant-garde de la Liberté...

       Ce livre est une contribution à la formation des jeunes. C'est même, je pense, son plus grand mérite. Non pas tant par les noms ou les qualités des personnages que l'on y cite. Ils sont si nombreux. Tous également courageux, également méritants.

       Mais quel exemple ! Simple, émouvant, poignant parfois, il se dégage de ces pages. Vivant, imposant, tangible... Ouvriers, fonctionnaires, fermiers, propriétaires, riches et pauvres, nobles et roturiers, croyants et athées, hommes d'action et frêles jeunes filles, unis comme des épis coupés par une même faux pour former une seule gerbe. N'étant plus qu'une seule famille ; un membre d'un même corps ; une fraction de la somme d'intelligence d'une seule tête. Se sentant vivre en une union étroite, ferme et enthousiaste pour un même idéal. Supportant, acceptant, recherchant avec joie les sacrifices quels que soit le danger, l'issue...

       Oui, quel exemple ! A travers lui, nous nous retrouvons. Ceux d'Angleterre, ceux de Belgique, ceux de partout qui n'ont pas accepté la défaite. Qui ne l'accepteront jamais. Voilà l'important. L'essentiel.

       Voilà la raison du livre, sa nécessité, sa beauté. Car, est-il œuvre plus belle ou plus utile que celle de faire des hommes avec les enfants présents qui vivront quand nous n'y serons plus?

*

*          *

       Ma pensée va vers les camarades qui déjà reposent depuis de longs mois dans les cimetières de France, de Belgique, d'ailleurs. Ils sont couchés, au fond, pas si loin des autres. Ceux que notre jeunesse apprit à appeler « poilus ». Soldats de la même cause, leurs croix sont identiques. Simples croix de bois si modestes qu'à peine on les voit en passant. Soldats en bleu ou en kaki, soldats en battle-dress, soldats en toile de sacs. Héros de la même aventure, victimes des mêmes erreurs. Peut-on oublier ?

*

*          *

       La tâche n'est pas finie ... Non. L'Armée s'est reconstituée. Deux Divisions montent, une fois encore, la garde au Rhin. L'une, la 1ère porte désormais l'insigne de la Brigade PIRON. L'autre, celui de la RESISTANCE. Unies dans un seul Corps d'Armée.

       Jeunes gens de notre pays, flamands de Landen, wallons de Waremme, pensez-y. Vous viendrez à votre tour reprendre le fusil qu'un des vôtres a peut-être laissé glisser de ses mains au moment de l'ultime sacrifice. Songez à celui-là. Faites bonne garde ... Et, plus tard, passant le fusil au suivant de la génération, rappelez-lui. Rappelez-vous. Revenez à ces pages, les petites pages de ce journal. Elles vous aideront à être ce que furent ces braves. Un « RESISTANT » oui… Mais au-dessus de tout, un... HOMME.

Bad-Godesberg, 1er août 1946

Capitaine-Commandant VAN LAETHEM,

Commandant ad-intérim du 1er Bat.

de la « Brigade Piron ».

Le rôle de l’Armée Secrète à Waremme et Hannut

(1940-1944)

       Chers camarades, je suis extrêmement heureux d'avoir été appelé à promener ma plumé inexperte, dans la masse des souvenirs que vous avez forgés.

       Je le suis, parce que j'ai revu doucement, comme un film que je déroule, toute la trame de vos actions magnifiques.

       J'ai vécu à nouveau, votre vie si noble, du temps de la guerre sourde.

       J’ai connu deux fois vos souffrances, vos angoisses, et tout ce qui fit le mérite de votre lutte ardente et opiniâtre : vos blessures, et vos deuils.

       Mais aussi vos joies !

       Je me suis assis seul, sur cette dernière borne, à la fin de la longue route ; et, ne vous voyant plus autour de moi, je me suis mis à écrire, en pensant à vous.

       Ne vous imaginez pas, je vous prie, amis, lecteurs que ces lignes que j'offre à tous ces volontaires de la « grande époque » renferment toute l'action générale, tous les actes particuliers accomplis par eux.

       Non ! Vous vous tromperiez trop !

       Que de belles choses n'ont pas été évoquées! Que de ruses, que de gestes, que de faits, sont tus, parce que le, ou les auteurs ne me sont plus nommément connus ; ou parce que leur souvenir n'est plus suffisamment précis, en moi ; ou bien encore, parce que l'activité déployée en cette occasion déborde de ce cadre spécial.

       Cette fresque pouvait être considérée sous divers angles.

       J’ai choisi celui que je connaissais le mieux: celui du P. C.

       J'ai dû, sous peine de me tromper, ou d'être trop long, écarter les images voilées, ou celles étrangères à l'action de l' « Armée Secrète ».

       D'ailleurs, il n'est pas un seul homme de cette phalange, aussi modeste soit-il, qui n'ait accompli exactement, et chaque fois, en toute circonstance, l'ordre qui lui était donné !

       Comme un soldat ...

       Et ce sont ces soldats qui ont fait la force et la valeur de cette unité au combat !

       Sachez donc deviner, tout au long de ces lignes, l'effort déployé par tous ceux dont je n'ai pas parlé. Leurs noms sont portés à l'Ordre de Bataille de la phalange d'OTARIE.

       Le mérite de ce petit ouvrage est le leur.

       Le leur, et celui de leurs chefs !

P. 401.829. A. S.

LA FORMATION.

       A l'occasion de la démobilisation de l'Armée Secrète, le Lieutenant-Général PIRE a lancé une proclamation, dont nous extrayons les phrases suivantes :

       ... « Par votre présence, vous avez fait peser une lourde incertitude sur les armées ennemies.

Par votre activité généreuse, vous avez contribué à la libération de la Belgique, à la préservation de son patrimoine national.

L'Histoire dira la disproportion des moyens accordés, et du résultat appréciable de vos actions de sabotages discrètes mais efficaces; de vos combats rapides et ardents »...

       C'est un maillon de cette Histoire, que nous voudrions forger, en donnant un aperçu aussi exact que possible, de l'action de la phalange hesbignonne de l'Armée Secrète.

 

1940

       II y a dans le ciel qu'ont vu nos yeux en s'ouvrant, dans l'air que nous avons respiré de nos poitrines jeunes, libres et joyeuses, dans le pays natal enfin, un charme qu'aucun autre ne peut rendre.

       Les Boches, en 1940, venaient à nouveau ternir, souiller tout cela.

       Nos mœurs, nos coutumes, notre Constitution, tout allait-il être anéanti ?

       Pauvres enfants, soldats de 1940, nous croyons vous revoir, rentrant chez vous, au soir de la défaite initiale...

       Vous paraissiez implorer le pardon des anciens de 14-18.

       Que vous vous trompiez en croyant au reproche muet de ceux-là qui restaient vos frères et qui, dès cet instant, avaient juré de vous aider à reprendre la lutte et à vaincre !

       Avant de triompher sur l'Yser, vos aînés avaient dû céder Liège, Namur et Anvers.

       Vous veniez d'inscrire dans nos fastes, de votre sang, les luttes âpres d' « Ardenne », de la « Lys ».

       Vous aviez vos prisonniers, vos blessés, vos morts, vos héros.

       Des Belges peuvent mourir, connaître les geôles ennemies, mais ils ne seront jamais vaincus aussi longtemps qu'il en restera qui veulent vaincre ; parce qu'à force de courage, d'obstination, de foi, et de résolution ils savent qu'ils vaincront.

       Chers souvenirs, luttes magnifiques du ciel de Londres, doux échos des voix amies captées à toutes les émissions de la B. B. C., que vous nous aidiez !

       A travers les ondes, comme une pluie généreuse, ces encouragements nous pénétraient et faisaient germer en nous la décision.

       ... « La France a perdu une bataille, mais elle n'a pas perdu la guerre » (de Gaulle)... « Courage, souvenez-vous de la prière inscrite sur vos louis d'or : Dieu protège la France » (W. Churchill). Ces paroles ne furent-elles pas les premières invites à la confiance ?

       Belges, vous saviez qu'il est impossible d'avoir une seule vraie vertu, sans l'amour de la Patrie, et qu'à la guerre, cette passion fait faire des prodiges.

       Vous connaissiez, vous étiez imprégnés de votre devise nationale : « l'Union fait la Force », et, d'un coup, vous avez cherché le regard de vos amis. Vous l'avez trouvé.

       Unis, vous avez juré de vaincre.

       Souvenez-vous de vos serments d'action, que jamais nul n'a trahis !

       Appuyés les uns sur les autres, les jeunes sur les anciens, vous avez entrepris la résistance ; ensemble vous avez souffert résolument, gardant en vous, à travers tout, l'amour de la Patrie.

       Aujourd'hui, au pied de cette patrie douloureuse, mais libre, vous venez de déposer la gerbe de vos souffrances.

       Vous avez tari les larmes d'une mère chérie : LA BELGIQUE.

 

ORGANISATION.

       Où sommes-nous ?

       Entre Liège, Tongres et Neerwinden.

       Où d'autres braves, bien avant vous, avaient compris qu'un pays sans liberté c'est l'exil.

       Entre Huy, Hannut et Waremme : ces avancées de la Cité Ardente, dont les Hesbignons sont les enfants.

       Les têtes y sont dures ; la terre aussi, mais elle est nourricière.

       Ce qu'elle fait naître, devient fort !

       Comment naquirent ces ruisseaux de volontés concordantes enflés goutte à goutte par des résolutions communes ?

       Comment s'unirent-ils enfin en un seul fleuve d'action ?

       Telle est l'histoire qu'on a demandé à un très humble rapporteur d'écrire.

       Sans aucun doute, les initiés trouveront souvent une narration incomplète, des omissions de faits.

       Qu'ils soient charitables. Qu'ils se souviennent de l'interdiction faite à tous de conserver des notes, de l'ambiance, et des ennemis arrogants qui guettaient.

       Qu'ils pardonnent à une mémoire défaillante, et qu'ils ne retiennent qu'une seule chose : « Tout ce qui est rapporté est exact... mais même et surtout inférieur à la réalité ! »

       N'est-ce pas mieux que la garantie de la sincérité ?

 

WAREMME.

 

       En libérant des soldats prisonniers, la propagande allemande avait cru vaincre l’esprit de résistance.

       En rendant des hommes de devoir à la liberté, elle se perdait.

       Parmi les officiers renvoyés à leurs occupations, au foyer, se trouvait à Waremme, le Lieutenant René RENSON, professeur d'Histoire à l'Athénée.

       Ce dernier n'a pas tardé à rejoindre ses élèves, et à reprendre son enseignement.

       Maître de valeur, il s'entendait à forger ce merveilleux levier qu'est la jeunesse.

       A l'époque, il ne craignait même pas, en parlant des différents Reich, de rappeler leurs chutes : 1806-1918 – et de prévoir celle qu'il espérait prochaine !

       Tous ses camarades de combat, avertis de ses sentiments et de son esprit aussi réfléchi que résolu, ne tardèrent pas à l'appeler à la présidence de la Section des « Militaires de 1940 » qui s'insérait dans la Fédération Nationale des Combattants.

       Et le Lieutenant Renson accepta d'emblée.

       Gloriole ? – Non pas !

       Cet officier, dont la conduite sur les bords de la Lys, fut si brillante, connaissait son devoir. Il voulait le remplir.

       Très simple, effacé, discret, il serait passé inaperçu.

       Mais quand, la tête penchée, la main jetée en avant, au bout du bras replié, et le pouce appuyé sur l'index, il parlait sa voix grave, son calme, autant que l'intelligence qui pétillait dans ses yeux brillants et noirs, séduisaient ses auditeurs.

       Tous les hommes du jeune groupe furent immédiatement conquis.

       Il venait de leur exposer la tâche première : l'assistance aux amis prisonniers de guerre, et à leurs familles.

       Le Lieutenant Renson venait de constituer une section d'amis dont l'objectif de charité ne pouvait paraître suspect à personne chez l'ennemi.

       Mais ce n'était qu'un paravent, et derrière, il unissait aussitôt les meilleurs parmi ses camarades.

       Il portait en lui l'idée de la Revanche et de sa préparation.

       Et c'est ainsi que les premières réunions secrètes groupèrent à Waremme, Gaston Nélis, André Beauduin, Léon Berger qui mourra en regardant la délivrance, Joseph Kindermans, Camille Coelmont, Léon Bertrand et d'autres.

       Au siège de la Section des Combattants de Waremme, il restait toujours quelques miettes du temps consacré aux intérêts précieux des amis prisonniers, des blessés, et des familles de ceux que la Gloire avait enlevés à la vie.

       Et ce temps était consacré à l'idée du regroupement des forces.

       Le cœur parlait alors au cœur ; le devoir au devoir. Des amis sûrs s'unissaient... le recrutement allait suivre.

       A Huy, le Lieutenant Rassart, officier remarquable des « Chasseurs Ardennais » cherchait à grouper ses bérets verts pour la constitution d'un service social, réservé à tous les militaires de son ancien Corps.

       Lui aussi, cherchait le prétexte.

       Et, précisément, Gaston Nélis, ancien du corps, avait retenu l'attention du Lieutenant Rassart.

       Un premier rendez-vous eut lieu au café « Sitis », à Liège.

       Un autre à Waremme.

       Gaston Nélis, venait d'unir les deux officiers Renson et Rassart en les mettant en rapport.

       Waremme et Huy venaient de se tendre la main.

       Nous ne sommes cependant encore qu'à l'automne de 1940 et déjà des pelotons existent.

       A Waremme, d'autres éléments ont soudé leurs énergies à celles des premiers camarades, et parmi eux un aumônier rentré peu avant d'Allemagne : l'abbé Pirson.

       A cette époque déjà, cette petite unité possédait un dépôt clandestin, chez une patriote de la ville : Mme Sidonie Lambert.

       Quelques armes, des pistolets récupérés, un poste émetteur, dormaient déjà dans leur cachette.

       Leurs propriétaires ne doutaient pas. Ils ne doutaient de rien.

       Ils se savaient de simples pions sur l'échiquier gigantesque, mais ils voulaient contribuer de toutes leurs forces au « Mat ! »

       Puis d'autres amis des environs, alertés, vinrent les rejoindre.

       Ce furent le capitaine Naveau de Hollogne-sur-Geer, le premier des officiers de réserve de la région qui ait accepté de faire partie du mouvement; et l'adjudant Edmond Leburton qui fait inscrire deux pelotons d'hommes résolus qu'il a recrutés parmi lesquels : Joseph Stassart, Jean Coune, Constant Vanderbenden, Gayet, Landenne, Zénon Dawir, Joseph Leburton, Same, Budo, Joseph Bailly et combien d'autres encore ?

       Au même moment, le Lieutenant Renson se rendait chez le Révérend curé de Berloz, l'abbé Lysens, Gaston Nélis lui avait signalé l'admirable esprit de résistance de ce prêtre, qui avait groupé autour de lui des confidents résolus.

      C'est ainsi qu'à la phalange initiale furent unis Richard Orban, Albert Accuria, Perée, Pire, et aussi des jeunes flamands de Borloo, de Buvingen, de Goyer : José Guilliams, Van Brabant, Massin, Deven, Walthère Bormans et encore Joseph Géradon de Grand'Axhe. Tous ces éléments nouveaux entraînaient d'autres amis discrets.

       Joseph Kindermans de Marlinne, un des fondateurs, attirait d'autres jeunes flamands de Heers, de Marlinne, de Roclenge ; les frères Budenaers, Emile Schalemborg, Jean Missotten, élève de l'école Militaire, Léon Gysens, Jacques Vandenbrouck, Schepers, Schoofs, et le commandant de la Brigade de Gendarmerie de Heers, le chef Curvers.

       De proche en proche, le mouvement s'étendit à Hannut et à Braives.

       Le Lieutenant Renson, connut ensuite, là bas, le sergent Bontemps, l'adjudant Condé, Flagothier, d'autres gradés tels Joseph Heusicom, Georges Donie, et encore Linard, Nivelle, Garcez, Léonard, Snyers, etc.

       Le Lieutenant des Lanciers Freddy Cartuyvels, de Braives, Armand Grenier et quelques bons éléments rejoignirent, également.

       Et ce n'était pas tout.

       Là tout près, à Fumal, le commandant B. E. M. Houchon avait constitué un groupe. Il en avait laissé le commandement au lieutenant Simon.

       De suite, avec son adjoint le sergent Bada, et leurs hommes, ils se rallièrent au noyau central.

LES UNITES SE CONSTITUENT.

       Sans établir des cloisons étanches entre toutes ces volontés, il convenait que sur le modèle des unités de l'armée, des escouades, des sections, se constituassent ; que des responsabilités s'établissent.

       Le Lieutenant Renson commandait donc l'effectif entier.

       Le Lieutenant Cartuyvels avait la responsabilité de la section de Hannut ; le Lieutenant Simon de Fumal-Marlinne ; et à Waremme c'était sous les ordres du capitaine Naveau, et des candidats officiers Leburton et Nélis, que les sections avaient été placées.

       Un petit Etat-Major local s'était constitué.

       Et déjà, à côté, un service de santé et d'aumônerie avait été créé.

       Les médecins Evrard et Bourmanne de Waremme, Leroy de Hannut avaient donné tout leur concours, comme les abbés Lysens et Pirson d'un côté et le Père Royackers de l'autre.

       Les mois de 1941 passaient, et toujours, et sans cesse, par ci, par là, le recrutement des âmes d'élite se poursuivait.

       L'effectif ne cessait de croître.

       Tous ces jeunes gens, initiateurs des mouvements de Résistance, n'étaient-ils pas l'Elite de la Nation opprimée ?

       La Patrie ?

       Mais qu'était-ce donc que cette Patrie ?

       N'était-ce pas le foyer, les êtres aimés, le travail quotidien qu'ils venaient de retrouver après la douloureuse campagne des dix-huit jours ?

       La Patrie eut été cela, s'ils avaient eu la Liberté.

       Or, ils ne l'avaient plus. Comme eux, tous ceux qu'ils aimaient l'avaient perdue : leurs enfants, leurs parents, une fiancée, une maman, des vieillards ont les yeux voilés.

       Certains pour s'enrôler ont cru devoir prévenir les leurs.

       Et ces êtres aimés ont recommencé à craindre pour le sort de leur fieu, qui rejoignait des amis, dans la lutte sourde contre l'ennemi exécré.

       Leur attitude était comprise bien certainement, mais l'angoisse passée renaissait.

       Ces gars, pour la plupart, n'étaient-ils pas des ouvriers, des artisans, qui ramenaient chaque jour au foyer le pain des leurs ?

       Mais qu'importe ! Que de femmes averties firent le sacrifice, et rejoignirent d'un seul coup leur combattant, dans l'abnégation et la beauté du geste.

       Lecteurs, si parfois, au cours de cette lecture, vous ne deviez être intéressés que par le récit des actions qui se développeront, ou par le pincement de cœur que certains acteurs ressentirent, rejoignez un instant en pensée, je vous prie, dans l'humble cuisine de la maisonnette, la maman ou l’épouse qui veille...

       Elles attendent dans la nuit, elles écoutent, elles prient.

       Le tic-tac de la vieille horloge prie aussi pour que celui qui s'en est allé hier soir, rentre bientôt.

       Missions, sabotages ; parachutages, actions diverses... combien de femmes avez-vous fait trembler !

1942

       La « Légion Belge » a fait place à l'Armée Belge reconstituée, l' « A. B. R. »

       Le groupement initial a pris à Waremme-Hannut, l'importance de plusieurs compagnies.

       La responsabilité devient considérable.

       Le Lieutenant Renson savait qu'il allait être aidé...

       Un commandant de Bataillon est annoncé, enfin !

       La liaison à cette époque, était établie dans le pays, entre les divers groupes.

       Le secteur HUY-WAREMME va devenir une entité, commandée par un colonel ff. et jusqu'à la délivrance, tous les éléments de ce secteur vont vivre d'une existence parfaitement organisée, et commandée.

       Nous croyons devoir insister particulièrement sur ce fait que les cadres des unités qui travaillaient déjà étaient composés uniquement d'anciens officiers et sous-officiers qui avaient connu la guerre.

       La plupart des hommes qui les suivaient, étaient leurs soldats.

       Tous, étaient des Belges, des vrais !!

       Le Lieutenant Rassart, au début d'août 1942, fut envoyé au Lieutenant RENSON par le Colonel « BEAUDUIN » de Huy, pour lui faire part de l'arrivée imminente d'un commandant du Bataillon dont il allait être à l'avenir, l'adjoint.

       Ce fut pour le jeune officier une satisfaction considérable.

       L'action magnifique qu'il avait entreprise et qui s'était tellement développée, exigeait maintenant la direction d'un homme averti dont le temps n'était pas mesuré par d'autres occupations.

       Et à cet instant même, le Lieutenant Renson s'occupait de la Fancy-Fair organisée à Longchamps pour le bénéfice des prisonniers secourus par le service social Waremmien.

       C'est ainsi que quelques jours après le Commandant REYNTENS arrivait.

LE COMMANDANT.

       Le Commandant Reyntens, ce fut « GEORGES » !

       Maquisard, il tenait à l'anonymat.

       Il était grand, très mince.

       La figure fine, les traits bien réguliers, il avait le front très haut, et une intelligence remarquable que révélaient deux yeux noirs très vifs, et parfois si doux.

       Son regard direct creusait un moment votre pensée, eût-on dit, et vous transmettait étonnamment ensuite les sentiments de ce chef, tant ses yeux parlaient.

       C'est d'eux, que tous ont appris sa volonté, l'énergie, l'opiniâtreté du commandant... et surtout son affection pour les siens, ses amis et ses hommes dont toute joie ou toute peine était sienne.

       Il était la modestie en personne, et cependant...

       Dans son ouvrage sur la campagne de 1940, « Dés Pipés », Raymond Leblanc n'en développait-il pas tous les mérites ?

       Et ses citations de 1914-1918, car il fut un volontaire de l'autre guerre ?

       Commandant la Compagnie motocycliste des Chasseurs Ardennais en 1940, n'avait-il pas fait de son unité, une troupe de toute première valeur ?

       Il était défendu de parler de ses mérites, mais chacun de ses hommes sut bientôt que blessé dans les derniers jours de la Campagne passée, il avait refusé d'abandonner son commandement pour ne pas quitter ses soldats.

       Et, tout de suite tous les gars de l'effectif aimèrent leur commandant.

       C'était l'abbé Reyntens, professeur de sciences au Collège de Nivelles : un abbé, parfaitement.

       Un officier de réserve, aujourd'hui.

       Un maquisard surtout.

       Il avait été appelé à quitter son collège, pour prendre un commandement.

       Et il avait attendu sa mission dans diverses fermes condruziennes des environs de Havelange, où il avait accompli entr'autres les besognes d'un vacher.

       Pour son groupe, il s'agissait immédiatement de lui donner un gîte.

       Le Lieutenant Renson eut recours à l'Abbé Lysens, et ce dernier obtint aussitôt de Madame la Comtesse de Renesse de Berloz, l'invitation qu'il sollicitait.

BERLOZ.

       Le château de Berloz fut le premier P. C. (Poste de commandement).

       Il était bien plus facile d'y accueillir des patriotes, des maquisards traqués et sans abri, que d'inventer les histoires, les prétextes justifiant leur présence.

       Les braves gens étaient si curieux, et en outre, il y avait les ... autres.

       Certains aviateurs de la R. A. F. au cours de raids sur l'Allemagne, ne durent-ils pas plonger de leur ciel libre, dans notre nuit ?

       N'y eût-il pas parmi ces boys acceptés Paul Wright qui coûta tant de recherches au curé de Berloz ? La tenue civile de l'aviateur exigeait des bottines de pointure « 46 » !

       Ou encore Colin Rooks, qu'Accuria et Léon Chabot amenèrent en voiture, et qui dans sa chute s'était brisé la jambe ?

       Ce dernier dut être évacué à Waremme ensuite chez M. et Mme André Beauduin-Sény, où, après des semaines, il trouva la guérison.

       D'autres « cousins » passèrent à Berloz.

       Citons surtout celui que tous nommaient le baron de Coune, et qui n'était autre que le commandant de réserve Louis SNOECK, Chef de l'Armée Secrète dans le secteur de Saint-Hubert.

       Pourquoi ne dirait-on pas aussi, que les combles et les caves du château recélèrent jusqu'à la fin de la guerre, des vivres, des sachets de pansements, des pneus, bref, toutes les choses nécessaires que l'aumônier Lysens, aidé de Joseph Céradon, accumulait, pour les besoins du bataillon ?

       Madame la Comtesse de Renesse acceptait tout. Jamais elle n'a dit : N'ON !

       C'est là, que le commandant Reyntens va vivre d'abord.

       Très proche, se trouvait son adjoint, son second, son ami : le Lieutenant Renson.

       C'étaient deux frères.

       Ils se complétaient admirablement.

       Les obstacles, les écueils vinrent, mais disparurent ...

       La Belle Equipe les avait prévus. Elle voulait les vaincre et chaque fois elle a réussi.

CADRES. – UNITES.

       Les trois compagnies avaient été placées sous le commandement d'officiers qui avaient eux-mêmes leurs adjoints et leurs cadres.

       Le Lieutenant Cartuyvels commandait la « 420 » (Hannut) entouré de Bontemps, Condé et Donie.

       Le Lieutenant Leburton, avait sous ses ordres la « 419 » (Waremme) avec, comme assistants, Gaston Nélis, Léon Berger, tandis que la « 423 » était aux ordres du Lieutenant Simon et de ses adjoints Jos. Kindermans et Bada (Région Fallais- Marlinne).

       Et toutes les unités inférieures se trouvaient chacune commandées par des gradés dont la valeur égalait le dévouement.

       En outre il y avait la compagnie « Etat-Major » !

       Les services de santé, d'aumônerie, celui du Génie, d'Information, s'y trouvaient réunis à celui que commandait le lieutenant Coelmont, le Quartier-maître.

       Tous les courriers, messagers à la disposition du Commandant y étaient en subsistance.

       En outre toute une section, celle de ceux qu'on nommait les supplétifs, complétait le Groupe imposant.

       C’était celle des anciens par l'âge, combattants de l'autre guerre, ou militaires d'anciennes classes décidés à la revanche glorieuse.

       Au total, le Grou.pe entier comportait 450 hommes ; et au cours des années suivantes, très peu d'éléments vinrent s'y ajouter.

       Ne valait-il pas mieux ne compter que sur des volontaires des premières heures, et n'ajouter à ceux-là, le cas échéant, que des éléments absolument sûrs, plutôt que d'accepter, des candidats de la dernière minute, qui n'auraient rien ajouté à la force du Groupe ?

       Tout était question de discrétion. Le succès dépendait d'elle.

       On fit bien. Jamais un homme n'a parlé.

DISCRETION ET BAPTEMES.

       La prudence commande que dans tous les mouvements clandestins les noms des acteurs disparaissent.

       Ce fut pour le Commandant la raison qui l'amena à nantir tous ses chefs et lui-même d'un prénom spécial d'identité.

       Le Commandant Reyntens devint « Georges », le Lieutenant Renson « Bernard ».

       J’ai connu « Célestin » (Léon Berger), « Jean-Pierre » (Leburton), « Léopold » (Lieutenant Cartuyvels) et « Ignace » (le Capitaine Naveau).

       Il y eût « Joseph » (G. Nélis), « Omer » (R. Orban), « Quirin » (Ahbé Lysens}, et encore « Urbain » (Dés. Quoitin), « Modeste » (André Beauduin) ou « Oscar » (Lieutenant Coelmont) et « Alfred » (Lieutenant Bertrand).

       D'autres recevront encore la protection d'un nouveau saint patron !

LIAISONS.

       Les ordres devaient se transmettre. Des conférences étaient nécessaires.

       Les courriers se chargeaient des premiers.

       Le Commandant prescrivait les secondes, chez lui souvent, ailleurs parfois pour éviter des déplacements trop longs.

       J'ai pu suivre ces courses au rendez-vous, le soir, et même la nuit.

       J'ai vu ces ombres emportées par la route, dans le noir.

       J'ai deviné la patrouille ennemie qui rôdait, prête à la fouille, et à l'arrestation. J'ai entendu aussi, le toc-toc discret, frappé sur la porte, et j'ai aidé le camarade qui entrait, à se débarrasser d'un manteau trempé de pluie, ou à se réchauffer quand le froid l'avait transpercé pendant sa course.

       Quelles étaient douces, ces réunions !

       Les rapports, les conseils, les ordres s'échangeaient, mais aussi les amitiés.

       Tous ces hommes n'étaient-ils pas devenus des frères, acharnés à la réussite d'une même cause : celle du Pays à libérer ?

       J'ai vu aussi les courriers, les « Jacques » (Jos. Bailly), « Etienne » (Pierre Jamoulle) , « Raoul » (Valère Stasse), jeunes aux yeux clairs, brillants de volonté, que nul obstacle n'a jamais rebutés... Etienne qui mangeait le billet s'il le fallait ou « Ambroise » (Kempeners) qui dépistait les feldgendarmes, André Berger, etc.

       Rien n'était aussi précieux à tous ces braves, que leur commune volonté de réussir et de vaincre.

       Ils savaient que l'espérance se montrerait un jour à eux, aussi belle qu'ils l'avaient rêvée.

       La route pouvait être longue, mais qu'importe !

       Tant mieux même, se disaient-ils, la victoire sera d'autant plus brillante, et ils la voulaient.

       Ils avaient du cœur ; du cœur pour travailler, pour aimer ; et pour eux, aimer, c'était servir.

       SERVIR ?

       Ils l'ont fait, tous, du Chef au plus humble.

       Ils le feront jusqu'au sacrifice total, Richard Orban, Léon Berger, Léon Mélon, Marcel Lacroix, Jean-Joseph Duchateau, Marcel Fauville, Emile Martin, Jules Stiernet.

       Tous furent prêts.

« CLANDESTIN ».

       Si les rapports entre amis se faisaient sans nulle difficulté, il se trouvait parfois des circonstances, où le message devait être communiqué à un camarade inconnu.

       C'était là une source de danger.

       Ne fallait-il pas, en toute hypothèse, que seul, le destinataire soit atteint par l'ordre ?

       Comment dès lors, le messager allait-il réussir à identifier exactement son partenaire ?

       Voici :

       Ce fut le mot « clandestin » qui servit de clef.

       Seuls, les chefs connaissaient le mystère.

       Ce mot de circonstance était exactement approprié au service qu'on en attendait.

       Il était composé d'un bouquet de caractères, tous différents.

       Chacune de ces lettres correspondait au chiffre, ou au dernier chiffre de toute date.

       Un exemple ?

       Le « c » rimait avec les premier, onzième, vingt et unième et même trente et unième du mois. De même pour les autres lettres, avec les dates suivantes.

       Comment, dès lors, s'entendaient les comparses inconnus ?

       Comment se reconnaissaient-ils ?

       En appliquant dans une première question et dans une réponse immédiate, la clef de ces lettres.

       Le courrier, mis en face de la personne recherchée, lui posait une question, brève, dans laquelle un mot propre commençant par la « lettre du jour », mis en évidence par la prononciation, devait attirer l'attention.

       L'interpelé, si c'était lui, devait répondre par une phrase courte, dans laquelle un nom propre commençant par la « lettre du lendemain » allait prouver au courrier, qu'il était bien en, face de la personne qu'il recherchait.

       Un exemple :

       Voici une conversation appropriée à une date : un 25.

       Les chiffres: 5, puis 6, vont se conjuguer avec les lettres « D » et « E ».

       Le courrier demandait : Monsieur, étiez-vous hier, à Dinant ?

       L'autre répondait: Oui, et j'y ai vu Edouard !

       Le « jeu» n'était pas difficile.

       Il servit en maintes circonstances.

       Il y eût bien par ci, par là, quelquefois, une hésitation, mais elle n'a jamais duré qu'un instant chez l'interpelé.

PREMIERES ARMES.

       Tous ces volontaires avaient naturellement l'une ou l'autre arme, mais ce n'était en général qu'un pistolet de fortune.

       Des armes de guerre récupérées, en très petit nombre, incomplètes parfois, avaient été rassemblées et cachées.

       J'ai parlé d'un petit dépôt.

       Mais, à l'époque, il ne s'agissait pas encore de procurer à chacun des éléments, le matériel d'attaque ou de défense indispensable.

       A ce moment, la préoccupation dominante, était d'une part l'équipement, et de l'autre l'étude du secteur.

       Chaque homme possédait déjà, son sachet de pansement individuel.

       Les accessoires d'intervention: gazes, garrots, avaient été rassemblés dans des dépôts secrets.

       Le lieutenant Jean Compère, chef de ce service, et le docteur Evrard, de Waremme, avaient réalisé ce travail.

       A côté de ces deux noms il faut en placer un troisième : celui d'une dame, qui a contribué à la recherche de tout le matériel nécessaire, et qui a pris sur elle le soin de cacher le tout.

       Cette personne, Madame Lecloux-Lejeune, épouse d'un officier supérieur d'Artillerie, prisonnier de guerre, ne s'est jamais lassée de donner tout son dévouement au Groupe.

       Elle a gardé chez elle les jeux de cartes militaires indispensables, à côté du trésor du Service de Santé, jusqu'au jour où il a paru prudent de transporter le tout, chez un autre médecin : le docteur Herbillon.

       Ceux qui se rappellent les difficultés sans nombre que rencontraient les habitants à se pourvoir de bicyclettes et surtout de pneus neufs, comprendront quel problème ce fut de faire disparaître l'angoisse des éléments du Groupe qui devaient journellement se servir du vélo.

       Chefs et courriers souffraient constamment des vicissitudes de l'approvisionnement, et souvent, ils devaient achever à pied, la bécane à la main, la route entreprise.

       L'abbé Lysens-Quirin, s'est mis à la tâche, et par ses relations avec la firme Englebert, il parvint à constituer à Berloz, un stock suffisamment considérable pour assurer le renouvellement des pneumatiques.

       Il réussit même à obtenir la livraison de cycles neufs.

       Jamais, il n'y eût la moindre interruption. Le secret tint bon.

       Les relations, du coup, restèrent aisées.

       Les préoccupations du commandement disparaissaient.

       N'était-ce pas par chemins, par sentiers, que toute liaison et toute reconnaissance devaient être effectuées ?

AU P. C. DU SECTEUR.

       Chacun sait maintenant que dans la Patrie entière, l'Armée Belge reconstituée avait posé ses jalons dès le début de l'occupation.

       Cette A. B. R. avait tendu sa toile d'araignée sur toutes nos contrées, et partout les chefs et les membres de cette association de résistance nationale, travaillaient, selon les vues et les ordres d'un Commandement national.

       Le Secteur HUY-WAREMME, qui deviendra le secteur IV de la Zône IV. (Liège) était commandé par le colonel F. F. « Beauduin ».

       Ce nom de guerre dissimulait un Chef, à la sagacité, au sang-froid et à la prudence duquel chacun se plaît aujourd'hui à rendre hommage.

       Les qualités qu'il avait déployées durant la campagne des dix-huit jours, dans un Etat-major de Division, avaient attiré sur lui l'attention supérieure.

       Des chefs avertis lui avaient confié le commandement du secteur.

       Petit, sec, très nerveux, le regard vif derrière ses lunettes d'écailles, il était tout en nerfs.

       Un cœur d'or l'animait.

       Le Mouvement était sa passion.

       Rien, absolument rien de ce qui pouvait intéresser l'Organisation ne le laissait indifférent.

       Ce chef était un guetteur !

       Tel fut le capitaine Fr. Uyttersproot, de Huy !

       Et dans l'ombre de celui qui s'appelait familièrement le « Colon », on trouvait son adjoint « Lothaire » (Notaire Albert Grégoire, de Huy), qui ne se départissait de son flegme que parce qu'il sentait le besoin irrésistible de la plus exaltante bonne humeur.

       Mais cela ne suffirait pas à dépeindre un adjoint, qui, sans avoir l'air d'y « toucher », arrivait toujours à faire triompher le point de vue du P. C., réfléchi et juste.

       C'est de ce P. C., de ces chefs, que descendait sur leurs trois groupes initialement : « CHAT » - « CHIEN » - et « RAT » (qui devinrent « MARSOUIN » - « NARVAL » et « OTARIE ») l'autorité directrice.

LA SCENE - LES DECORS.

       Les Chefs, leurs hommes, acteurs de cette petite épopée, vous ont été présentés.

       Voyons quelle était la scène : la Hesbaye.

       Les officiers avaient leurs cartes militaires, leurs dessins, leurs figures, côtes et défilés, bois et bosquets, routes sentiers, ponts et tout ce qu'ils devaient reconnaître.

       Il n'y manquait que la boue, cette boue argileuse et gluante et cette autre : l'ennemi.

       Car l'ennemi était là.

       C'était lui qu'il fallait deviner, épier...

       Demain, il faudra l'abattre !

       Un Chef, un maître, doit posséder tous les aspects du théâtre où l'action se déroulera, et ceux des coulisses en sus.

       Nul ne savait ce que demain serait. Tout devait être prévu : chaque pouce du terrain que les acteurs auraient à animer exigeait parfois une minutieuse observation.

       - « Vous comprendrez plus tard », était-il dit ...

       Or « Georges », or « Bernard » étaient des chefs-types, qui voulaient tout savoir, et qui y arriveront.

       Si les détails de la région leur étaient inconnus, ils allaient les découvrir.

       « Voici « Georges », a dit quelqu'un, regardez-le passer »...

       Peinard semblait-il, sur son vélo de dame, bien droit, les reins creusés, les coudes écartés, il poussait ferme devant lui des roues qui auront une distance folle à parcourir.

       Aucun site ne devait échapper à son observation.

       Parfois, il s'arrêtait, il relevait du bout des doigts son petit chapeau, et d'un geste large, il s'épongeait du mouchoir les tempes, le front et le cou.

       Puis, immobile, il examinait longuement les alentours.

       Il fixait la plaine.

       Il voyait tout : les replis du terrain, les rideaux d'arbres, un chemin encaissé, un petit pont et il gravait même dans sa mémoire l'orientation des fenêtres d'une ferme isolée, en bordure d'une prairie, ou d'un hameau.

       Et sa mémoire était prodigieuse.

       Quelques heures après, dans sa chambre, Georges étudiait sa carte en fonction de ses observations.

       Ses officiers faisaient de même, sans doute, mais le secteur de « Georges » étant celui de tous, il était le plus grand !

       « Bernard » après lui recommençait l'étude, car tout chef est vulnérable.

       Ils faisaient la guerre, et ils y pensaient ensemble.

       Ces reconnaissances, ces études, furent les grandes occupations de l' « attente ».

       Pourquoi ne pourrions-nous pas écrire aujourd'hui, que ces officiers recherchaient les endroits les plus propices au combat, au sabotage, ou au parachutage.

       Les cartes militaires, à proprement parler, n’étaient pas à jour.

       Combien de passages inconnus ont été dévoilés par les courriers à leurs chefs !

       Ces messagers ont été de véritables antennes pour le commandement.

       Et l'ennemi ?

       L'ennemi était connu. Les Boches n'ont jamais rien pu faire dans le secteur, qui n'ait été immédiatement rapporté.

       Mais les fridolins ne furent pas les seuls ennemis.

       Aujourd'hui, ne s'apprête-t-on pas à juger des Belges qui les secondèrent ?

       Il y eût par trop de ces immondes individus. Mais il y avait d'autres Belges, qui faisaient courir parfois les plus grands dangers aux patriotes de tous les mouvements.

       C'étaient les curieux, les bavards.

       Il se trouvait partout des gens qui voulaient savoir.

       Ignoraient-ils ? Ils inventaient.

       Commérages de trottoirs qui vous répétiez d'un seuil à l'autre, que de mal vous avez fait !

       Combien de braves furent perdus par votre faute, ailleurs, puisque le Groupe « OTARIE » a échappé.

       A Berloz, GEORGES devint suspect.

       La rumeur parlait... Qui est-il ? D'où vient-il ? Que fait-il ici, ce grand mince à la mine d'anglais ?

       Mieux valait s'en aller... et le Commandant partit à regret.

       Mais cette fois, il connaissait ses amis.

       Il passa quelques jours chez Madame de Menten à Vieux-Waleffes dont le mari, officier d'Etat-major était prisonnier, puis il s'établit définitivement chez « PROSPER ».

       Au siège d'une étude notariale où les entrées et les sorties étaient fréquentes, il allait passer beaucoup plus inaperçu.

       Il retrouvait là son courrier « Etienne », un étudiant dont il allait devenir, à ses instants de loisirs, le professeur.

       Son activité allait paraître normale.

       Nul, ou presque, ne s'étonnerait plus.

       Et pour cause... il allait être dûment domicilié.

LE BAPTEME DE GEORGES.

       Le tabellion était aussi mayeur.

       Chez lui, divers services alliés avaient une halte sûre.

       Les identités s'y forgeaient, celle du commandant allait être assurée.

       A Nivelles, sur une place principale, Georges Willame s'ennuie.

       Personnage de pierre, sa statue rappelle aux passants d'aujourd'hui, que deux siècles auparavant, la cité brabançonne comptait un auteur wallon de valeur.

       Il suffisait donc de transférer à la résidence actuelle du citoyen nivellois qu'était GEORGES, le changement de domicile de la célébrité statufiée.

       Et cela s'est fait naturellement.

       Le Commandant est devenu bel et bien GEORGES WILLAME, inscrit dans son patelin nouveau, pièces justificatives à l'appui, et il y a obtenu tous les avantages du citoyen belge officiel et reconnu.

       C'était très simple, il suffisait d'y penser, et de connaître la manière.

       D'autres, tels le commandant Snoeckx, Marc Anciaux, et combien de membres de l'A. S. obtinrent de même un état-civil nouveau.

LES FEUILLETS A CIGARETTES.

       Les messages vont commencer à partir, nombreux, du P. C.

       Souvent Prosper transmettait des notes écrites sur un feuillet à cigarettes. Mais, joignant l'utile à l'agréable, il adressait à son correspondant la cigarette roulée entière, mêlée aux autres, dans un paquet.

       La réponse faisait retour, de la même manière.

       Georges qui ne fumait pas, se servait uniquement des feuillets qu'il accolait par le bout gommé, et qu'il roulait ensuite.

       La consommation de papiers Zig-Zag, Job, Club, etc., fut énorme.

       Quelle peine parfois il donnait à ses subordonnés, qui craignaient la déchirure du texte, lors du décollage.

       Mais le système fut excellent.

       Le rouleau, en cas d'alerte, permettait au messager de s'en débarrasser, aisément !

       Il était si mince, qu'il était facile à avaler, a dit Etienne un Jour ...

       Ces petits messages n'étaient-ils pas les ondes du groupe, ou la feuille d'ordres journaliers que les messagers emportaient dans toutes les directions... Waremme, Huy, Hannut, Berloz, etc., etc. ?

MESSAGERS.

       Tous ces courriers étaient des jeunes gens, triés, d'une discrétion assurée, et éprouvée d'ailleurs.

       Leur résistance devait être sans borne, quelles que soient les distances de la route, quel que soit le temps, ou encore l'heure.

       Jamais aucun n'a été surpris, et cependant...

       Ils ont souffert les premiers, sous l'averse, dans la bise ou la boue, sur les chemins de campagne ou les sentiers qu'ils ont fouillés en tous sens.

       Ils étaient jaloux de leur service, mais ils se savaient les passeurs d'ordres, de secrets.

       Ils allaient sans trêve, tant les missions devenaient nombreuses et importantes, cherchant le piège, devinant le boche guetteur, le feldgendarme à bavette métallique, masqué au coin d'une haie, et rapides, subtils, ils l'évitaient.

ARGENT.

       Les nécessités de toute organisation comportent en premier lieu, le paragraphe : argent.

       C'est un titre d'honneur du commandant Georges et des siens que d'être parvenus à réaliser leurs desseins et à réussir, sans avoir jamais « emprunté de force » – selon le terme du moment.

       Ils furent aidés, certes, à leurs débuts par le notaire Sény de Waremme et M. Coune, entrepreneur du même lieu.

       Mais bien que les besoins aient fini par absorber les avances, aucun prélèvement de force n'a jamais été autorisé.

       Les chefs ont préféré vivre dans la difficulté plutôt que de faillir au principe de l'honnêteté.

       La colonne « DOIT » du Groupe est totalement vierge.

       Les emprunts ont été remboursés.

       Plus tard, mais bien plus tard, les services de LONDRES mirent fin à l'épreuve.

UNIFORMES.

       Un soir, Etienne rapporta un ordre que Beauduin envoyait.

       Préparez les uniformes !

       !

       Le titre était pompeux.

       En fait, la tenue civile des hommes devait, selon le projet être ornée d'un brassard tricolore.

       Chaque brassard portait le numéro matricule du volontaire et, en outre, s'il s'agissait de celui d'un chef, les insignes de son grade.

       Les prescriptions étaient telles.

       Il fallait exécuter l'ordre sans tarder !

       Deux fillettes, leur maman, de longues soirées durant, tous témoins écartés, confectionnèrent les bandes aux couleurs nationales à appliquer sur les manches.

       Etienne lui-même devint couturier...

       Restait la broderie des grades, travail considérable que le commandant résolut...

       L'art de Georges, des pinceaux et du ripolin réalisèrent sans tarder un ouvrage qui paraissait malaisé.

       Et Bernard, l'adjoint, emporta certain soir, un très volumineux colis, renfermant les brassards préparés, et il les confia à Madame Ledoux-Lejeune, qui accepta, une fois encore, de dissimuler ce qu'on appelait : ... les uniformes !

       Ils n'ont pas servi.

       Plus tard, les patriotes de l'Armée Secrète eurent mieux : les tenues en jute et le badge…

       En attendant, l'espérance faisait vivre.

DOUTES.

       Si à l'époque on constatait entre tous ces jeunes d'élite, un esprit superbe de solidarité, une volonté d'union remarquable, il fallait admettre que parfois, lors des réunions clandestines, certains doutes planaient.

       L'Armée Belge Reconstituée vivait partout, tous le savaient, mais à côté d'eux il existait d'autres groupes patriotiques résistants.

       Le commandement allié, les connaissait-il ?

       Le Gouvernement belge à Londres était-il informé ?

       La B. B. C. restait immuablement muette.

       Etaient-ils bien au service du Pays seul, se demandaient certains ? Ils voulaient ignorer les liaisons supérieures, même les indicatifs de leurs chefs hiérarchiques, mais pourquoi, ajoutaient-ils, UN MOT, UN SIGNE, ne vient-il pas d'Angleterre pour nous assurer que nous sommes reliés... pourquoi ?

       Ils se croyaient parfois des frères orphelins, vivant de leurs ardeurs revanchardes, de leurs volontés communes, mais sans obtenir la moindre caresse d'encouragement.

       « Jean-Pierre » un soir en faisait ouvertement la réflexion aux autres chefs assemblés.

       L'ordre, qui vint ensuite, de rechercher des plaines aptes aux atterrissages ou aux parachutages raffermit les confiances.

       Et, peu après, la promesse de messages dissipa tous les doutes.

PROSPECTIONS D'HIVER.

       Les premiers mois de 1943 furent employés à découvrir des espaces propices aux arrivages d'aviateurs ou d'armes.

       Jour après jour, nuit après nuit, le travail de l'avenir se préparait.

       Il se précisait même pour les non-avertis qui sentaient d'après les recommandations données, qu'un commandement supérieur agissait lui-même d'après des ordres d’outremer.

       A chaque instant de nouveaux devoirs s'imposaient.

       Des endroits de ralliement avaient été préparés pour les unités, mais ils se modifiaient. Des changements s'opéraient dans le cadre, dans les sections, et les réunions se multipliaient.

       Les courriers vivaient sur la route.

       L'enthousiasme se développait sans cesse.

       Le commandant, et son adjoint, prospectaient minutieusement la campagne. Raoul ou Etienne les suivaient en serre file.

       Il fallait, c'était impérieux, signaler en haut-lieu, et au plus vite, tout terrain favorable aux opérations envisagées.

       La plaine choisie devait être écartée de tout centre important où l'ennemi stationnait régulièrement. Elle devait être absolument fermée à tout regard. Aucune habitation, aucune vue ne pouvait présenter pour elle un danger. Il fallait éviter les rideaux d'arbres dangereux pour tout aviateur, et enfin s'assurer que des chemins de campagne existaient pour permettre avec le plus de sûreté possible l'évacuation du matériel qui atterrirait.

       Combien de recherches ont été nécessaires, et combien de contrariétés ont gêné Georges et son adjoint lors de leurs pérégrinations ! !

       Peu leur importait d'ailleurs. Georges notamment, exempt de préoccupations professionnelles, vivait sur ses pneus rouges et n'avait de cesse que quand il était convaincu que tout était parfait, même, et jusqu'au sein de la plus petite des unités de son bataillon.

       La fatigue ne l'atteignait pas, à l'étonnement de tous.

       Sa résistance devint proverbiale...

       Bientôt une autre tâche allait lui révéler son acuité, et réclamer une solution urgente.

       L'ennemi venait de connaître STALINGRAD, EL ALAMEIN.

       Des pertes sanglantes, avaient réduit son matériel humain.

       Il devait remplacer ses morts, et y avait songé : ses plans étaient faits.

       Les conventions internationales n’ont-elles pas toujours été pour l'Allemagne des chiffons de papiers ?

       La Wehrmacht ouvrait ses rangs à de nombreux ouvriers des usines de guerre germains, mais elle veillait à leur remplacement, par des ouvriers étrangers.

       L'Europe asservie allait-elle travailler de force pour l'ennemi ?

WERBESTELLEN.

       Les werbestellen – bureaux de recrutement – condamnaient au travail forcé les artisans et les ouvriers.

       Des convocations étaient lancées, et les malheureux qui au début commirent l'imprudence de se présenter à l'examen des traîtres furent envoyés aux usines de guerre ennemies, sans aucune pitié.

       Les travailleurs, les étudiants, comprirent vite. Ils se dérobèrent.

       Ces jeunes gens voyaient arriver le « machintung » qui les appelait et la plupart, bien vite, le jetaient au feu, avec dédain.

       La date de présentation arrivée, ces gars, jetant sur l'épaule leur léger barda, s'arrachant aux bras de leur maman, à l'étreinte de leur père, s'en allaient en criant : « Courage, le Boche ne m'aura pas » !

       Un réfractaire, un maquisard, venait de naître !

       Pas un homme du groupe OTARIE ne s'est présenté !

       Le boche sentait la résistance et s'énervait. Il multipliait les appels.

       Les « sans abri » devinrent nombreux. La tâche de secours cette fois s'imposait pressante.

       Georges constitua le service d'assistance !

       Il fallait nourrir et loger les persécutés.

       Ce fut fait !

Dédé Quoitin, de Landen (« Urbain»), va devenir le fourrier, le ravitailleur des réfractaires.

       L'esprit de charité du Groupe s'était mis à l'œuvre.

       Des denrées arrivaient, offertes. Du blé, du sucre, des pommes de terre, de l'argent même était régulièrement donné à Quirin par des âmes généreuses.

       Le colonel d'autre part, envoyait des fonds.

       Il n'était que de recenser les malheureux et d'organiser le service.

       Ce fut fait !

       Chaque mois Urbain se rendait chez Prosper, où Georges lui remettait les fonds, et ensuite, au presbytère de Quirin, il dispensait à ses protégés l'argent et les vivres nécessaires.

       Quirin et Urbain s'entendaient comme larrons à la foire et ils se dépensaient sans compter.

       Se ressemblaient-ils ? Par leur bon cœur, complètement ; par l'âge, un peu ; l'abbé, comme tout admirateur passionné de Napoléon, aimait les « vieilles gardes » et Urbain était cela, puisque à Haelen, en 1914, il s'était trouvé présent.

       Mais si Urbain avait une chevelure argentée magnifique, le bon curé était chauve.

       La vivacité les rapprochait également.

       Prompts à féliciter tous les patriotes qui accueillaient les maquisards, ils ne mâchaient pas leurs mots, lorsqu'ils parlaient de tous ceux qui refusaient le secours ou la chambrette hospitalière.

       Il faut avouer qu'il y eut trop de gens qui préféraient que la guerre soit gagnée pour eux, par les autres, et qui profitaient de l'occasion pour soigner uniquement leurs petites affaires, quelle que fut la détresse dont on les entretenait...

       Multipliant ses efforts, l'ennemi venait précisément d'installer à Waremme, près de la feld-gendarmerie, une werbestelle locale.

       Mais cela, c'était trop !

       « Joseph » veillait.

       Méprisant l'ennemi qui dormait à côté, Gaston Nélis, et quelques volontaires du groupe : Léon Berger, Joseph Bailly, Paul Ramquet, Jean De Neckère, Delvigne, Poelmans, Gonthier et deux gendarmes belges : Gérard et Walgraff, allèrent mettre ses bureaux à sac. Simplement !

       La werbestelle de Waremme avait vécu.

       Elle était morte. Elle le restera.

IDENTITES.

       L'abondance des maquisards invitait le Commandant à leur donner une identité nouvelle.

       Pourquoi, les malheureux n'auraient-ils pas pu s'occuper dans des fermes, à l'usine proche, ou ailleurs, sous des appellations nouvelles ?

       Interpellés par l'ennemi qu'ils rencontraient, ils devaient présenter leur carte. Il fallait les aider.

       Prosper cette fois intervint.

       Le réfractaire en péril, recevait un beau jour, sans qu'il en connaisse l'origine, les papiers nécessaires.

       D'autres officines se développèrent ensuite, et firent face à tous les besoins du Groupe, et d'ailleurs...

       Etienne n'a-t-il pas compté parmi ses « clients » les enfants du général PIRE, commandant l'A. S. ?

UNE VICTIME.

       La détresse de certains réfractaires était telle parfois, qu'il devenait impossible à certains cœurs de leur refuser l'abri.

       C'est ainsi qu' « OMER », à Berloz, hébergea un moment cinq maquisards sous son toit.

       Richard Orban, régisseur de Madame de Renesse, trouvait sa joie quand il voyait disparaître la peine d'un autre.

       Son dévouement, sa bonté étaient connus... et par la faute d'un ami, le groupe le perdit pour quelques mois d'abord.

       Ce camarade vint de Huy avec un pourchassé pour obtenir des pièces d'identité.

       La recommandation n'était pas suffisante, mais les demandes réitérées eurent raison de l'obstination. OMER céda.

       L'obligé, un imprudent, se fit surprendre, et dénonça son bienfaiteur.

       Arrêté, Richard ORBAN prit sur lui la responsabilité de la fraude.

       Il fut roué de coups, torturé, condamné enfin à un an de travaux forcés, mais... n'accusa jamais personne.

       Cette malheureuse affaire commanda cependant la dispersion du service d'identification de PROSPER.

       Madame Mottin, de Hannut, et Constant Vanderbenden, de Laminne, recueillirent la mission.

LES TRAITRES.

       L'ennemi multipliait sans cesse ses moyens de détection des organismes de résistance.

       Il avait eu, autrefois, les collaborateurs de la cinquième colonne, et il racolait aujourd'hui, des gens sans aveu.

       S'il importait peu, à l'activité du Groupe que des rexistes, des V. N. V. s'engagent pour aider la Wehrmacht à tenter d'abattre leur patrie, il n'en était pas de même de l'action de certains Belges, traîtres stipendiés, qui infestaient de leur présence le secteur d' « OTARIE ».

       Il devenait absolument indispensable pour tous qu'ils soient connus d'abord et châtiés ensuite.

       Que pouvait faire à ces individus la souffrance, ou la mort des meilleurs de leurs compatriotes pourvu qu'ils soient payés ?

       Et naturellement, toute la Résistance contr' attaqua.

       Tous les mouvements, s' entr' aidèrent.

       Les renseignements arrivaient de partout ; l'écoute était générale et les services des Postes surtout firent merveille.

P. T. T.

       A Waremme, les facteurs se sont réellement dévoués.

       La plupart, pourrait-on dire, étaient au service du Groupe.

       Ils étaient, par devoir, aussi indiscrets en temps de guerre que discrets autrefois...

       « Jean-Pierre », en créant ce service de contrôle avec leur assistance effective, a joué dans cette organisation un rôle de premier plan.

       Toute lettre qui paraissait douteuse, de par le destinataire, était soigneusement ouverte, et vérifiée.

       S'agissait-il d'une dénonciation ? – Elle était remise immédiatement à un officier qui prévenait l'intéressé, et ensemble, les partenaires recherchaient l'auteur.

       Quelquefois l'information intéressait simplement. Alors, connaissance était prise, et la missive lue repartait après avoir été soigneusement refermée avec la plus extrême délicatesse.

       Prosper n'eût-il pas régulièrement connaissance du courrier qu'échangeaient le sinistre Bajart et son avocat Lisein, officier à la Légion Wallonne, suppôt acharné de Degrelle ?

       Et les dénoncés ?

       Nombreux furent ceux qui bénéficièrent du service des facteurs : Nélis, Bailly, Leburton, Cartuyvels, Delvigne, Etienne, Mathot, Compère, etc.

       Une après-midi, Georges, le commandant, s'était rendu à Fallais.

       C'était la première fois. Il allait rendre visite au lieutenant Simon. L'endroit de la réunion était bien choisi, et cependant trois jours après, la Poste de Fallais transmettait une dénonciation surprise, et adressée au Kreiskommandant de Huy ...

       Georges, qui n'en croyait pas ses yeux, était bel et bien signalé, comme le chef de l' « Armée Blanche » et avec lui, les Simon, Cartuyvels, se trouvaient voués aux recherches fridolines.

       Ce service d'investigations postales s'étendait d'ailleurs partout, et Prosper fut même prévenu deux fois, par des camarades d'autres groupes, de Liège. Stassart le fut par Huy.

       L'atmosphère, dans laquelle les grandes missions de préparations se développaient, on le voit, était bien troublée.

ALERTES.

       Pouvait-on espérer, dans des conditions semblables, que tous les volontaires échapperaient sans cesse ?

       Non.

       On n'avait pas été sans remarquer que des dénonciateurs s'étaient aperçus des détournements de lettres. Plusieurs rapports arrivèrent, disant que des personnages douteux avaient été vus aux portes des Kommandantur.

       Les précautions redoublaient naturellement.

       Certains amis ne logeaient plus chez eux.

       D'autres disposaient des brise-vue, pour leur permettre de voir, les premiers...

LA SAINT-NICOLAS, CHEZ GASTON NELIS (JOSEPH).

       Le dernier hiver de guerre avait entamé sa course.

       Demain les enfants de Gaston Nélis vont être heureux.

       Déjà, au pied d'une cheminée, ils ont déposé quelques carottes pour l'âne de Saint-Nicolas.

       Leur père, achève sa besogne, dans son atelier, à l'étage.

       Soudain, la porte du magasin est ébranlée et des feldgendarmes, font irruption !

       La maman, les gosses, les grands parents sont consternés.

       « Ils » réclament le père...

       L'auront-ils ? N'est-il pas à son atelier ?

       Suivez-nous madame, nous allons fouiller toute la maison !

       Et Madame, muette, le cœur battant à se rompre d'angoisse, les suit.

       Dans la salle à manger, à la cuisine, aux annexes, dans les caves, ils ne trouvèrent rien.

       « A l'étage » hurle un des soudards, et ils montent.

       Les bottes pesantes martèlent l'escalier et bientôt les Fritz se trouvent devant la porte de l'atelier. Pauvre maman qu’allait-elle voir ?

       La porte est brusquement ouverte, mais la pièce est vide.

       Alors ?...

       Une à une, les chambres furent visitées de fond en comble : Joseph restait invisible.

       Les allemands rageaient, en arrivant aux combles.

       Les greniers s'ouvrirent.

       Rien !

       « Joseph » était parti ! Il était sauvé.

       De l'atelier il avait entendu. Leste, il avait atteint le grenier, sans bruit, et par la tabatière ouverte, il s'était glissé sur le toit, couvert de givre.

       Il allait atteindre le faite du toit, quand soudain, il dévala dans la corniche qui l'arrêta. Brr. Quel bruit !

       N'y aurait-il pas, dans la rue, un guetteur, prêt au tir ?

       Oui, mais il ne bougeait pas. Le froid semblait l'immobiliser...

       L'officier recommença bientôt son ascension, atteignit une cheminée qui l'aida à passer sur le toit voisin, et à descendre le versant opposé.

       Sautant sur une terrasse, puis sur un mur de séparation entre des jardins, Gaston Nélis échappa dans la nuit...

       Et sur le champ il fit prévenir son chef « BERNARD » !

       L'ennemi venait d'attaquer ! Il fallait parer les coups !

       Pendant ce temps des camarades prévenus observaient l'ennemi furieux qui sortait de chez Nélis. Léon Berger (Célestin) ne perdait aucun détail, et une jeune fille, messagère, Mademoiselle Wéry, entrait même dans le magasin.

       Sous le prétexte qu'ils ravitaillaient des réfractaires, le Lieutenant Compère, Lismonde, et deux de leurs amis furent surpris chez eux, et arrêtés.

       Heureusement, ils eurent en cellule, le temps d'échanger des alibis. Conduits à la citadelle de Huy, à celle de Liège ensuite, ils ne cessèrent de tromper leurs interrogateurs, et finalement ils furent rendus à leurs occupations par l'ennemi lui-même.

HANNUT.

       OTARIE apprit là-bas, que quand on veut mettre un dénonciateur hors d'état de nuire, il faut le tuer tout à fait !

       Or il n'avait été que blessé !

       Au lazaret, il s'était vengé, en dénonçant à l'ennemi les Hannutois qui lui paraissaient les plus aptes à conseiller et à instiguer les résistants.

       Une compagnie entière allemande, emmenant avec elle de l'artillerie, faisait un matin de décembre irruption dans la petite ville, et immédiatement exigeait la livraison de quatorze patriotes, parmi lesquels et surtout, l'aumônier ROYACKERS et le Lieutenant BOLLE.

       Pas plus que le volontaire Fettweiss ils ne purent s'échapper...

       La démonstration de force avait été utile cependant, tant elle avait, sur le champ, fait du bruit aux environs.

       C'est l'occasion d'une anecdote.

       Le Lieutenant Hill de la R. A. F. était tombé du ciel...

       Le député Pierco de Houtain-l'Évêque l'avait abrité quelques jours et le Père Royackers, l'avait envoyé à Prosper.

       La ligne d'évasion étant momentanément coupée, l’aumônier avait réclamé l'honneur de le cacher lui-même durant les quelques jours nécessaires, et ce même matin, Etienne s'en allait à Hannut, par vicinal, avec l'officier anglais.

       Rompu à ces missions d'accompagnement Etienne avait l'oreille ouverte, et aux approches de la villette, il se rendit compte de la démonstration ennemie et du danger couru par son aumônier, son protégé et par lui-même.

       L'officier fût hébergé chez M. Hage-Sény, à Blehen et le courrier partit à Hannut, au Collège même. Dans le bureau de « Victor » où il pénétra, il apprit que le prêtre était arrêté, mais que tous ses papiers avaient été sauvés par ses confrères...

       Les boches seront encore roulés d'ailleurs par les camarades, puisque tant le Lieutenant Bolle que l'aumônier et les autres victimes sauront user d'alibis préparés et reprendre leur rang, quelques semaines plus tard.

       Et cependant...

       Le Père Royackers, portait au poignet le chronomètre du Lieutenant Hill, - souvenir offert – et une petite liste de rien du tout (oh, ces affreuses listes) portant les noms de sept aviateurs à sauver.

       Heureusement sa soutane était vaste, et l'esprit des fritz très alourdi.

LANDEN.

       Cette cascade d'alertes allait-elle se poursuivre ?

       Oui.

       Il ne se pouvait pas qu' « URBAIN » restât ignoré.

       Prudent, il ne logeait plus chez lui.

       Il avait accepté l'offre d'une personne amie, chez laquelle il usait, au rez-de-chaussée, d'un simple cosy-corner.

       Sa maison était en face. Il se croyait tranquille.

       Mais à Landen, il y avait beaucoup d'éléments V. N. V.

       Au début QUOITIN dormait tout habillé, mais à la fin, le calme persistant, il usait de son pyjama. Il s'en trouvait tellement mieux !

       Une nuit cependant, des voitures allemandes, stoppèrent en face de sa demeure. Sa maison était cernée ! Lui, il avait bondi dans le jardin de sa résidence nouvelle, et s'estimait sauvé, quand il entendit, dans le jardin voisin une conversation.

       Il comprit, l'ennemi était là aussi.

       Tout, l'immeuble s'éclairait.

       Ancien de l'autre guerre, Urbain se blottit contre la haie, se confondit avec elle, et ramena sur son apparat blanc et léger, tout ce qu'il put, pour le masquer.

       Soudain, il vit s'allumer des torches électriques qui fouillaient les recoins et les arbres, chez le voisin, et qui, enfin, creusèrent de leurs rayons la haie complice.

       Il vit le faisceau s'approcher doucement, longer l'obstacle de branchages ; il allait être atteint, si l'épaisseur ne le masquait pas. Le faisceau, soudain l'éclaira, et... passa... le boche n'avait rien vu !

       Où était Quoitin, peu après ?

       De traverse en traverse, il sautillait le long des voies du chemin de fer, non gardé encore, et il fouillait devant lui la masse sombre de la nuit qui reculait sans cesse.

       Il voulait passer ; il voulait rester à la tâche et il allait réussir.

       C'était le lot des braves...

       Après trois heures de marche, glacé, transi, il arriva chez son ami, l'abbé Lysens, Quirin, à Berloz.

       Cette fois, il était tabou.

       Il devenait lui aussi maquisard.

       Il allait poursuivre une autre besogne que celle de collecteur de vivres, dont la distribution allait être confiée à un autre Landennais : Martens devenu « Martin ».

VILLEGIATURES.

       Naturellement, dans un groupe aussi uni, du Chef au plus humble, tous rivalisaient pour donner au patriote traqué, une situation qui lui permît de continuer sa mission.

       En même temps, on s'efforçait de le placer chez des personnes qui, connaissant l'activité de l'obligé, voulaient, en raison de cela, lui ménager le plus grand accueil.

       C'est ainsi que Gaston Nélis fut l'hôte choyé de Madame Heptia, à Ville-en-Hesbaye.

       Il commença dès lors, une véritable prospection de la région.

       Son activité normale étant close, il se créa le devoir d'aider de son mieux les réfractaires.

       Débordant de vitalité, on le savait partout.

       Il visitait les bons fermiers, pour l'approvisionnement en blé. Il prenait des arrangements avec des complices fonctionnaires de la Corporation de l'Agriculture, dans le but de détourner au profit des maquisards du beurre, de la viande.

       La mise en boîtes des produits à stériliser se faisait à la Conserverie Lejeune, à Geer.

       Il ne se limitait pas à cela.

       Les garages le voyaient fréquemment, et dès qu'il savait que la confiance était possible, il s'enquérait des quantités d'essence, qu'il pourrait obtenir à la première nécessité.

       Par ailleurs, il a gagné la confiance de certains groupes parallèles de patriotes, qui auraient voulu le suivre...

       Mais cela n'était pas possible...

       Le Commandant y voyait un danger ; il était informé ; il avait raison.

       Urbain, qui vivait chez M. Mousset de Fumal – que l'ennemi fusillera plus tard – lui servait d'auxiliaire à l'occasion et recherchait lui-même également, le nécessaire.

       Plus on allait, plus les besoins augmentaient.

       Les producteurs, souvent, refusaient net toute assistance, ou encore acceptaient, à la condition que l' « Armée blanche » surveillât leurs récoltes, ou leurs granges, la nuit.

       Ces gens voulaient acheter des braves !

       Ils ne sentaient même pas l'affront, qui faisait sauter de rage Georges et Bernard.

TIMBRES DE RAVITAILLEMENT.

       Une ressource naissait avec ces feuilles de timbres, qui, chaque mois, étaient remises aux habitants.

       Les gars de la troupe, n'étaient pas dépourvus d'astuce, et ne se faisaient cette fois pas faute à l'occasion de prélever leur quote-part.

       Le colonel, observateur émérite des besoins de tous, remettait mensuellement à Georges un certain nombre de feuilles, que le fourrier répartissait ensuite, par tête de réfractaire.

       Un jour, Georges rentrait au logis, revenant lui-même de Huy où il était allé s'approvisionner et naturellement s'enquérir des missions attendues.

       Il transpirait facilement..., de plus, la route était balayée par un vent debout très violent.

       Précautionneux, il s'était appliqué la liasse de timbres dans le dos, contre le sous-vêtement.

       Il cachait sa misère comme il pouvait... en cas de fouille, à moins qu'il n'ait espéré guérir le rhume que le tenait !

       On n'a jamais dit, si le rhume fut guéri, mais on sut que toutes les feuilles s'étaient parfaitement collées…

       Le Groupe n'y perdit rien, que la colle !

RENSEIGNEMENTS.

       Si les uns cherchaient les vivres, d'autres depuis longtemps alimentaient les services de renseignements militaires.

       Une chaîne solide était formée, avec des maillons éprouvés.

       Rien ne passait inaperçu.

       Au point de vue industriel, le travail de certaines usines a été révélé chaque jour.

       L'Etablissement M... , de Waremme n'a-t-il pas failli sauter ?

       A plusieurs reprises, des visites nocturnes avaient eu lieu et les dispositions étaient prises, pour mettre fin à un travail pro-allemand quand un ordre motivé vint suspendre l'opération.

       Ailleurs, la situation hebdomadaire faisait l'objet d'un rapport qui de Prosper remontait à Beauduin.

       Il s'agissait du chantier naval Lisein à Ombret.

       Mais là, à l'intérieur de l'usine un groupe existait qui avait prévu la construction d'un pont, très rapidement, en cas de besoin et qui gardait continuellement sur place, à l'insu de la direction, les moyens nécessaires.

       - S'agissait-il, de renseignements militaires ?

       La situation était la même : des spécialistes ne permettaient pas, par exemple la moindre modification au terrain du champ d'aviation de Brusthem, sans qu'aussitôt le fait soit rapporté au commandant, par Laporte de Houtain l'Evêque, le Père Royackers, et Condé de Hannut.

       Ou encore, par Coëme de Bettincourt et le Commissaire de Police de Waremme, M. Hardy.

       Pas un camion, n'était déplacé, pas un projecteur nouveau amené, pas une tranchée creusée, que la chose ne fût sue immédiatement.

       Y avait-il modification dans la garnison, ou dans le personnel volant ou de terre, il en était de même.

       Le nombre d'avions, leur genre tout était continuellement tenu à jour et, de Georges à Beauduin, il n'y avait qu'un messager à lancer.

       Peu d'heures après, le but était atteint.

       On pourrait ajouter à ce chapitre tant de belles choses, et faire la relation d'exploits maquisards nombreux, mais ils sortent malheureusement du sujet.

ASCARI.

       C'est durant ce dernier hiver, que BERNARD le premier avait été alerté par une proposition de conversation avec un inconnu présenté cependant par un membre, M. de Fontbarré.

       L'inconnu, « Ascari » avait une mission commandée de Londres, qui visait à soutenir les réfractaires nombreux de quelque groupe qu'ils émanassent, et à verser à ces jeunes gens les fonds nécessaires à leur subsistance.

       Il s'agissait d'être prudent, et Bernard était maître dans cet art.

       Précautions prises, une réunion fut tenue entre M. ANCIA (Ascari) d'une part et le commandant et Bernard de l'autre, chez Prosper, « Jean-Pierre » était présent.

       La question était de pouvoir, sans danger d'indiscrétions, unir les différents groupes du secteur par un comité d'éléments puisés dans chacun, et de mettre ce comité à même d'attribuer à tout homme son nécessaire.

       En toute hypothèse, c'était une imprudence, qui prouve qu'en haut-lieu, mettons à Londres, les dirigeants ne mesuraient pas du tout les dangers courus, et ignoraient l'expérience acquise par les dirigeants du maquis.

       Il fallait vérifier... il eut fallu des listes !

       Il suffisait d'énoncer le mot « liste » pour évoquer l'idée de la plus grande imprudence.

       Le Comité, composé de Leroy, Bailly, André Beauduin, F. Gonne et du commissaire Hardy allait néanmoins se mettre à l'œuvre quand un soir la B. B. C. lança un message : ... « Ascari a vu clair »... Ascari était à Londres...

       Le projet était en l'air et cela valait beaucoup mieux.

       Nul n'a pleuré, le S. R. R. (Service de ravitaillement des Réfractaires).

LE JOUR SE LEVE.

       Georges lisait un message urgent. Le courrier attendait ...

       « Pas de réponse, mon ami, prononça-t-il, allez »

       L'instant d'après, la carte déployée, il identifiait une plaine qui venait d'être « acceptée » par Londres.

       Ses crayons nombreux dansaient sur un feuillet de papier.

       C'était celle de « NIVA » lieu dit entre Les Waleffes, Vieux- Waleffes et Tourrinne-la-Chaussée.

       Le message ordonnait de constituer au plus tôt des dépôts secrets.

       Enfin, la besogne rituelle allait connaître la variété !

       Le Groupe allait pouvoir exercer une activité toute nouvelle !

       Quelques jours après, Beauduin lui-même apportait les dernières instructions, dans toutes leurs précisions.

       L'ère des parachutages est arrivée !

       La plaine de NIVA était absolument bouchée à tout regard.

       Partie d'une plus grande, elle était séparée du reste par des vallonnements.

       Des chemins de terre assez plats permettaient' la circulation en camion automobile.

       Brusthem était suffisamment éloigné et l'attention des oiseaux de nuit allemands n'était pas trop à envisager.

       Hannut et Waremme étaient assez distants, et à l'occasion, les gars d'OTARIE pourraient maîtriser une patrouille ennemie.

       C'était la première plaine.

       Une autre, celle de VIEMME, entre le village et Haneffe sera adoptée ensuite.

       Les caractéristiques des deux plaines admises étaient semblables, et les ordres de repérages avaient été exécutés.

       Restaient les messages d'identification, et les dépôts.

PREMIERS MESSAGES.

       Chaque plaine avait reçu un indicatif.

       Mais puisqu'il s'agissait d'opérations très dangereuses au cours desquelles il ne convenait pas d'être surpris, et comme d'autre part, la B. B. C. allait transmettre les messages, il était indispensable que l'ennemi ne puisse jamais rien comprendre, ni deviner.

       Le secteur entier, était intéressé par deux appels, l'un pour QUEBEC, l'autre pour CARION.

       Chaque groupe, devait être attentif aux émissions du soir, qu'il soit MARSOUIN, NARVAL ou OTARIE.

       Pour OTARIE, cependant, afin de brouiller les plus astucieux écouteurs de l'ennemi, il avait été dit, qu'au cours des mois impairs le message ne pouvait être sérieux que s'il s'adressait à QUEBEC, et inversement à CARION lors des mois pairs.

       Mais ce n'était pas tout.

       Il fallait que le message soit approprié.

       Chacune des plaines avait un message préparé qui pouvait être affirmatif ou négatif.

       La Plaine NIVA avait comme message : « La betterave améliore le goût de la salade ».

       L'adresse pouvait être émise négativement également.

       La plaine de VIEMME d'autre part s'alertait par l'indication : « Le choux a (ou n'a pas) une odeur effroyable. »

       Dans le cours des mois pairs, les messages devront être positifs, et négatifs durant les mois impairs.

       Il fallait que les messages entendus soient conformes à ces indications, et en même temps que l'adresse CARION ou QUEBEC soit de circonstance, pour que l'alerte soit prise en considération.

       Sinon, il s'agissait d'un brouillage.

       L'ennemi, surtout, devait être trompé.

       Naturellement ces indications étaient secrètes, ultrasecrètes.

       Seuls le commandant, son adjoint et Prosper les connaissaient puisqu'il fallait tout prévoir.

       C'était la guerre !

       Mais ce n'était pas tout ; point ne suffisait d'être prêt à recevoir du secours en armes, il était plus qu'urgent d'avoir des remises sûres.

DEPOTS.

       Pour les trouver, ce fut une besogne ardue.

       Chacun comprenait aisément ce que devait être une cachette.

       La définition du dictionnaire est insuffisante.

       Un dépôt doit être un tombeau !

       Que des morts le connaissent, soit, mais pas les vivants.

       Pas les vivants ? Evidemment les chefs disposaient de quelques bourlingueurs dans lesquels GEORGES et BERNARD avaient la plus extrême confiance.

       Mais, qui eût désiré un dépôt chez lui ?

       N’était-ce pas, en cas de découverte, une multiplication de condamnations à mort, pour le patriote surpris ?

       Et cependant Prosper trouvera une remise idéale sans coup férir.

       Et à la régulière, en vertu d'un bail dont les comparants seront d'une part : Georges Winant, domicilié rue de Carnpine, 101, à Liège (qui n'était autre que le commandant) et M. Camille Marchandise, de Borlez, d'autre part.

       Ce dernier, patriote admirable, acceptait de louer une maison vide, proche de la sienne, en parfaite connaissance du but poursuivi.

       Et le bail fut bel et bien enregistré par M. le Receveur de l'enregistrement de Verlaine, RIGA, qui sera peut être averti par ces lignes, et qu'on a oublié de remercier.

       Mais il fallait d'autres dépôts.

       Combien de parachutages allait-on recevoir ?

       N'y aurait-il pas des parachutistes à cacher ?

       Le Commandant avait obtenu de Madame de Menten l'autorisation de se servir du caveau de la famille susdite, dans la chapelle de N. D. du Bon Secours, située à l'angle de deux chemins de terre, proche de NIVA.

       Hélas, ce projet dût être abandonné.

       De soi-disant patriotes l'avaient compromis.

       Les boches n'étaient pas prévenus, mais un groupe d’action parallèle avait pour chef un civil véreux.

       Ce civil-là, disons-le, ce fut « AJAX », dont la mémoire est restée infâme pour les volontaires du secteur.

       Il jouait double jeu, OTARIE le savait évidemment, mais les adeptes du traître, ne se rangèrent à l'évidence de la trahison que quand ils furent eux-mêmes les victimes de l'homme qu'ils suivaient de bonne foi.

       Cet AJAX était jean STOCLET !

       « Les nôtres, pour le punir, l'ont abattu », dira un jour le colonel ; mais en attendant, quel tort il avait causé !

       C'est à lui seul qu'était due toute la défiance qui imprégnait les rapports entre les hommes du Secteur et les siens.

       Si ces lignes tombent un jour sous les yeux de ces derniers ou d'un de leurs chefs subordonnés, « Eugène » par exemple, ils comprendront pourquoi en certaines occasions, les relations étaient impossibles.

       Les recherches se poursuivaient, quand le gendarme Grignet, de Chapon-Seraing, signala, à Vaux-Borset, les ruines de la ferme de « la Bourlotte », et encore une maisonnette abandonnée, à l'écart de Chapon, dont le puits avait avalé le corps d'un traître abattu.

       C'était parfait, rapportait le commandant qui avait visité, quand le colonel, cette fois, proscrivit les endroits :

       Georges « resquillait » dans le secteur des camarades de MARSOUIN, dont c'était le territoire de chasse.

       Le danger était considérable.

       Dissimuler une arme, ou même quelques fusils n'était rien, mais il allait s'agir de cacher des tonnes d'armement et d'explosif.

       Le Commandant promenait ses pneus rouges dans tous les sens.

       Etienne, Raoul, faisaient de même.

       Les investigations se multipliaient, quand un soir, l'idée vint d'examiner de près les tas considérables de marne, extraite des puits que la ville de Liège avait fait creuser pour le pompage de ses eaux d'alimentation.

       Il y en avait plusieurs à côté de la plaine de Viemme.

       La nuit servit à la prospection en détail, et, à l'aube, GEORGES avait son sourire de contentement.

       Il ne s'arrêta pas là cependant.

       Il vérifiait sans cesse les endroits que ses officiers avertis lui signalaient.

       Parfois, dans la campagne, d'anciennes marnières se rencontraient.

       Autrefois, les habitants allaient y prendre la matière nécessaire au mortier des constructions qu'ils édifiaient.

       Aujourd'hui, ces trous se comblaient peu à peu, car les paysans y déversaient sans cesse, les objets les plus disparates dont ils n'avaient plus l'usage, depuis les ressorts de lits effondrés, jusqu'aux ustensiles de ménage éventrés...

       Le Commandant, les observait, ces trous.

       Il les repérait.

       A Viemme notamment, le long de la voie, du chemin de fer vicinal, il y avait un, de ces dépotoirs, dans lequel une vieille cuisinière se prélassait.

       Pas très loin de là, il s'en trouvait un autre, aux approches de Bovenistier.

       Près de Tourinne il en existait un troisième, et d'autres étaient connus.

       Tous étaient soigneusement repérés.

       Fatigué d'investigations « terre à terre », le commandant eut l'ambition d'installer un dépôt dans le château de Tornaco à Lens-St-Servais, contre la ferme Royer.

       Il se fit annoncer au fermier comme étant l'architecte de la famille, et il put ainsi promener son observation des combles aux caves et même aux citernes, sans éveiller le moindre doute.

       Malheureusement, l'accès était difficile. La cour de la ferme présentait trop de vues sur la cour de l'édifice principal.

       Il fallut abandonner cette idée.

« MARC ».

       Raoul venait d'annoncer que le dépôt qu'il avait préparé dans une grange retirée, à Tourinne, ne pourrait pas servir par suite d'une indiscrétion d'un travailleur... mais un visiteur vint amender cette triste information par une nouvelle réjouissante.

       C'était Marc (Anciaux de Faveaux).

       Cette fois, le parachutage allait commencer.

       Il venait en droite ligne, comme courrier, du Quartier Général, établi « quelque part », pour confirmer les messages et donner les dernières instructions.

       S'il fut facile au courrier de donner la « lettre de liaison » à transmettre à l'avion survolant les plaines, il n'en fut pas de même pour exposer la théorie du placement sur la plaine et surtout l'habillage des lampes-signaux, auxquelles il fallait faire des collerettes.

       La joie cette fois débordait.

       Marc était le grand bienvenu. La soirée fut belle !

       Très belle même, puisque l'événement pouvait être imminent.

       Marc rêvait d'assister à l'opération. Ce soir peut-être allait-il être exaucé. Tantôt la B. B. C. allait parler...

       Au fait, l'opération du parachutage était-elle préparée déjà ?

       Oui, tout était prêt jusque dans le détail.

       Le message était-il entendu, aussitôt Etienne avait l'ordre de prévenir par téléphone André Beauduin, au 477 de Waremme.

       N'était-ce pas une imprudence ?

       Non !

       Là aussi, des messages clairs étaient prévus.

       S'agissait-il d'alerter l'équipe préparée pour une opération à la plaine NIVA, Etienne disait : « Modeste je vous informe que les semences demandées sont prêtes ! »

       Etait-ce vers Viemme que l'équipage commandé devait se rendre, Modeste entendait Etienne lui dire : «Vous pouvez faire prendre les engrais pour vergers ! »

       Et alors, Bernard, alerté lui-même par son écoute, aidé d'André Beauduin, prévenait ou faisait prévenir les volontaires triés pour ces missions de confiance.

       En quatre-vingt-dix minutes, au besoin, le personnel de terre pouvait être au terrain.

       Car il se pouvait que tous dussent y être d'urgence, les phases de la lune commandant l'heure de l'opération.

       En effet, si l'astre était dans sa phase ascendante, il fallait être à la plaine dès 21 heures jusqu'à une heure.

       La visite de l'avion était possible dans ce délai.

       Etions-nous en phase descendante, l'opération ne pouvait se faire que dans la dernière moitié de la nuit.

       Mais il ne suffisait pas d'arriver. Il fallait apporter l'équipement indispensable.

MATERlEL DE PARACHUTAGES.

       Ce matériel consistait d'abord dans des brancards dans le genre de ceux qu'emploient les ouvriers de brasseries pour porter leurs tonneaux, et qui se relient par une corde épaisse ou une chaîne.

       Les quatre hommes de chacune des petites équipes de transbordement devaient attacher à leur brancard et soutenir un « container » d'un poids variant de deux à trois cents kilos.

       L'effort était énorme, et les avions, de gros « Lancaster » « Halifax » ou « Liberator », se délestaient d'habitude de quinze ou de seize containers.

       Certains hommes devaient se munir d'outils pour creuser le sol au besoin.

       Il y avait aussi les veilleurs, sentinelles armées, la première fois, de simples pistolets.

       Et surtout le camion !

       Le camion indispensable au transport.

       C’était JOSEPH, qui en avait la charge.

       Enfin, restait l'appareillage de signalement.

       Trois hommes étaient disposés à cent vingt-cinq pas l'un de l'autre dans le sens du vent, portant chacun des lampes torches à collerettes, d'éclairage rouge.

       Un quatrième volontaire était placé à vingt-cinq pas du dernier feu rouge, perpendiculairement à la ligne et portait un feu blanc.

       Le commandant le manœuvrait.

       En effet cette dernière lampe devait exécuter le signal de reconnaissance, lorsque l'avion paraitrait avoir repéré la plaine, et lorsque, surtout, le commandant se serait assuré que cet avion était le sien, et non un rôdeur ennemi.

       Le signal c'était une lettre en morse à transmettre par points ou  barres par la lampe blanche.

       C'était le « barre, trois points » – •••, ou le « B » pour la plaine NIVA, et la lettre « C » ou barre, point, barre, point »

«– • – • » pour la plaine de Viemme, les deux seules prévues à la fin de l'hiver.

PREMIER PARACHUTAGE.

       C'était le 3 mars 1944.

       Mars qui rit malgré les averses, prépare en secret le printemps !

       On en était loin !

       Au dehors, le temps d'hiver régnait...

       A 19 h. 25 le Commandant, Prosper et Etienne écoutaient la B. B. C. quand après d'autres pour WASHINGTON, HALIFAX, arriva un message pour QUEBEC : – « La betterave améliore la salade ».

       Trois cris : – « C'est cela » !

       Cela !

       Que de choses, dans ce seul petit mot, que d'espoirs !

       La liaison allait s'établir entre OTARIE et les amis de là-bas !

       Les maquisards allaient toucher de leurs mains des armes que les combattants libres leur envoyaient !

       C'était donc un signe de la grande préparation à la délivrance de la Patrie opprimée.

       Joie !

       Le commandant, au cours d'un repas éclair, exultait.

       Etienne avait fini déjà d'alerter le comparse André Beauduin.

       Dans la nuit, sans aucun doute, les camarades s'appelaient, et bientôt tous seraient au rassemblement prévu, à Saives, derrière la ferme Lambrechts :

       Bernard et ses hommes devaient s'y trouver à 20 h. 45.

       Georges et son courrier Etienne viennent de s'entendre.

       Le Commandant a caché ses pistolets à Aineffe, dans le parc de M. d'Otreppe, où il va aller les prendre.

       Etienne l'attendra.

       Il faisait très froid, il gelait..., le temps passait ; le chef ne rentrait pas !

       Etienne, à 20 h. 40, allait seul, avertir Bernard du retard de Georges.

       Peu après, le commandant arrivait enfin ; la boue qui gelait, s'agglomérant entre les pneus et les garde-boue, l'avait immobilisé.

       Un peu d'eau chaude guérit le mal, et bientôt, à son tour le leader s'évanouit dans la nuit glacée...

       A Saives, de gros nuages glissaient, masquant de leur masse noire le fond sombre du ciel.

       Les premiers arrivés tendent l'oreille aux bruits feutrés que font les amis qui accourent...

       Enfin le groupe s'ébranla, en longue file, par Termogne vers Les Waleffes.

       Le ciel s'était couvert totalement et un vent sec brossait les campagnes nues. Des chiens hurlaient.

       Mais soudain deux cyclistes apparurent. Ils allaient croiser quand l'un cria : « LIEGE » ! – BRUXELLES lui répondit-on !

       C'étaient JOSEPH (Gaston Nélis) et son acolyte « Coco », (Armand Grenier), qui avaient déjà amené le camion du transport.

       Tout va bien.

       Ils sont bientôt tous réunis sur la plaine, scène noire et vide, que la bourrasque balaye, sous un ciel d'encre !

       Vite, des guetteurs !

       Un ordre résonne : « Equipes de transport formez-vous » !

       Un autre : « Aux lampes » !

       Elles sont bientôt en place aux mains des vigies immobiles.

       Tout est prêt.

       Tout le groupe attend, blotti, le dos au vent, la plupart autour des chefs, comme une compagnie de perdreaux, sur le guéret froid et vide.

       Vide ? – Pas tout à fait, car voici la neige qui tombe soudain, et qui fait naître l’angoisse : Pourra-t-on jamais réussir l'opération ? Les aviateurs n'y verront rien !

       Vaut-il la peine d'attendre ?

       Mais l'espoir, fait tenir, et le parachutage va se réaliser, car, tout à coup, dans le sud, vers Huy, nait un léger vrombissement.

       L'éveil' est donné, les têtes se redressent !

       La neige redouble d'ardeur, mais le bruit s'amplifie et soudain, au cri lancé par Georges, « Aux Lampes », les feux rouges brillent.

       C’était l'avion.

       Le commandant lance aux aviateurs qui virent ses signaux morses : – ••• / – ••• / – ••• /

       L'appareil, un magnifique Lancaster défile tout bas à la verticale des lampes rouges et, exactement, comme il se doit, il largue, à l'appel du feu blanc, les quinze containers attendus, et quelques friandises.

       L'émotion étreignait les gâs du sol. Grenier se gara mal et un des fûts qui descendait doucement le happa au passage, mais ne lui déchira heureusement que sa culotte.

       L'appareil, mission remplie, disparut bientôt dans la neige tourbillonnante, à l'instant où quelques attardés arrivaient secourir les amis.

       Vite un container fut éventré.

       Des mitraillettes «Sten» armèrent aussitôt certains des hommes, pendant que les autres, après avoir soigneusement roulé les parachutes, chargeaient le camion de Joseph de leur précieuse récolte.

       Et ce fut le départ, vers le dépôt.

       Pendant que le camion s'en allait prudemment vers le dépôt du « vieux Camille Marchandise » à Borlez, les hommes armés, Raoul, Bailly, etc., s'agrippaient aux gardes boue, et sur les containers pour faite face à toute surprise.

       Bientôt, dans le plus grand silence, la cachette fut atteinte, et le matériel dissimulé.

       Aux petites heures du matin, les parachuteurs d'OTARIE pouvaient dire, qu'ils avaient effectué au mieux leur première opération de parachutage.

« CHEZ CAMILLE ».

       La maison louée n'était pas neuve. C'était une vieille masure déjà, depuis longtemps inoccupée, et dont les caves seules intéressaient le Commandant.

       En fait il n'y avait qu'une cave. La barre supérieure d'un T majuscule, dont l'escalier simulerait la branche debout, la représenterait exactement.

       Seulement il apparaissait qu'on avait muré une autre cave intérieure, sous une des places de l'étage.

       L'ouverture n'avait pas été complètement bouchée, et ce fut dans cet antre supplémentaire que le Commandant remit sa première cargaison.

       Le matin, il partit avec Etienne et Raoul, pour effectuer l'inventaire de l'envoi et mettre de l'ordre là où la hâte de la nuit avait interdit d'en apporter.

       Ensuite, il voulait murer complètement cette fois, la cachette et faire disparaître les traces du travail.

       Aucun des trois hommes n'avait jamais manié la truelle du maçon.

       Ils firent ce qu'ils pouvaient, mais à leur rentrée au bercail, ils étaient épouvantablement sales.

       Une distraction leur avait fait perdre de vue qu'il eût été prudent, de retirer du dépôt quelques mitraillettes pour les missions nocturnes futures, et pour permettre l'instruction par petits groupes de l'effectif du bataillon !

       Il fallait rouvrir la cachette !

       Georges aurait voulu un maçon.

       Prosper le lui donna.

       Le garde-champêtre de Borlez, Julien Delchambre était un as de l'autre guerre ; c'était un ami du vieux Camille et aussi d'Antoine, ancien fonctionnaire de la Police de Spa, qui appartenait au Groupe.

       De 14-18, Prosper et lui gardaient de nombreux souvenirs.

       Et ce fut Julien, le garde, qui devint le maçon de l'équipage.

       Et c'est lui qui fut, en somme, le gardien du sanctuaire...

CHAPELLE SAINT-BLAISE

       Dans un hameau de Celles, à Saives, le long de la route de Termogne, une chapelle ancienne de jolie forme invite les malades de la gorge à recommander à Saint-Blaise la guérison de leur mal.

       Ce petit sanctuaire comporte même un étroit jubé.

       Sous le toit, des anfractuosités convenaient spécialement pour y abriter les mitraillettes d'appoint.

       L'endroit fut choisi d'autant plus rapidement par Georges qu'il fallait agir vite, et qu'il ne voyait aucun danger pour le petit dépôt au dit endroit.

       Mais encore une fois, que Georges et ses deux acolytes étaient souillés lorsqu'ils eurent terminé leur examen !

       Ce fut de cette chapelle que partirent les courriers qui devaient assurer la protection de Raoul, devenu instructeur.

       C'est là qu'ils rapportèrent sans cesse les précieux outils.

       Car il fallait protéger l'Instructeur.

       Les jeunes commençaient cette fois des missions plus dangereuses.

       Ils opéraient, en plein jour, le transport d'armes.

       Liberté leur était donnée d'organiser leur travail comme ils le voulaient.

       Le Commandant comptait sur leur amitié, et il avait raison.

       L'un précédant l'autre, en éclaireur, ils allaient dans tous les sens, où le devoir les appelait.

       Mieux, ils s'adjoignirent des amis sur lesquels ils pouvaient compter, et c'est alors qu'à l'audace réfléchie d'un Raoul, d'un Jos. Bailly, d'un Etienne, on vit s'ajouter celle de Freddy Budenaers, d'un Vic. Muller, et un peu après d'un Jacques Beauduin, d'un Leemans, d'un Bob Halin...

       Cette fois, ils vont pouvoir donner toute leur mesure, traverser combien de dangers, et le commandant avait raison de ne rien craindre pour eux, car ils vainquirent toujours les obstacles qui se présentaient.

       Le sourire au coin des lèvres, ils arrivaient au rapport tout heureux du succès.

AU CARRE.

       Le commandant donnait, pendant la journée des cours chez M. d'Otreppe, mais chaque soir ou presque, à son P. C., les réunions se multipliaient.

       Les instructions supérieures descendaient sans cesse, et notamment, celle qui exposait le principe du « REFUGE ».

       Le Refuge s'est appelé un instant le Haricot.

       L'effectif entier devait, au jour « J », être rassemblé à un endroit très judicieusement choisi.

       Il s'agissait de concentrer l'entièreté du bataillon dans un établissement suffisamment important pour permettre le logement des hommes et la résistance prolongée, le cas échéant.

       De plus, il fallait, songer aux facilités d'évacuation : rideaux d'arbres, bois, défilés.

       Des patrouilles, en effet, devaient être constamment appelées à quitter les lieux, soit en mission de reconnaissance, soit pour raisons agressives.

       En principe même la patrouille, une fois partie, ne devait pas revenir au refuge. Elle devait au contraire vivre sur elle-même, tromper l'ennemi, l'agacer, le fuir, puis le surprendre.

       Le travail d'ensemble de toutes ces petites troupes devait amener l'adversaire à l'inquiétude, réduire progressivement son assurance, et le pousser à surévaluer les moyens de l'antagoniste.

       Le résultat ne pouvait être en cas de réussite, que la retraite des « fritz ».

       La perfection de l'organisation du système importait au plus haut point.

       C'est pourquoi, à cette époque, les petits messages se multiplièrent.

       Ce n'étaient qu'allers et retours.

       Commandant, Adjoint, Commandants de compagnie, de section, tous les Chefs sentaient l'approche de l'heure.

1er  MAI 1944.

       Les blés levaient, bien droits. Allaient-ils mûrir cette fois dans la liberté ?

       C'était la question de tous, mais la végétation amenait avec elle un souci nouveau pour Georges.

       Comment ?

       Les parachutages devaient se précipiter; et si les uns pouvaient croire que les récoltes seraient complices en masquant le travail, le commandant pensait plutôt que, vu le poids des containers, leurs traces conséquentes ne manqueraient pas d'intriguer beaucoup de monde.

       La situation était telle ; il faillait l'accepter.

       Et ce jour-là même... le 1er mai...

       A 19 h. 25, la B. B. C. lance un MESSAGE POUR CARION !

       « Le Chou n'a pas une odeur effroyable ! »

       Alerte chez tous ! Rendez-vous à Viemme !

       Mais cette fois il fallait beaucoup plus d'outils.

       Les tas de marne ne devaient-ils pas être creusés, l'un du moins.

       Cette pâte blanche et gluante, on le savait, allait demander aux travailleurs un autre effort, avant même le parachutage.

       Des équipes devaient aménager des trous séparés l'un de l'autre, mais assez vastes et profonds pour renfermer les containers.

       Il fallait des pioches, des pelles, des bêches, et des cordes pour hisser sur le tas les masses des fûts.

       Une prairie de cerisiers devait servir de point de ralliement aux équipiers qui bientôt arrivèrent.

       Déjà, Joseph Bailly et Leemans y avaient apporté les mitraillettes d'appoint.

       Le temps était propice ; la nuit serait claire et douce.

       Des contrôleurs de la C. N. A. A., membres du Groupe, devaient masquer aux villageois attardés le but de l'opération.

       Les paysans, à les voir rôder de ci, de là, croyaient à une surprise, à une rafle peut-être.

       Aux « cerisiers » les amis attendaient l'ordre du départ, quand arriva Richard ORBAN, le camarade OMER, libéré.

       La joie était complète.

       Georges et Bernard préparent la marche des deux sections qu'ils viennent de former.

       Ecoutez-le :

       - Une section va me suivre ; l'autre empruntera la route de Seraing-le-Château jusqu'aux deux saules qui bordent le chemin.

       - Arrivée là, elle fera face à gauche, entrera dans la campagne en longeant la clôture qui quitte la route à cet endroit.

       - Plus loin, avancez droit, jusqu'au tas de marne. La plaine est à côté, j'y serai !

       C'était clair.

       La réunion des groupes fut tôt faite et le travail de sape, commença...

       Les contrôleurs cette fois, servaient de guetteurs.

       Les han des travailleurs s'entendaient, parfois, comme aussi les injonctions, des chefs qui ramenaient le silence.

       La campagne était vaste ; les accès lointains.

       Cette fois, aucun transport n'était nécessaire, puisque les feux devaient être disposés tout à côté des nids.

       Le commandant cependant paraissait songeur.

       Suivez sa pensée !

       Le ciel est clair, les signaux risquent de passer inaperçus...

       Le Chef songe aux traces que les containers vont laisser dans les épis, sur le sol et sur le tas de marne peut-être.

       Mais qu'y faire ? - Rien, sinon espérer.

       « Ne pensez plus car voici du bruit, commandant », dit quelqu'un.

       En effet, le bourdonnement d'un moteur commence à s'entendre et le cœur des acteurs se pince. Georges, à l'instant, alerte les feux rouges.

       Déjà la lampe blanche est dans ses mains.

       Le ronronnement s'amplifie bientôt dans le sud et, à n'en pas douter, il s'agit d'un multi moteur allié.

       On devrait le voir, chuchotent des hommes, cet anglais, à moins que ce ne soit un boche !

       Un Boche songez-y. Tout est possible.

       Supposez que le chef, par nuit noire, n'ayant rien pour s'instruire de la nationalité de l'arrivant, appelle un ennemi... Quelle serait sa réaction ?

       Heureusement la visibilité est bonne tellement bonne même qu'un observateur très attentif, pourrait au sol, découvrir des tâches sombres qui l'invitent et ne pas rester insensible à leurs amabilités...

       L'avion est là. C'est un quadrimoteur anglais, qui va survoler le groupe à 0 h. 45.

       Les signaux sont allumés. La lampe blanche appelle, par des « C » en morse, que des « barre-point » transmettent inlassablement.

       Le visiteur a vu et vire, décrit un cercle et s'en va dans le sud où il disparaît...

       Les nez s'allongent.

       L'appareil était allié ; la « lettre » n'aurait-elle pas été la sienne ?

       C'est possible. D'autres camarades de l'A. S. sur d'autres plaines attendent eux aussi...

       Les chuchotements ont à peine recommencé à s'échanger entre les débardeurs que d'autres moteurs se mêlent à la conversation. Le Lancaster reviendrait-il ?

       En effet, le bruit augmente, mais cette fois quoiqu’il ait dû passer à proximité de la plaine, il n'a pas été aperçu.

       Son tonnerre s'éloigne progressivement dans l'est...

       Il est une heure et quart.

       Les amis sont-ils sous l'orme ?

       Mais non, revoici dans le sud ; un ronronnement nouveau...

       Il y a foule, décidément, là-bas.

       Celui-ci, nouvel arrivant, va-t-il enfin satisfaire la pléiade ?

       Et soudain, le voilà qui passe en trompe, et qui survole en plein les lieux.

       Rapide, car il a vu les signaux, le voilà qui vire, et prend son champ. Sans doute a-t-il mal calculé son passage car il recommence un nouveau virage, puis, ... puis ... il continue vers l'Est, tout droit.

       Les « rampants » jurent un peu fort ! Le Commandant, calme, invite aussitôt son personnel au silence.

       - Patience, mes amis, « il » viendra !

       Et « il » vint à 1 h. 45 !

       En plein ciel, au zénith des têtes et des feux, voilà cette fois-ci, le vrai Lancaster.

       La sarabande des « barre-point », « barre-point » recommence...

       Virage, retour, et pan, les masses tombent et les parachutes qui s'ouvrent freinent la descente des containers.

       Mais le largage fut un peu tardif et les précieux colis atterrissent un peu trop loin...

       Zut, pensent les hommes ; n'avons-nous pas déjà suffisamment à faire ?

       Aux bras musclés, il appartenait maintenant de travailler, et, parachutes repliés, de héler sur le tas de marne tous les containers ramenés avec peine.

       Enfin, sur la masse de marne blanche, le chargement est à peu près rassemblé quand soudain, un avion nouveau arrive.

       - Encore un, dit-on...

       Mais diable, sa chanson est toute différente ; c'est un monomoteur rapide, semble-t-il, et tout à coup le voilà qui surprend les pions noirs de l'équipe, sur le tertre blanc.

       Il vire, a-t-il remarqué quelque chose ?

       Couchez-vous, crie un homme... précaution inutile !

       Ces gars rompus déjà au métier du camouflage, restent tous immobiles. Plus un ne bouge. Ce sont des blocs, des piquets ! !

       L'avion s'en va. C'est tout !

       Huit mitraillettes supplémentaires sont emportées, dans les cachettes minuscules, et jointes au stock d'appoint quotidien.

       Le tas de marne soigneusement ratissé, les acteurs s'en retournèrent chez eux, là, où des femmes angoissées les attendaient.

       Ces retours paraissent simples, et pourtant...

       La nuit durant, toute circulation sur les routes était interdite.

       A l'époque, les patrouilles volantes de l'ennemi étaient nombreuses.

       Les fritz s'embusquaient au coin des haies, mais naturellement là où le passage est fréquent... de jour.

       Les volontaires qui connaissaient si bien l'amitié de la nuit, leur glissaient entre les « pattes » et parfois les narguaient d'un coup de sifflet...

       Et les traces ?

       Elles furent nulles !

       Aril Pirson de Viemme, s'était chargé de la besogne et réussit à les faire disparaître.

       A l'aube, un compagnon inattendu, vint l'assister : ce fut la rosée du matin, qui rendit force aux épis foulés et les releva.

       La nature était l'alliée des nôtres.

       Puis ce fut, après le déjeuner, le départ chez le colonel d'un nouveau courrier.

       Mademoiselle Francinette del Marmol, s'en alla chez « Beauduin » lui remettre l'inventaire de ce qui avait été reçu : armes et explosifs !

INSPECTION.

       Le 6 mai, le P. C. reçut la visite du sous-chef d'Etat-major de la Zone IV, le Comte, de Looz-Corswarem.

       Il inspectait les différents secteurs de la Zone et en même temps il devait développer lui-même, dans des conférences d'officiers, le processus d'action au combat, dans le système d'application des « Haricots » ou « Refuges ».

       Il tenait essentiellement à ce que la méthode d'énervement de l'ennemi fut bien comprise de tous.

       Le colonel, Georges et son adjoint Bernard, Gaston Fallais, le commandant des Marsouins, l'entouraient... et la réunion fut un lumineux débat.

       M. de Looz était connu.

       Le récit de son raid d'aviateur de Bruxelles à la Colonie, et les difficultés qu'il avait surmontées avant la guerre étaient un gage du caractère de l'officier.

       Mais, ne l'eût-on pas su, qu'on aurait deviné qu'il était pilote.

       Grand, mince, sec, la figure ouverte, les yeux rieurs, il était d'une nervosité extrême, ne tenait pas en place...

       Il se frottait perpétuellement les mains, et soudain, les ramenait jointes dans le creux de sa poitrine, brusquement, comme s'il voulait concentrer en lui le centre de gravité de son avion…

       Puis tout à coup, il agitait le pied gauche, puis le droit, semblant chercher à toucher une commande quelconque de l'appareil dans lequel il voguerait.

       Lui aussi certainement, devait souffrir en voyant d'autres pilotes ; ceux qui rayaient de leurs traînées blanches un ciel libre que les boches n'avaient pas conquis.

L'AFFAIRE HOTTON.

       Les groupes s'aidaient sans cesse.

       C'était une des grandes satisfactions du moment.

       Or, le Comte de Looz avait prévenu Georges qu'en raison de la grande quantité d'explosifs reçue par OTARIE et par MARSOUIN, il lui semblait qu'il conviendrait d'aider le groupe HOTTON qui était à peu près dépourvu.

       Le Commandant Fallais d'une part, et Georges de l'autre, acquiescèrent immédiatement.

       Qui était HOTTON ?

       HOTTON était un service de sabotage qui travaillait dans le bassin métallurgique à brouiller autant qu'il le pouvait magnifiquement d'ailleurs – tous les services (rail et force motrice) qui aidaient l'ennemi, malgré eux souvent.

       C'est pourquoi, ces spécialistes clandestins faisaient danser, en toute occasion, les voies et les lignes de transmission.

       Mais ces camarades experts devaient en même temps se constituer des dépôts pour l'heure « H » des sabotages.

       Ce fut conclu.

       Un délégué vint immédiatement prendre liaison.

       Son nom de guerre était EDDY.

       L'opération fut décidée.

       Georges livrerait ses explosifs au bois Beguin à les Waleffes, proche du dépôt du vieux Camille, tel jour, à l'aurore.

       Un petit groupe amènerait lui-même au bois des charges demandées.

       Par contre, un camion automobile viendrait prendre livraison.

       Il devait être monté par des gendarmes, ou pseudo-gendarmes belges, en tenue, dont la circulation sur les routes, paraissait normale, en raison de leurs missions de surveillance auxiliaire, mais toujours complice…

       Hélas, la prudence de GEORGES seule avait servi. HOTTON, lui, était vendu.

       Georges en effet n'avait pas admis que les camarades du service HOTTON vinssent prendre leurs fournitures au dépôt, dans la crainte d'une indiscrétion.

       Or, l'équipage du camion fut arrêté à Bierset, quelques jours après. Les boches les attendaient !

       Leur Chef, pour sauver ses hommes, qu'il précédait en sidecar, revint sur ses pas. Il assura à l'ennemi que ses gendarmes n'étaient au courant de rien. Il prit sur lui toutes les conséquences de l'acte.

       Ce Chef, cet officier encore, était Julien BLOOM qui mourra en brave à la Citadelle de Liège où il sera fusillé.

       Belges, souvenez-vous de ce nom !

       L'équipage du camion arrêté fera honneur à son chef.

       Tous se tairont.

       Une victime suffisait ; la prudence de Georges était de mise...

NOUVEAU PARACHUTAGE.

       Voici la fin du joli mois de mai !

       Mois des vesprées, des foins dont l'odeur embaumait autrefois les soirées paisibles.

       La Pentecôte est là.

       Pourquoi ne pas dire qu'à cette époque, nulle journée ne fut reposante. Chaque heure parfois amenait des devoirs, des soucis.

       La préparation s'intensifiait.

       On « sentait » l'événement proche.

       Le Commandant et son adjoint savaient que des parachutages en « masse » pouvaient être attendus.

       Et le soir de ce jour de fête, à l'heure rituelle, la B. B. C. lança « Message pour QUEBEC ... : La salade améliore la betterave ».

       C'était pour Niva.

       Vite le 477 entrait en communication avec le 110...

       … Mais en même temps, les écouteurs avaient entendu un autre appel pour QUEBEC : l' « Artichaut a le cœur généreux ».

       Donc les Hommes du « MARSOUIN » recevaient également ce soir-là à leur plaine de Warnant.

       Tant mieux, c'était coup double !

       La plaine NIVA donnait cependant du souci au Commandant.

       Elle devenait douteuse, simplement, sans qu'on sût pourquoi au juste.

       Les garnisons allemandes de Hannut, de Waremme venaient d'être renforcées, et, à Fumal, l'ennemi avait placé une garnison en réponse à un premier sabotage réellement important qui avait été effectué à Huccorgne.

       D'autre part, Prosper avait signalé que des rondes allemandes s'accompagnaient de « boîtes d'écoute ».

       Ces appareils servaient à la communication directe entre les policiers et leurs avions, et inversement.

       La partie devenait plus serrée. La prudence devait augmenter.

       L'ordre restait le même : éviter le contact s'il se peut !

       Qu'importe pour les chefs que le risque augmente sur les plaines !

       Ils sont libres de ne pas faire de signaux, s'ils sentent l'imprudence...

       En ce cas, ce ne sera qu'une mesure pour rien.

       Le chef doit juger sur place.

       A NIVA, les précautions furent doublées.

       De nombreuses sentinelles furent placées dans toutes les directions.

       L'armement des gardes était important.

       Pour cacher le dépôt futur, Madame Cartuyvels de Waleffes avait offert une meule, sous laquelle le chef d'équipe Léon BERGER fit creuser un gîte par ses hommes.

       Et même, pour éviter tout bruit pendant le transport, il avait été prévu que celui-ci serait effectué par un chariot sur pneus, aimablement prêté par M. Fulbert Lambrechts, de Lens St-Remy, et conduit par M. Paul Heine, de Latinne, qui donnait ses chevaux...

       La nuit était toute belle ; les étoiles scintillaient.

       Que le personnel était loin de la nuit du 3 mars !

       Cela ne tarda pas, car la mise au point était à peine terminée, qu'un vrombissement annonça un appareil.

       Le groupe allait-il connaître encore les désillusions du parachutage de Viemme ?

       Ce premier appareil, un Lancaster, bien qu'il cherchât visiblement, refusa les signaux, mais à peine avait-il disparu qu'un autre se présenta.

       Et c'était le bon, cette fois.

       Virage rapide à la vue des signaux, retour vers les feux, largage, et voilà à nouveau quinze parachutes qui amènent doucement à terre une provision d'armes nouvelles.

       Le déballage commençait à peine, cependant, qu'une sentinelle, André Beauduin, accourut :

       - « Commandant, je viens d'entendre dans le sud, un camion automobile ».

       Calme, le chef répondit simplement : « Veillez pendant que nous nous hâtons ».

       Un autre avion survole la plaine ; au même moment des coups de feu lointains s'entendent. L'avion rôde toujours au dessus des têtes.

       « Pressons, disait Georges, faites vite, mes amis ».

       Les mitraillettes, au loin, continuent à s'acharner.

       Georges comprit, et, avec lui, Bernard.

       Les camarades de MARSOUIN sont attaqués !

       Les « OTARIE » à ce moment, ne peuvent rien pour eux.

LENDEMAIN DE PENTECOTE.

       Chacun s'était reposé.

       Prosper s'informait de ce qui pouvait s'être passé la nuit chez les voisins, mais ne parvenait pas à connaître un mot au sujet de la fusillade entendue.

       Et la soirée recommença.

       La B. B. C. : également: « Message pour QUEBEC, lança t'elle... »

       « La salade améliore la betterave ! »

       La plaine de NIVA, cette nuit encore, devait servir de terrain de réception.

       Les appareils téléphoniques 110 et 477 s'étaient interpellés, et une cascade d'appels successifs unissait les volontaires.

       Le Commandant avait prescrit le rendez-vous pour 22 heures.

       Mais l'opération n'aurait pas lieu !

       A 20 heures 30, le colonel arrivait personnellement au P. C. pour interdire le parachutage.

       A Huy, il avait entendu le message, et, ne disposant d'aucun courrier libre, il venait en personne pour décommander les ordres donnés !

       Que s'était-il passé ?

       La veille au soir, les Hommes d'OTARIE avaient entendu parfaitement des bruits de moteurs, des coups de feu... et nul autre écho des incidents survenus, ne leur était parvenu !

       Le colonel l'avait recueilli l'après-midi de ce jour même et en conséquence, prévoyant le danger, venait mettre l'unité exposée en garde.

       Des hauteurs du tunnel de Huccorgne, récemment saboté, un poste ennemi qui s'y était installé avait une vue directe sur la plaine de WARNANT où la veille au soir les « Marsouins » devaient répondre, à l'appel du message « Artichaut ».

       En raison des risques que cette plaine présentait, elle venait d'être proscrite ; mais, « LONDRES » non encore avisé avait prévu l'opération sur ce terrain.

       Très raisonnablement, le Commandant du groupe local avait décidé de ne pas se rendre à l'invitation.

       Mais, un jeune chef intrépide (il mourra plus tard en accomplissant une action d'éclat insigne) n'écoutant que son esprit d'initiative, décidait de tenter de recueillir le bénéfice de l'envoi, sur la plaine de Vaux-Borset.

       Pour un avion, un recul de deux ou trois kilomètres se comprenait : le chef de plaine pouvait avoir des raisons, et les signaux conformes, auraient déclenché un largage des containers... seulement cet officier ne connaissait pas la « lettre d'appel ».

       L'appareil vint. Il survola, souvenez-vous en, les hommes d'Otarie, puis s'en alla.

       Un appareil ennemi, qui survolait par hasard la plaine de Vaux-Borset, en voyant les appels lumineux, répondit...

       Il fit prendre patience aux gâs du sol, en répondant lui-même par les étincelles lumineuses de ses téléphunken qui en même temps appelaient une troupe ennemie...

       Ce fut, vous vous en doutez, la collision au cours de laquelle, sans perdre un homme, le jeune chef conduira si bien sa troupe, que les allemands manœuvrés, finiront par se tirer les uns sur les autres...

       Ce soir de lendemain de Pentecôte était donc calme !

L'AVION FLAMBE !

       Le lendemain matin GEORGES quittait son P. C. pour se rendre à Aineffe chez M. d'Otreppe, donner des cours.

       Au petit déjeuner, avec Prosper et Etienne, ils s'étaient entretenus de la désillusion des hommes décommandés la veille, et de celle des aviateurs.

       « Nos aviateurs » avaient coutume de dire les équipiers du service des parachutages.

       N'étaient-ils pas un peu à eux ?

       Ils ne connaissaient ni les pilotes ni les équipages !

       Ils s'étaient familiarisés déjà avec les formes de leurs appareils, mais ils savaient que les volontés qui animaient ces camarades du ciel, étaient les sœurs des leurs, et qu'avec ces aviateurs, ils formaient équipage !

       Et qu'auraient-ils fait pour ces amis, s'ils s'étaient trouvés en danger ?

       Tout, parbleu !

       Mais soudain au P. C. Prosper était alerté par une information !

       « Un combat d'avions a eu lieu la nuit vers une heure trente au dessus de Tourinne... un avion a été vu en flammes... ?

       Il était excessivement dangereux pour des avions de transport si lourdement chargés et très difficilement manœuvrables d'être attaqués...

       Un instant après la sonnerie téléphonique du 110 retentissait.

       Au bout du fil se trouvait Clément Olivier de Vieux-Waleffes qui disait : « j'ai de la marchandise » !

       Cela suffisait.

       Des aviateurs alliés, étaient à terre voulait traduire l'informateur, et en même temps... « J’attends vos ordres » !

       Le P. C. savait donc que l'avion en flammes et abattu était allié ; qu'il y avait grande probabilité que cet appareil était celui que la B. B. C. avait annoncé aux hommes déconvoqués par le colonel ; et enfin qu'il fallait aviser...

       Georges avait été rappelé aussitôt par Etienne, mais le téléphone parlait encore.

       Cette fois, c'était « Jean-Pierre » qui annonçait l'arrivée imminente de « Jacques » (Joseph Bailly) au P. C.

       Une parenthèse peut être faite ici, pour informer ceux qui croiraient que ces conversations téléphoniques présentaient un danger.

       Non !

       A Vaux-Borset, la centrale était aux mains de M. Lambert, et à Waremme, M. Lardinois faisait les liaisons. Ils avaient « la ligne » pour eux deux et ils étaient tous les deux, des fanatiques du dévouement aux affaires d'OTARIE.

____________________

 

       Le retour de Georges, et l'arrivée attendue de Jacques, commandent qu'on appelle Bernard.

       Le travail qui va s'imposer doit être important...

       Georges arrive et Jacques le suit de près,

       Le courrier fait son rapport, tel que le lieutenant Leburton le lui a dicté :

       Notre avion est venu pour parachuter.

       Un chasseur de nuit allemand l'a surpris.

       Des flammes ont envahi le bord.

       Après avoir largué tous leurs containers, les aviateurs se sont sauvés en parachute.

       Les colis sont à terre, à 300 mètres environ du carrefour que forment les routes de Huy à Hannut et de Waremme à Braives, contre le village de Tourinne.

       Bob Hallin, et Marcel Leemans veillent, avec quelques éléments d'un groupe parallèle, alertés eux aussi.

       Deux des aviateurs, recueillis sont en sûreté.

       L'avion en flammes a disparu dans le nord...

       Que faire ?

       Jacques termine à peine la relation, que Gaston Nélis surgit.

       Maquisard, il écoutait et il a su tout de suite.

       Il s'est rendu sur les lieux.

       Il a reconnu les gens de l'autre groupe et déjà il leur a fait part de son intention de recueillir ce que Londres a destiné à GEORGES, tout en confessant que les adversaires contestent la propriété de l'armement.

       Il demande des instructions.

       Et l'ennemi ?

       L'ennemi cherche l'avion dans le nord... au diable !

       Tout contre deux grandes routes, les hommes des deux groupes se sont armés de mitraillettes prélevées dans les containers et l'attendent... mais il ne viendra pas.

       Avec Bernard, Georges scrute tous les aspects du problème.

       Il faut absolument pouvoir enlever tout le matériel, mais il peut être impossible d'empêcher le groupe adverse, dont beaucoup d'éléments sont là, contre deux des nôtres, dit-il, de s'en approprier.

       Mieux vaut en tout cas, à tous égards, que l'on cède à des camarades mal informés, pour soustraire le tout à l'ennemi.

       Réfléchissons un instant ajoute le chef...

       Pendant ce temps-là, voici Clément Olivier qui vient annoncer que deux autres aviateurs sont en sûreté ; puis Pierre de Menten qui signale les trois derniers.

       C'est enfin Raoul qui s'introduit pour offrir ses services.

       Les aviateurs sont sauvés !

       C'est essentiel !

       Le dépôt le sera-t-il ?

       Georges commande... écoutons !

       « Joseph » vous allez avec Jacques, retourner sur les lieux.

       Vous vous efforcerez par tous moyens amicaux de convaincre les éléments étrangers de se retirer.

       Vous me ferez rapport aussitôt. En attendant ici au P. C. nous réfléchirons à toute suite à donner aux informations que vous nous transmettrez. Que Raoul vous accompagne !

       Il donne à Etienne, l'ordre verbal de se rendre à Huy et de faire rapport au colonel.

       Tous ces braves s'en vont...

       Au P. C. toutes les hypothèses s'accumulent ; on se prépare à faire face à toutes. Des volontaires sont alertés.

       Et Georges, et Bernard attendent...

       Raoul surgit soudain, pâle de colère, essoufflé par la rapidité de sa course.

       Mon commandant, nos amis Leemans et Halin ont fait l'impossible, mais les adversaires s'approprient le tout. Ils se prétendent les destinataires de l'envoi. Une certaine foule est sur les lieux, et la publicité de toute l'affaire augmentant, la discrétion va se perdre...

       La discrétion pour le groupe, était-elle en danger ?

       Non, un seul homme était connu, JOSEPH !

       Joseph cependant n'était que « quelqu'un » pour les autres, et quelqu'un en grammaire, c'est indéfini !

       Alors...

       Alors ces adversaires avaient tort.

       Ils se savaient des isolés. Ils étaient intérieurement convaincus, qu'ils prenaient à des camarades, un armement dont ils ne connaissaient pas le maniement.

       Georges savait que la plupart de ces hommes étaient dignes mais il avait interdit à JOSEPH de prendre liaison avec eux, parce que leur chef, AJAX trahissait, par double jeu.

       Pour eux la discrétion n'était plus qu'un mythe.

       Mais voici le téléphone qui appelle encore.

       C'est le docteur Sohet, de Borlez, médecin des « Marsouins » qui demande un médecin qui ne se trouve pas ici au sujet d'un blessé, victime d'un accident près du P. C.

       Au P. C. on ignore tout !

       Mais certainement répond le médecin, vous avez un blessé !

       Son insistance, fait croire un instant que le P. C. court un danger... mais c'est impossible !

       Joseph revient ensuite du théâtre des opérations en apportant avec lui, une lueur d'espoir.

       « Mon commandant, je suis en rapport avec Eugène, un chef du groupe adverse, dont je vous ai entretenu déjà. Il comprend que ses camarades et lui ont tort de persévérer, et je pense que le matériel qu'ils ont emporté pourrait nous être rendu, si, un ordre écrit de mes chefs, m'était donné pour lui et les siens ! Qu'en pensez-vous ? »

       Gaston Nélis, vivait fréquemment aux côtés du dit « Eugène » et allait peut-être devenir le promoteur de la réussite...

       Georges, lui remit donc un billet :

       Le voici :

       « Mon ami »,

       « Les armes que vous vous appropriez, ne sont pas votre propriété, vous le savez. » Elles sont propriété alliée.

       » Ces armes m'appartiennent, jusqu'au jour où j'en rendrai compte, après l'usage que je sais devoir en faire.

       » Contrevenir à cet exposé, maintenir votre position, ce serait commettre un détournement grave, auquel vous n'aviez pas songé.

       » Ce serait vous rendre passible du Conseil de Guerre.

       » Je suis certain que vous me comprendrez ».

       Gaston Nélis, dans la voiturette de JACQUES repartit.

       Ce fut la réussite !

       Lorsque « JOSEPH » eut rencontré « EUGENE » le chef des hommes de l'autre groupe, tout le matériel parachuté avait été emporté…

       L'ennemi n'avait rien vu. C'était en tout cas un succès.

       Correct, « Eugène » entendit – lecture du billet faite – que l'entièreté des armes et munitions détournées, soit restituée.

       Il rapporta à « JOSEPH » qu'une portion du matériel avait été dirigée sur Ville-en-Hesbaye, dans un bosquet, et que la plus grande part avait été emportée au cimetière de Verlaine en camion.

       Il s'offrait à assister les hommes d'OTARIE lors des opérations de reprise.

       Les subordonnés d'Eugène avaient cependant, dans l'intervalle connu une aventure qui aurait pu avoir des suites tragiques.

       Leur camion prenant un virage trop rapidement à Waleffes, s'était renversé. Le matériel n'en souffrit pas, mais un des convoyeurs de l'expédition fut assez sérieusement blessé !

       Un autre véhicule frété à l'instant, poursuivit la besogne.

       C'était l'origine du coup de téléphone du Docteur Sohet, qui cherchait assistance.

SUITE.

       Le soir même, Georges avait convoqué pour 19 h. 30 à la prairie des cerisiers, à Viemme, une équipe spéciale dont la mission allait consister à enfouir dans une cachette nouvelle les armes et munitions récupérées.

       Cette cachette venait d'être fournie par Prosper.

       Un petit bout de champ, le long du vicinal de Viemme à Haneffe, allait servir de nid. Le garde-champêtre Jules Jacques, de l'endroit, un guetteur perpétuel, acceptait qu'on s'en servit.

       Restait l'équipe qui allait ramener l’armement entreposé à Verlaine.

       Gaston Nélis, qui a frété le camion de M. Dessy de Hannut, s'en va effectuer la reprise avec Jacques, Raoul et LOUIS.

       Louis, cette fois n'est autre que le commandant lui-même.

       Le chef veut suivre toute la marche de l'opération sans être connu comme tel, par les hommes de l'autre groupe qui peuvent se rencontrer au cimetière de Verlaine.

       Joseph paraît commander l'opération.

       C'est lui qui donnera les ordres à Louis, lui-même et qui peut-être trouvera l'occasion de lui dire : « Allez, Louis, plus vite ! »

       En un tour de main, avec l'assistance bénévole des camarades d'Eugène rencontrés dans la nécropole des gens d'OTARIE exécutèrent leur tâche.

       Puis, coupant et recoupant leurs traces, lors de leur retour, ils parvinrent bientôt au rendez-vous, le long de la plaine de Viemme.

       BERNARD et ses hommes les attendaient, tout à côté, dans le verger des cerisiers.

       Toute la suite de ces opérations, vécues en plein jour, commandait maintenant une prudence spéciale...

       La campagne, les chemins d'accès, servaient encore aux paysans attardés, c'est pourquoi, les containers déposés dans le talus boisé de la ligne vicinale, le camion : parti, il fut décidé prudemment d'attendre la nuit pour dissimuler le trésor récupéré...

       Il fallait donner le change et laisser supposer aux rares passants qui se voyaient encore, que l' « armée blanche », celle au bon dos, se préparait sans aucun doute à une rafle nocturne...

       Cependant, tout près du butin et du petit champ, deux hommes veillaient...

       Glissant, rampant d'un point à l'autre, ils surveillaient tous les abords, insouciants des touffes d'orties et des traînées de ronces.

       Ce sont le commandant lui-même et Ranquet, sentinelles avancées du groupe entier qui s'est camouflé ; ils guettent, l'arme prête...

       Tout à l'heure, quand tous les paysans seront rentrés chez eux, et qu'ils auront fermé leurs portes à double tour dans la crainte de l' « armée blanche » – car les nouvelles vont vite à la campagne, – l'armée secrète travaillera.

       L'ennemi, lui, n'a rien su !

       Les bourlingueurs de la journée l'ont certainement rencontré ci ou là sur les chemins, mais ces hommes rompus au danger savaient remplir leur devoir, tellement naturellement, – une main en poche sur la crosse d'un pistolet, cependant, – que le fritz rencontré était « doublé » chaque fois...

       Le colonel sans nul doute, était fier de ses hommes à cette heure, puisque Etienne, lui rendait compte du succès de toute l'opération...

LA NUIT VINT...

       Dans le petit champ, des betteraves jeunettes croient pouvoir s'endormir en paix... et voici que soudain, des mains impies les projettent hors de leur berceau...

       Pelles, pioches, bêches, se mettent au travail...

       Les trous s'amorcent, les trous prennent forme.

       Les voilà creusés !

       Et bientôt les enveloppes métalliques reposent sous quelques pieds de terre...

       Les équipiers s'en retournèrent, emportant avec eux le souvenir de la vie ardente de cette journée de dangers...

       Parmi ces volontaires qui s'égaillaient par les chemins de campagne il en était qui se remémoraient en riant l'aventure du brave « CELESTIN » – Léon Berger – leur chef de peloton.

       Pendant qu'ils attendaient ensemble dans le verger des cerisiers, une vache curieuse avait posé une patte indélicate, dans les rayons de roue de la bicyclette de Célestin qui, furieux, mais calme à la fois, n'avait trouvé qu'un mot pour se plaindre :

        « Ah ! la vache !... »

       La première alouette qui prendra l'air, à l'aube, verra un petit attelage, travaillant le petit champ...

       Aril Pirson sera là...

       Il aura presque terminé une besogne indispensable.

       Toutes les petites betteraves auront été extirpée ; la terre ameublie, ratissée aura reçu une nouvelle semence, pour une autre récolte.

       L'uniformité aura été rendue au bout de champ, et les paysans qui passeront par là, tout à l'heure, diront :

       « Tiens, le garde, mécontent de la venue de ses betteraves a semé du trèfle »...

BOIS MOUTON !

       La veille au soir, au P. C. RAOUL et JACQUES ont reçu des ordres...

       Demain à l'aube vous serez au bois de Ville où est caché le restant du matériel parachuté. Le Lieutenant Cartuyvels sera là pour vous indiquer le BOIS MOUTON. Marcel et Bob, vous attendront près du dépôt et vous aideront.

       Vous cacherez ce matériel, à un endroit du bois que vous repérerez, mais, vous enfouirez, à part quelques mitraillettes de secours, dans deux fûts que MODESTE et CYPRIEN vous amèneront en charrette. « Auparavant donnez à ces deux camarades qui ne connaissent pas les lieux, le rendez-vous qui vous convient le mieux » !

       A l'aube, Jacques au volant d'une camionnette et Raoul s'arrêtaient près de la cachette. Le lieutenant LEOPOLD, Bob et Marcel étaient là.

       Ils prennent livraison, chargent leur camionnette, et pas à pas, roue à roue, prudemment, par des chemins de campagne, ils s'en vont au BOIS MOUTON, là-bas.

       Ils y arrivent. Ils sont cachés !

       Raoul les quitte pour aller au rendez-vous fixé, au pont de Braives, rencontrer André Beauduin et Léon Chabot amenant les fûts...

       Quand les trois amis, atteindront le bois Mouton, dans leur petite charrette, un incident grave y sera survenu...

L'INTRUS.

       Bob et Marcel venaient de faire un prisonnier...

       Pendant qu'au bois de Ville, l'équipe se préparait au travail, un individu les avait épiés.

       Et pris du mal d'Eve, sollicité par la trace des roues, il avait résolu de suivre la piste, pas à pas.

       Mais au Bois MOUTON, Bob et Marcel, deux sentinelles qu'on ne peut surprendre, sont de garde.

       Ils veillent, donc ils écoutent.

       Soudain, du bruit les alerte... qu'est-ce ?

       C'est l'arrivée de l'intrus, qui fouille du regard l'herbe du sous-bois, y cherchant la trace incertaine...

        « Holà ! se dirent Marcel et Bob, en se dissimulant, pendant que l'individu continuant sa route, s'avançait pas à pas... avec un de trop !

       Deux poignes solides, s'abattirent sur lui à l'improviste, le ceinturèrent et le mirent hors d'état de nuire !

       ?

       ?

       L'inconnu est interrogé aussitôt. C'est un étranger au pays.

       Il a peur ; il bafouille !

       Il se dit maquisard, et cite des références... trois amis réfractaires et membres d'un groupe parallèle.

       Mais hélas, pour lui... un est mort, un autre a disparu, et le troisième est aux mains de l'ennemi.

       La contrée par contre, fourmille d'agents ennemis.

       Que vont faire les jeunes-gens ?

       En un clin d'œil la camionnette est rechargée. Jacques pilote, Raoul et Marcel sont à ses côtés. Elle démarre, et file rapide vers le P. C.

       Bob et Cyprien, placent l'intrus entre eux deux dans la charrette, et précédés d'André Beauduin, qui est en bicyclette, pour éclairer la route, ils s'en vont eux aussi vers Viemme...

       – As-tu ton pistolet Bob ? dit Cyprien... – Evidemment répond l'autre.

       Cette conversation laconique, doit calmer le bonhomme !

       Vers 16 heures, la voiturette arrive au P. C. en trombe.

       Le commandant mis au courant, réfléchit un instant puis commande :

       – Etienne, partez à la rencontre de la charrette, arrêtez-là à tel endroit, et j' y viendrai. Attendez-moi.

       «  Raoul, Jacques et Marcel, nous allons au bois Beguin, tous ensemble ! »...

       Au bois Beguin, en attendant la nuit, Marcel, tout seul, veilla le chargement que l'auto venait d'y déposer avec lui.

       Des camarades, viendraient cette nuit, l'aider à porter le tout au dépôt Marchandise.

       Pendant ce temps, la voiture s'est arrêtée à l'endroit dit, le long de la charrette.

       Le prisonnier, un sac lui recouvrant la tête, est transféré dans l'auto qui démarre à nouveau.

       A quoi pense-t-il ?... peu importe !

       Mais le Commandant ?

       Ecoutez le rapport de Jacques qui pilotait, et qui rapporta, plus tard, les confidences de Georges :

       Le commandant vivait sous l'impression que l'intrus n'était qu'une particule de la cinquième colonne, et songeait à un bout de corde... aux services que pouvait rendre à l'individu, un aumônier... ou encore à un bon marteau !

       Un marteau ?

       Oh. il n'était pas question d'un coup discret, bien asséné sur le crâne, mais de briser les clavicules d'un bonhomme qui, grâce à cela ne saurait plus courir...

       L’auto traversa Waremme, en trombe, à la barbe des fritz et arriva à Marlinne.

       Le commandant avait tracé son plan.

       L'espion fut mis en cave... là où l'on renferme les méchants enfants !

       L'enquête dura des semaines, et à la fin, le prisonnier fut identifié.

       Sans relations, ce réfractaire pour se faire adopter dans la contrée, avait cru faire un coup de maître, en espionnant des gens qui auraient pu lui prendre la vie.

MISS OTEN.

       Le prisonnier fut d'abord interrogé par Kindermans.

       Un scribe écrivait.

       Au P. C. le rapport fut considéré comme indéchiffrable.

       « Modeste » rapporta à Prosper, qu'une miss viendrait pour éclaircir le texte.

       Un grand jeune homme vint.

       Il semblait ignorer tout du jeu « Clandestin ».

       Il fut éconduit, évidemment.

       Le lendemain, Modeste, l'introducteur, s'exécutait... car la miss... annoncée n'était autre qu'un ex-élève de l'Ecole Militaire : MISSOTTEN.

       Cet émissaire revint, connaissant cette fois, son « clandestin », et l'enquête put se poursuivre.

*

*          *

       Le soir, au bois Beguin, Bernard, affligé d'un lumbago bien douloureux, commandait une équipe qui devait transporter au dépôt de Berloz, tout le solde du matériel sur lequel veillait un Marcel que la pluie avait transpercé.

       Ces hommes avaient dû être convoqués d'urgence et parmi eux, se trouvait l'abbé Pirson, l'aumônier en même temps que travailleur bénévole et ardent, malgré la boue, malgré la pluie incessante de la nuit.

       L'avion flambé seul était perdu.

       Des aviateurs étaient déjà sur la route du retour par les voies terrestres.

       Le matériel dormait.

       Et les acteurs se reposaient en attendant d'autres tâches qu'au P. C. on savait imminentes.

CONSEQUENCES.

       La plaine de Viemme avait résisté, mais celle de Waleffes étant proscrite, il devenait impérieux d'en rechercher une autre, dans la même direction...

       Et cependant la région avait été parcourue en tous sens, auparavant, sans succès.

       Chaque secteur était limité ; on ne pouvait choisir un emplacement sur celui des autres...

       Le Commandant se remit en route suivi constamment d'un courrier.

       C'est ainsi que le 1er juin il revenait d'une inspection à Vissoul, Marneffe, Fumal, Lamontzée, et cette fois, en voiturette.

       Jacques le pilotait.

       Il était heureux.

       A Lamontzée, il avait trouvé ce qu'il cherchait.

       Seulement des équipiers de la région devenaient nécessaires par suite de l'éloignement. Il était important qu'ils soient triés parmi les volontaires des lieutenants Cartuyvels et Simon.

       De plus il fallait recherche; tout de suite des dépôts éventuels aux approches de la plaine nouvelle.

       C'était la besogne du lendemain.

       Le 2 juin, très tôt, Georges partait avec Raoul.

       Plein d'espoir, il comptait bien rentrer le soir, en ayant découvert l'endroit propice aux remisages.

2 JUIN 1944.

BONNE NOUVELLE !

       Pendant que Georges recherchait des gîtes, Prosper au P. C. attendait, seul.

       Vers 5 heures 30, une visite fut annoncée.

       C’était un tout jeune homme, qui arrivait en bicyclette, et qui se présentait : « de PIERPONT, fils du Chef d'Etat-Major de la Zone IV ».

       Il apportait un ordre extrêmement urgent.

       Il convenait d'en prendre connaissance, et surtout de le transmettre au plus tôt, au commandant du Secteur, BEAUDUIN ; car la liaison LIEGE-HUY, était momentanément suspendue.

       Ce qui fut fait sur le champ.

       A peine la copie en était-elle terminée, qu'Etienne partait vers HUY, nanti de l'ordre original...

       Mais qu'était-ce ?

       Un ordre que tout chef de l'Armée Secrète attendait depuis longtemps ; c'était la mobilisation des Postes de Commandement qui se prescrivait !

       La première phrase était dans toutes les mémoires de ceux qui peu auparavant, de par leur qualité, en avaient eu connaissance :

       « La MEUSE DESCEND SON COURS Ce 2 JUIN A 24 HEURES ! »

       C'était le message convenu ! Peu importe la suite de l'ordre pour le souvenir.

       A minuit, ce soir même, tous les P. C. devaient donc se trouver dans un état d'alerte spéciale.

       Une phase nouvelle commençait... la « phase A. V... »... et demain...

       Prosper, en attendant le retour de Georges avait convoqué Bernard, son adjoint ; mais l'ami fidèle n'était pas arrivé que le commandant rentra.

       En un instant, il fut mis au courant.

       Bonnes nouvelles !

       Oui, bonnes nouvelles, qui allaient cependant séparer momentanément des amis, car les décisions allaient modifier des habitudes, des accoutumances que de longs mois avaient forgées.

EMIGRATION.

       La mobilisation du P. C. imposait le secret le plus absolu.

       Nul, autant qu'il se pouvait, ne devait connaître le repaire des têtes agissantes.

       Apparemment, il était décidé que le P. C. vivait chez Prosper, alors qu'en réalité, si toutes les informations – réception et transmission d'ordres, devaient aboutir chez cet ami complice, ce dernier n'était qu'un agent centralisateur.

       Il allait masquer ses camarades.

       – GEORGES, deux heures plus : tard, quittait son P. C. avec le lieutenant Renson et ses courriers : Pierre Jamoulle, Valère Stasse, Jacques Beauduin, Freddy Budenaers, Max Sartenaer et A. Snyers.

       Il rejoignait un gîte préparé dans le secret, chez QUIRIN, l'aumônier Lysens, à la cure de Berloz.

       Prosper gardait avec lui, une messagère, Mademoiselle Francinette del Marmol, que pouvait doubler à l'occasion Léon Chabot, ou Aril Pirson.

*

*          *

       Cette mobilisation imposée à tous les chefs, a cette fois rapproché le colonel et le commandant des Marsouins.

       BEAUDUIN, son adjoint LOTHAIRE, et aussi ERNEST (le juge Nepper) s'étaient installés au Château de Radziski à Seraing le Château, dont des sinistrés occupaient certaines pièces.

       Le Commandant FALLAIS des Marsouins était à Jehay.

       Le Groupe NARVAL, le troisième était abrité à Huccorgne.

3 JUIN.

       A 9 heures, GEORGES, BERNARD· et leurs courriers rentrent chez Prosper !

       – « Où allez-vous ? »

       – « Nous venons ici ! » répond Bernard.

       Berloz n'est donc pas calme ?

       – Non !

       Quirin, était l'organisateur du service des pneus, et bicyclettes.

       Or son intermédiaire qui vivait à Grand' Axhe avait été arrêté la veille... et si le bonhomme parlait, Quirin était en danger. Il convenait de s'en écarter.

       Bernard eût désiré se maintenir à l'ancien P. C.

       Georges n'était pas de cet avis.

       Il fallait trouver autre chose et on trouva EUSTACHE !

       « Eustache » l'abbé HERMANS, curé de CELLES, sans hésitation aucune, offrit son presbytère.

       Presbytère qui fut bien vite transformé en véritable Fort Chabrol éventuel, et où furent transportés les postes de T.S. F., les cartes et tout le matériel nécessaire, accumulé au cours des derniers mois à l'ancien P. C.

       Seule une porte dérobée s'ouvrira de temps à autre pour la sortie et la pénétration des courriers qui relient et ravitaillent... les invités d'Eustache.

       Eustache ?

       Prénom choisi par Georges, dans son calendrier de poche, il amenait le sourire car le patron n'en était guère connu.

       Il est vrai que celui de Francine del Marmol était certainement moins liturgique :

       Cette jeune fille, qui avait « chipé » ou vent la fraîcheur de son teint était l'amie de tous. Ses bons et beaux yeux bleus trouvaient tout ; et cycliste éprouvée, elle lançait au soleil ses mèches blondes et souvent rebelles...

       Qui, lui a donné ce surnom que tous les chefs du secteur connaissaient si bien, et qu'elle porta même au Quartier Général de l'Armée Secrète « TROTTINETTE » ?

CHEZ EUSTACHE.

       Le Commandant avec Bernard qui ne devait plus le quitter, avait réparti la besogne entre les jeunes gens qui l'accompagnaient.

       Jacques Beauduin et A. Snyers étaient envoyés à Seraing-le-Château, quelques jours, en subsistance, comme hommes de liaison.

       Max qui comprend l'allemand, Raoul et Étienne soignent les armes, ou vivent, un écouteur de radio à l'oreille.

       Les messages conventionnels ont été établis et la B. B. C. peut les transmettre à tout moment.

       Un parachutage d'hommes pourrait même se produire entre Celles et Borlez et c'est pour cette raison que Joseph Bailly et un ami, établis chez M. Jacques à Borlez passent vingt-quatre heures à surveiller d'une lucarne, la plaine voisine.

       Le Lieutenant Coelmont, quartier maître et Léon Bertrand, chef artificier, devraient même s'installer également au P. C., mais la chose n'était pas possible faute de place.

       Le dortoir est exigu, notamment, et puisque leur résidence actuelle est proche, il est décidé qu'ils resteront chez eux.

       Les premiers jours de l'occupation du nouveau siège de commandement fournissent à Georges et à Bernard l'occasion de revoir ensemble tous les aspects de leur tâche.

       En même temps, dans l'incertitude des ordres à venir ils avaient l'avantage de se trouver près du REFUGE du Groupe prévu à Les Waleffes et non loin de leur principal dépôt d'armement et d'explosif.

       L'endroit était bien choisi, au centre presque de leur secteur, et leur retraite ignorée.

       Seul un nouveau relai de communications avait été créé chez André Beauduin à Waremme.

       Le service des antennes était suffisant, pour les transferts et la réception des ordres ordinaires, et d'autre part à l'intérieur du P. C. les courriers ne perdaient pas une émission radiodiffusée.

       D'heure en heure, nuit et jour ils se relayaient à l'écoute.

       Tous vivaient dans l'attente, et se demandaient qui parlerait le premier ?

       – « Serait-ce Londres ? Serait-ce Beauduin ? »

6 JUIN 1944.

       ... Ce sera Beauduin !

       En effet, le 6 juin 1944 vers 7 heures 30, le colonel transmettait à GEORGES, un document qui disait : « Nous sommes probablement à quelques heures d'événements décisifs. »

       Il y aura lieu de répartir des armes à prélever sur vos dépôts...

       Avant donc que de connaître le débarquement triomphal des troupes alliées en Normandie, qui ne fut diffusé qu'à 9 heures des ordres laissent prévoir cette opération grandiose.

L'ORDRE. C. 4. E-M.

       Cet ordre, dans sa litt. I. rubrique « Transports » prescrivait au Commandant, d'exécuter avant le soir même, une délivrance d'armement en faveur du groupe voisin.

       En outre, ce prélèvement effectué sur les dépôts de Viemme, tout le restant du matériel caché dans cette plaine, devra être rapporté, au bois Beguin, contre le refuge, de façon à se trouver à portée des mains des occupants du « Haricot » si l'ordre de mobilisation générale devait suivre.

       Mais en même temps, l'ennemi venait d'interdire toute circulation des véhicules automobiles à partir de 20 heures.

       En conséquence, toute l'opération prescrite, devait être terminée avant la nuit de juin.

       La première partie, en tout cas, en faveur du groupe du Commandant Fallais devait être exécutée ; Georges pouvant – le  délai fixé étant très court – décider d'un autre moyen de transport, que celui de la traction motorisée...

       Au total, tous les apprêts devaient s'exécuter en plein jour, donc dans l'impossibilité de dissimuler aux vues des gens qui seraient occupés à leurs travaux ruraux, le genre d'exercices auxquels se livraient les hommes d'OTARIE...

       L'équipe de tête, réfléchit, étudie, et commande :

       A 18 heures, Gaston Nélis, Léon Berger, André Beauduin, Joseph Bailly seront à la plaine avec leurs meilleurs volontaires, en armes, prêts au travail.

       Etienne et Raoul, l'arme au poing, à cette heure videront la campagne de tous les usagers, et intimeront à tous les paysans l'ordre de se taire, à peine de mort.

       Bernard gardera le P. C.

       Georges commandera toute l'opération, du début à la fin !

       Au début de l'après-midi, le commandant, Raoul et Etienne, quittaient le P.C. pour se rendre chez Cyprien, à la ferme Chabot de Viemme.

       Le Chef préparait la seconde partie de la mission...

       Il s'entendait avec Cyprien pour que ce dernier vers 22 heures amène à la plaine au moyen de ses chevaux, un chariot sur pneumatiques, silencieux.

       C'est ce dernier qui servirait au transport de nuit vers le bois Beguin, du solde du matériel de Viemme.

PREMIERE OPERATION.

       Vers 18 heures, JACQUES arrivait en voiturette au verger des cerisiers, en y amenant toutes les armes de protection nécessaires.

       Bob et Marcel s'y trouvaient déjà, prêts à ranger les armes à distribuer aux volontaires attendus.

       Ceux-ci arrivaient, l'un après l'autre et voyaient dans la campagne, Etienne et Raoul, faisant refluer vers le village les témoins involontaires...

       Georges surveillait tout !

       L'exhumation commençait aussitôt, et se faisait tellement rapidement, qu'à 20 heures, le transport du Commandant Fallais avait atteint son gîte.

       Pendant l'opération, le groupe avait connu une légère alerte...

       Les uns travaillaient, d'autres hommes veillaient, car si l'ennemi venait, il fallait le surprendre...

       ...et justement, le voici :

       Une cinquantaine de Messerschmitt, renfort assourdissant envoyé en Normandie, arrivaient en rase-mottes, droit sur le groupe au travail.

       L'un d'entre les pilotes allait-il découvrir les préoccupations des travailleurs du sol, virer, et ... ?

       Non, car les avions rasaient des têtes, c'est vrai, mais des têtes d'épis.

       Les hommes de Georges, étaient sous les blés, couchés !

OPERATION IMPREVUE.

       Vers 20 heures, une camionnette surgissait à l'ancien P.C. chez Prosper.

       Rien n'était annoncé !

       En conformité d'un ordre supérieur, le camarade Jules THIRIARD de Huy, venait déposer 450 salopettes de jute, nécessaires pour l'habillement du Groupe tout entier.

       Elles n'étaient pas jolies, ni compliquées, comme l'a dit un officier américain plus tard, à un officier du groupe, « but glorious », mais elles furent glorieuses.

       Elles furent cachées sur le champ dans un recoin avec une provision de vivres pour le Bataillon, et Georges avisé ensuite.

SECONDE OPERATION.

       La nuit était tombée.

       Le transport de Cyprien, chargé attendait le moment du départ vers Waleffes.

       Beaucoup – la plupart – des travailleurs avaient été renvoyés chez eux.

       Raoul est dépêché au Bois Beguin vers des camarades qui attendent, et Etienne renvoyé à Bernard, pour le prévenir des opérations qui vont commencer.

       A 23 heures, la petite troupe se mettait en route.

       Georges n'avait avec lui, pour précéder ou garder le chariot que Cyprien conduisait, qu'un effectif composé de Richard Orban (Omer), Aril Pirson, Léon Bertrand, Charles Mathot et Ramquet, junior.

       Ces deux derniers formant arrière-garde.

       Le projet était simple et prudent.

       Il s'agissait de contourner le village de Viemme par le Sud, à le toucher en un point, aux premières haies qui bordent la route axiale Huy- Waremme ; de traverser celle-ci après l'avoir suivie durant une cinquantaine de mètres, puis, en toute quiétude, de poursuivre un itinéraire qui atteignait le bois Beguin, par des chemins de terre, passant par le nord du village de Borlez.

       Gardé devant, par le commandant, Omer, Pirson et Bertrand, le convoi avançait sans bruit.

       La nuit était calme, silencieuse et douce.

       Elle était sombre aussi.

       A minuit, la route axiale était atteinte, et la marche un instant suspendue, pour un très court repos.

       Vivons maintenant avec la patrouille de tête.

       La halte terminée, elle repart ; les chevaux vont traverser la route qu'éclairent devant eux, le commandant et ses trois hommes.

       Ils atteignent exactement le coin des haies quand un cri perce soudain la nuit : – « Halte ! »...

       Les mitraillettes ont déjà répondu !

       Des bras battent l'air et des feldgendarmes allemands s'effondrent dans le fossé de la route.

       Mais d'autres ennemis répondent et se sauvent...

       Léon Bertrand, mitraillette enrayée, s'est précipité à la tête des chevaux qui se cabrent, effrayés, et il aide Cyprien à faire le demi-tour que le commandant vient d'ordonner.

       – Venez Omer, venez Aril, suivez-moi ! Le chargement est trop précieux, et nous ne savons combien d'ennemis nous avons en face de nous, qui se regroupent sans doute !

LE TROU DE LA CUISINIERE

       Dans cette campagne, au pied du remblai du chemin de fer vicinal, il se trouve une petite fosse que des débris rouillés encombrent.

       Le principal d'entre eux était certainement une ancienne cuisinière hors d'âge.

       Les gas de l'équipe y arrivent vers 2 heures.

       Ecoutez-les, pendant qu'ils dissimulent, du mieux qu'ils peuvent, les armes et les explosifs, sous des seaux et des marmites éventrées.

OU EST OMER ?

       Mais, mon Commandant, dit l'un d'eux : – Où est Omer ?

       – Ne vous tracassez pas pour lui, mes amis, Omer est brave pour deux, et s'il n'est pas ici, puisque je l'avais à genoux à mes côtés, quand j'ai donné l'ordre de retraite, c'est qu'il nous protège, derrière... ou peut-être, puisqu'il connaît peu cette campagne, est-il allé reprendre sa bicyclette cachée.

       Enfin les colis, recouverts de tous les débris, sont cachés, et, prudemment toujours, le convoi pénètre dans le verger des cerisiers pour y abandonner le chariot, que le groupe avait depuis quelques semaines emprunté (sous forme de vol simulé) à M. Lambert d'Oleye.

       Cyprien et Aril cachent dans un aqueduc de la route les attelages principaux et reconduisent les chevaux à leur écurie en rejoignant la ferme par derrière, à travers champs et prairies.

       Mais au P. C. on s'inquiétait.

       Au Bois Beguin aussi.

       Les coups de feu avaient été entendus.

       Max Sartenaer, de garde, avait alerté Bernard qui avec Etienne et Freddy, allait partir en reconnaissance au moment où Raoul, accourant du Bois Beguin, venait pour se joindre à eux.

       – Etes-vous prêts, mes amis ? dit Bernard...

       C'était inutile, car le commandant, à l'instant même, arrivait.

       – Rassurez-vous, camarades, notre transport est sauf, et j'ai crevé la panse d'un boche. Pas de pertes ! Tout va bien.

7 JUIN !

       5 heures !

       Aril Pirson venait prévenir Prosper des incidents de la nuit.

       Il y avait peut-être des privilèges pour le Bourgmestre, mais il y avait surtout la responsabilité.

       Et si l'ennemi subissait des pertes dans un village, le premier citoyen du patelin devait s'apprêter à subir les conséquences de cette responsabilité.

       Mais il avait aussi le droit de réfléchir...

       Aril, mon ami, vous allez immédiatement commander à Cyprien de faire modifier sur-le-champ les fers de ses chevaux ; et je m'occuperai du reste, dit-il.

       Puis, s'étant créé un alibi, il s'en alla sur les lieux du drame qu'une fine pluie arrosait.

       Ne fallait-il pas masquer l'action des camarades et préserver la commune ?

       La première chose qu'il apercevait sur la route, c'étaient des munitions alliées mais surtout allemandes !

       Il les prit et, d'un bout de craie : il traça sur la route asphaltée, des pseudo-signes, destinés à servir à une enquête éventuelle, quand les autorités fridolines viendraient – ce qui ne pouvait tarder.

       Dans le fossé de la route, il y a des traces de sang.

       Alors se pourrait-il que les habitants des maisons proches n'aient rien vu ?

       Et justement, en voici un.

       – Dites-moi, mon brave, que s'est-il passé ? demande-t-il

       Et l'autre répondit...

OMER EST MORT

       – Nous avons, cette nuit, entendu les coups de feu, et peu après, des gendarmes allemands sont venus nous réveiller pour nous obliger à aller rechercher les victimes.

       Ils avaient peur d'y aller seuls.

       – Nous sommes partis, et nous avons relevé dans le fossé, un allemand blessé, et un autre tué.

       Mais, en face, au coin de la haie, effondré à genoux, il y avait un civil.

       Nous avons transporté les morts et le blessé dans la première maison où, une demi-heure après, une camionnette allemande est venue les reprendre. Cette voiture est partie vers Waremme, mais, par après, je crois qu'elle est revenue et qu'elle s'est arrêtée, car j'ai entendu, venant du lieu du combat, des cris allemands...

       Savez-vous, mon ami, qui était le civil ?

       – Oui, sa carte d'identité portait Orban Richard, de Berloz.

       – Où était-il touché ?

       – Il avait été tué d'une balle au front !

       Pauvre Omer, première arrestation du groupe, première victime au combat ! Le temps n'était pas venu de faire des réflexions sur votre sort si noble, mais au contraire de masquer à tous les témoins qui arrivaient, combien le bourgmestre vous était attaché.

       En fait, un autre allemand avait été tué.

       Dans leur désarroi, les fritz l'avaient oublié.

       L'avaient-ils cru caché quelque part, c'est possible, mais la camionnette retournant à Huy, l'avait ramassé à son tour.

       Le Bourgmestre téléphona au poste allemand de Waremme et de Huy, pour manifester sa présence sur les lieux, mais il s'entendit répondre qu'il était impossible qu'il eût ramassé des munitions allemandes sur la route...

       ... On verrait bien cependant.

       A 7 heures, Georges était prévenu par un courrier de la mort d'Omer.

       Mais quelle agitation ensuite...

       A 8 heures, le propriétaire du verger des cerisiers avertissait le Bourgmestre de la découverte du camion qu'il venait de faire.

       Instantanément, le lieutenant Jamar et l'adjudant Maréchal de la Gendarmerie de Waremme en étaient avisés... les précautions se prenaient.

       Peu après arrivait, par hasard, le lieutenant Léopold, qui emportait pour le Groupe la majeure partie des balles prises dans un des chargeurs de la mitraillette d'Omer que les allemands n'avaient pas vue.

ENQUETES !

       Vers 10 heures, arriva une somptueuse voiture, dont sortirent plusieurs officiers allemands, parmi lesquels le chef de la Gestapo, à Liège...

       Deux hommes, carabine au poing, les accompagnaient.

       Et de suite, ils abordèrent à leur façon les raisons qui avaient motivé leur visite...

       – Le bourgmestre devait être au courant de ses responsabilités, lorsque, sur le territoire de sa commune, se produisaient des incidents semblables à ceux de la veille, qui avaient coûté la vie à deux gendarmes allemands et provoqué la mise hors de combat du troisième : « Unfried », le Chef de la feldgendarmerie de Waremme... commencèrent-ils.

       Renfermant encore sa colère, l'officier supérieur voulait savoir ce que le bourgmestre avait cru devoir faire en suite de la rencontre nocturne, et il ajouta, lui-même :

– « Qu'avez-vous fait ? Que savez-vous ? Parlez ! »

       Il était simple de lui répondre que, dès qu'il avait été prévenu, le Bourgmestre, s'étant rendu sur les lieux, avait relevé les traces, ramassé les munitions abandonnées, prévenu la Kreis kommandantur de Huy, la feldgendarmerie de Waremme et maintenu la police locale sur les lieux de la bagarre...

       D'un ton plus élevé, cet officier pensa devoir ajouter qu'il était inutile de prévenir les autorités allemandes, puisqu'elles étaient averties depuis longtemps par leurs hommes.

       Le Bourgmestre répondit qu'il s'en doutait, mais qu'il estimait, en tout état de cause, qu'une enquête devait être faite et donc qu'ayant laissé des traces à la craie, aux endroits où se trouvaient les munitions abandonnées, alliées d'un côté et allemandes de l'autre, il devait s'enquérir auprès des autorités allemandes de l'endroit où ces munitions devaient être portées.

       Mais cette dernière réflexion provoqua l'explosion de la colère du chef allemand.

       – Comment, bourgmestre, vous dites avoir ramassé des munitions et même des munitions allemandes, sur les lieux ; vous dites avoir vous-même laissé les traces à la craie, et cela c'est impossible !

       – Monsieur l'officier, répondit l'interpellé, j'ai le bout de craie dans ma poche et les munitions dans mon bureau !

       ... et la fureur du reître redoubla ...

       Il arpentait la vaste cour, en prononçant des invectives incompréhensibles...

       Derrière certains brise-vue, quelques personnes ne devaient guère être rassurées...

       Le « Mayeur » cependant, très calme, interpellant le second des officiers, lui demanda s'il n'aurait pas dû établir les traces et emporter les munitions ?

       Or, l'autre répondit :

       – Au contraire, monsieur le Bourgmestre, vous avez bien fait et ce n'est plus contre vous qu'il est fâché...

       Qu'y avait-il donc ?

       Contre qui, dès lors, le supérieur allemand s'irritait-il ?

       Il revint et demanda à voir les munitions...

       Mais, cette fois, à la vue des munitions boches, la colère redoubla. La trogne du fridolin s'empourpra pendant qu'il manipulait les cartouches et deux chargeurs...

       Les autres officiers, avec lesquels il s'entretenait, paraissaient cette fois, aussi irrités que lui...

       Et soudain, faisant face au bourgmestre, le Chef germain lui dit :

       « – Monsieur le Bourgmestre, vous avez bien fait votre devoir, j'emporte les munitions et la craie avec moi. Au revoir ! »

       ...? ? ? ? ?...

       Ouf ! ils étaient partis !

       Le mayeur ne comprenait rien...

       Mais, peu après, sept feldgendarmes, sous les ordres du sous-chef allemand de Waremme, un nommé « Max », entrèrent.

       Ils avaient fini leur enquête, commencée beaucoup trop tard.

       Partis du lieu de la rencontre, ils avaient suivi les traces du chariot lourdement chargé, à travers la campagne ; ils étaient passés contre le « trou de la cuisinière », près du dépôt de fortune sur lequel, un instant avant, un tombereau qu'ils suivaient, venait de déverser une masse d'épines, sans l'avoir même remarqué, puis ils avaient trouvé dans le verger des cerisiers, le char abandonné.

       Ayant découvert la « grosse pièce », ils avaient poursuivi leur enquête.

       Ils s'étaient informés du propriétaire du verger.

       Chez ce dernier, constatant qu'il ne possédait aucun char à pneumatiques, ils demandèrent dans quelle ferme ils pouvaient en trouver un.

       Il en existait un dans le village.

       Ils s'y rendirent. Le char était là... mais, ils prirent cependant les empreintes des chevaux...

       De là, ils arrivèrent, eux aussi, chez le mayeur...

       Ils croyaient marquer un point en reprochant au bourgmestre de ne pas avoir signalé, tout de suite, que le propriétaire du verger lui avait fait connaître que le chariot dont s'étaient servis les bandits avait été trouvé.

       – Pardon, Heer Max, la découverte a été portée immédiatement à la connaissance du chef de la gendarmerie belge à Waremme.

       Qui, et comment, quelqu'un aurait-il pu se douter que ce char avait servi aux bandits ? Donc, pour une chose d'apparence banale, il était prescrit d'informer la police belge.

       Max en était pour ses frais... mais le dépôt était déjà sauvé ! Ils ne l'avaient pas trouvé !

       Le dit Max commenta la réponse avec ses sbires.

       Ces individus se regardaient tous d'un air stupide.

       Ils semblaient être étonnés de ce que le chef voulut bien leur traduire la réponse de l'autorité civile.

       Laissant les feldgraus, Max, qui ne trouvait rien d'autre à faire, réclama les munitions que le Bourgmestre possédait...

       Et alors, le mayeur comprit la colère des officiers.

       Il devenait évident que les gens de la Gestapo avaient vu les feldgendarmes sur les lieux du combat.

       Ces derniers, sans nul doute, avaient déclaré être les auteurs des signes faits à la craie, et n'avaient pas parlé des munitions...

       Pour les officiers, deux choses étaient devenues évidentes lorsqu'ils rencontrèrent le Bourgmestre :

       D'abord, les feldgendarmes avaient menti.

       Ensuite, ils avaient la preuve que les mêmes feldgendarmes, la veille au soir, s'étaient enfuis en abandonnant des munitions.

       Aussi, Max s'entendit-il répondre, que les officiers de la Gestapo, venus peu avant, avaient été mis au courant et avaient emporté les munitions comme pièces à conviction.

       Un photographe a réellement manqué, ce matin-là, pour croquer la tête des fridolins.

       Consternés, les policiers l'étaient, et d'ailleurs, Max ne trouva plus que quelques mots à dire : ...

       – « Vous avez remis les munitions, Monsieur le Bourgmestre ? C'est dômmache !

       Le mayeur, cependant, ne les laissa pas partir, sans leur proposer une opération que voici :

       – « Monsieur Max, ne trouvez-vous pas que le chariot ne doit pas rester dans le verger des cerisiers, mais être gardé ici ?

       Et l'autre acquiesça, comme à une idée lumineuse.

       – « Réquisitionnez deux chevaux et faites ainsi, monsieur le Bourgmestre !

       Ce fut tout ! Et si le Groupe n'avait pas perdu ce brave OMER, ce volontaire, ce chef de section que tous aimaient, tué d'une balle aveugle, cette journée du 6 juin n'aurait eu aucune suite douloureuse : le dépôt était sauvé et le chariot lui-même était repris !

       La veine avait souri à l'action du groupe en général.

       N'avait-elle pas assisté un mayeur qui pensait, au cours des visites que derrière un simple mur, à 20 mètres de lui les 450 salopettes de jute dormaient près d'un tas de vivre...

       Mais aussi le calme !

       Et la réflexion restait...

       Il était évident qu'avant que l'ennemi ne se montre à nouveau, puisqu'il venait de quitter, quelques heures s'écouleraient.

       Il était midi.

       On en profita !

       Car une petite carriole de boulanger, close de tous côtés, s'en vint prendre toutes les salopettes et les transporter à Faimes, chez la mère de Prosper.

       Valère Bada et Gérard Delchambre faisaient leur livraison de pains à une heure inaccoutumée.

       L'après-midi, les vivres s'en allaient par le même chemin, mais chez le boulanger, lui-même, cette fois.

       Trottinette partait faire rapport au colonel.

       Cyprien rapportait le succès à Georges.

       C'était tout !

SALON DE COUTURE

       La fête était annoncée, les costumes devaient être prêts !

       Georges ordonna donc que l'on cousît au plus tôt, sur la manche gauche de chaque salopette, les badges alliés reçus lors du dernier parachutage et, sous le badge, un carré formé par des bandes rouges, jaunes, noires verticales.

       Et, le soir du même jour, cette besogne commençait.

       Le commandant cependant demanda que le salon de couture changeât d'emplacement, à cause des suspicions allemandes dont Prosper pouvait être l'objet, et des perquisitions qui auraient pu s'étendre de chez lui, à la propriété de sa mère.

       Le Chef artificier Léon Bertrand (Alfred) s'en vint donc avec un tombereau et une provision de paille, sous laquelle il cacha les salopettes, et il les reconduisit chez lui.

       Mais ce n'était pas encore parfait... il fallait aller vite.

       Aussi Georges décidait-il de prendre chez lui l'entièreté des salopettes et d'établir chez Eustache un atelier où des dames amies, au courant des devoirs d'OTARIE, viendraient terminer la besogne.

       Mmes de Sélys-Longchamps et Renson, Trottinette, Mmes Bertrand, Ledoux, Marie Beauduin et la jeune femme de Raoul, continuèrent et même terminèrent bientôt l'ornementation des « tenues ».

       Puis il fallut trouver un abri pour elles.

CACHETTE

       Un caveau du cimetière de Celles fut adopté pour remiser les uniformes.

       Le propriétaire n'en fut pas prévenu, mais il a accepté les excuses qui lui étaient dues, depuis longtemps.

       Le garde-champêtre de Celles était un brave homme...

       Au fur et à mesure des nécessités, c'étaient toujours les mêmes hommes qui se rendaient à la cachette : Léon Bertrand, et quatre amis : Aril Pirson, Léon Oarbé, Léon Chabot et Emile Masuy.

       Ils trouvaient parfois, dans la visite macabre qui leur était commandée, l'occasion de déguster ensuite une petite goutte d'ersatz-cognac.

       Un jour cependant, une nuit plutôt, alors que le plus grand silence était de rigueur, les amis ne se retinrent pas d'éclater de rire, en entendant la belle voix de Léon Bertrand qui sortait du caveau, en chantonnant cette malheureuse strophe de la Brabançonne qui veut que le Belge soit sorti du tombeau.

       Mais toutes ces besognes ne devaient-elles pas s'effectuer avec enthousiasme, avec gaîté ?

SUSPECTS ?

       Depuis la soirée du 6 juin, Etienne, trop connu à Viemme et à Celles, devait être écarté du P. C.

       Il ne fallait pas que les habitants sachent qu'un des auteurs en armes du balayage de la campagne de Viemme, vivait chez Eustache.

       Chacun le savait du groupe bagarreur.

       Tous avaient pu faire des rapprochements, et les paysans s'y entendent.

       Il fallait qu'Etienne s'en aille, car s'il était aperçu aux environs du presbytère, chacun saurait que près du courrier fidèle vivait le chef.

       Et Etienne le premier s'en alla à Bertrée, chez M. Sény.

       Mais, à quelques jours de là, la rumeur publique témoignait que la maison d'Eustache comptait beaucoup d'occupants... et obligeait évidemment Georges à prendre des précautions.

       Or, justement, un de ces jours, il avait dû se rendre à Landen avec Alfred, pour y faire une reconnaissance.

       Il passa par Bertrée, et chez M. Sény, il vit Etienne et trouva une invitation directe à user de la propriété s'il le voulait...

       Il accepta !

       C'était, certes, cette fois, un endroit éloigné du centre du secteur qu'il commandait ; mais d'une part les environs de Waremme venaient d'être très agités à Viemme et encore à Lamine.

       Ne fallait-il pas craindre des investigations d'agents anonymes de l'ennemi ?

       Hannut, d'autre part, et ses environs, étaient très calmes.

       Enfin, chez Prosper, chez Modeste, il gardait des observateurs très sûrs, et en relations directes avec lui-même tout autant qu'avec le colonel...

       Alors ?

       Il n'y avait pas à hésiter.

       Le commandant décida de quitter Eustache et de rejoindre Bertrée pour y établir son nouveau P. C.

DEMENAGEMENT...

       Il y a un « dit-on » liégeois qui prétend que l'on connaît sa fortune quand on déménage...

       Et Georges avait accumulé chez Eustache bien des choses.

       L'armement de secours était déjà considérable.

       Mais, en outre, il y avait les jeux de cartes militaires, les postes de radio ; des accessoires de parachutage, etc...

       Une nuit, Georges, Bernard, Raoul, Freddy et Max s'en allèrent, quittant à regret un brave curé de campagne, un chic type !

       Les bécanes étaient lourdement gréées, et le matériel principal gênait les conducteurs.

       L'obscurité était complète et, pour comble, dans la difficulté, les voyageurs avaient décidé d'emprunter uniquement les chemins de terre...

       Ils aboutirent, et aux petites heures du matin, ils atteignirent Bertrée, non sans avoir dû traverser des champs de betteraves et d'autres récoltes, à certain moment.

       Le lendemain, en carriole, Cyprien leur apporta le restant des bagages...

BERTREE

       Bertrée, joli nom, joli coin !

       Mais surtout la maison de l'accueil le meilleur.

       Tous ceux qui ont atterri là-bas, même s'ils n'y ont passé que quelques heures, ont suffisamment goûté l'hospitalité la plus parfaite qu'il soit possible de recevoir.

       Serait-ce s'éloigner du sujet, que d'apprendre à quiconque, l'appui donné à tant de patriotes tout au long de cette guerre par les hôtes, du commandant M. et Mme Sény.

       Comment s'étonner, dès lors, quand le commandant disait : nous sommes là chez nous !

       – « Comme chez nous ! »

       Seulement, puisque la quiétude avait rejoint les chefs, il convenait cette fois de prendre les précautions indispensables pour la maintenir.

       Et ce fut fait !

       Raoul, Freddy et Max reçurent l'hospitalité la meilleure, dans la ferme de M. Delange, toute voisine.

       Chez M. Sény, le commandant prit l'allure d'un professeur de mathématiques pour le fils de M. Sény dont Etienne était l'ami, et Bernard reprit ses cours d'histoire en faveur de mademoiselle !

       Le groupe entier était camouflé...

       Puis, quelques jours plus tard, le commandant adopta une mesure qui s'imposait...

JEUNES FILLES

       En France, les combats faisaient rage ; l'ennemi reculait partout, et dans nos contrées, les fouilles commençaient sur une plus grande échelle.

       Fréquemment, des courriers étaient arrêtés et questionnés.

       Les hommes ne trouvaient pas facilement la grâce d'une dispense d'interpellation s'ils étaient rencontrés sur les routes, et c'est pourquoi Georges décida de faire davantage l'emploi des jeunes filles pour les missions...

       Max et Freddy furent mis au repos chez eux.

       Raoul fut abrité à deux pas, chez M. le Docteur Rosmàn, à Blehen, de façon à être atteint facilement, tandis qu'Etienne restait aux côtés du chef.

       A la place des jeunes gens, deux jeunes filles, toutes deux fiancées d'officiers prisonniers, Mesdemoiselles Annie Delange et Nini Hendrickx, vont être mises à l'épreuve...

       Elles ajouteront leur prénom de guerre – celui de leurs fiancés « Emile et Robert » – à celui de Trottinette qui égale Prosper...

       Et d'autres vont suivre : Mémée Beauduin, Rita Maréchal, Vallée, Gladys Budenaers, Eva Wéry, ou encore des dames : Mme Marie Beauduin Sény et Lecloux-Lejeune.

       Demain, la besogne ne leur manquera pas.

       Les liaisons leur seront réservées, et elles prouvèrent qu'on pouvait compter sur elles, totalement !

VACANCES ?

       Non, l'équipe de tête, Georges et Bernard n'était pas en vacances, bien au contraire.

       Elle avait un moment supputé une action plus rapide ; une intervention directe aux côtés des alliés attendus fiévreusement et qu'on espérait voir descendre du ciel par opérations de parachutages...

       Sans doute, des plans avaient-ils été modifiés, car les instructions qui arrivaient journellement laissaient prévoir l'imminence d'ordres de sabotages.

       Or, des messages dont le prononcé devait déclencher le sabotage général de toutes les choses nécessaires aux entreprises de l'ennemi étaient déjà connus des chefs.

       Il fallait donc les préparer, les étudier.

       Et toutes les heures de Georges et de son adjoint étaient consacrées à ce travail.

       Ils allaient, venaient, voyaient, réunissaient leurs subordonnés, et le tout était ébauché, ils faisaient apporter les explosifs indispensables à pied d’œuvre...

       Telles étaient ces vacances !

AUTRES ALERTES

       Gaston NELIS était rentré chez lui.

       Depuis la St-Nicolas tragique, jamais l'ennemi n'était retourné lui rendre visite...

       Pourquoi dès lors ne pas reprendre la vie habituelle ?

       C’est ce qu'il avait fait.

       Joseph, cependant, s'était fait des ennemis.

       Son action dans le maquis, et sans nul doute sa magnifique entreprise de sauvetage du parachutage manqué lors de l'incendie de l’avion visiteur, avaient excité la jalousie ou la haine d'un chef indigne, qui commandait apparemment bien un groupe de patriotes.

       Un soir, des individus en civil se présentèrent chez lui pour le voir.

       Il était absent, heureusement.

       On a eu des raisons de penser qu'il aurait été abattu.

       Très peu après, Prosper échappait, lui aussi.

       Un matin, toute la propriété était cernée.

       Des fridolins de la G.F.P. et des civils, dont le sinistre Pirmolin, guidés jusqu'à son logis par un motocycliste qui n'était autre que ce chef de patriotes, cet AJAX, dont il a été causé, venaient perquisitionner.

       Ils cherchaient une chapelle où des armes étaient cachées.

       Sans doute : Ajax songeait-il à ces armes qui lui avaient échappé à Tourinne...

       Or, dans la propriété, il se trouve une chapelle qui sert également de caveau de famille.

       Bien qu'ils aient négligé Prosper, ce dernier alla les rejoindre au seuil de cette chapelle et les interpella :

       – Que cherchez-vous ?

       – Des armes ! Elles sont là !

       Il ne fut pas difficile au camarade de démontrer aux sbires et à leurs tristes suivants, qu'il était victime d'une dénonciation calomnieuse ; qu'ils se trouvaient en face d'un caveau de famille dont il leur était loisible de visiter l'intérieur...

       Et « gros-jean » comme devant, la bande s'égailla...

       Seulement, il y avait une autre chapelle, à courte distance de là, dont un petit autel dissimulait pas mal de mitraillettes qui, elles aussi, s'en allèrent, dans l'après-midi, trouver un autre gîte.

       Cependant, ce n'était pas tout ; la dénonciation, cette fois, était signée.

       Donc l'auteur allait payer !

       Ajax fut abattu.

       On était quitte ! Celui qui perd, paie !

BRIGADES PUNITIVES

       Oui, Ajax paya !

       Et ses hommes, dont beaucoup d'ailleurs, avaient deviné son attitude double à ce moment, ont compris maintenant pourquoi l'Armée Secrète se méfiait d'eux !

       Il le fallait !

       Mais dans le secteur, des brigades punitives avaient été constituées, dans l'intention de mettre un terme à la vie des gens dont l'activité était nuisible.

       Il est préférable de ne pas citer ici, certaines de leurs actions et de taire des noms qui ne rappellent qu'une bien triste notoriété.

       OTARIE avait sa brigade. Paul Cornet de Fallais la commanda, et il pouvait compter sur le concours absolu de Jef Budenaers, de Nic Muller, un géant hollandais, et du petit Schalembourg pour l'aider.

CARTES D'ETAT-MAJOR

       Souci !

       Le Groupe disposait de cartes, mais le nombre en était absolument insuffisant.

       VICTOR (Père Royackers) découvrit un sous-officier employé en temps de paix au service cartographique de l'armée, et qui vivait comme maquisard dans les environs de Hannut.

       Georges l'adopta.

       Chez le Docteur Rosman, au fond du jardin, se trouvait une maisonnette en bois, ayant servi autrefois aux jeux d'enfants.

       C'est là qu'il installa son laboratoire.

       Les cartes s'ébauchaient au rez-de-chaussée et séchaient au premier !

       Telle fut l'occupation du Docteur « X » !

       ... Monsieur Ickx ! Le directeur de l'Institut cartographique du Groupe.

PREPARATIFS

       On sentait, en cette fin de juin, que les progrès des armées alliées devenaient tels, que l'ennemi aurait un mal énorme à empêcher son front de craquer…

       Le commandant de chaque unité de l'Armée Secrète devait autant terminer les apprêts des sabotages qui pouvaient être ordonnés d'un moment à l'autre, que prévoir l'occupation immédiate du Pays, par des autorités belges qui dirigeraient immédiatement les services intérieurs et réguliers du Pays.

       Or, le Commandant ne fut pas le dernier, au contraire, à se préoccuper de ces questions.

       Il avait dressé tous les plans du sabotage.

       Il avait distribué les rôles.

       Les explosifs prenaient place...

TRANSPORTS D'EXPLOSIFS

       Ce fut la mission dangereuse des courriers masculins, que d'apporter aux endroits désignés les masses de pâte, les détonateurs, les cordons nécessaires aux opérations destructrices.

       Pour eux, il s'agissait d'opérations de jour qu'il fallait réussir à tout prix.

       Echouer, être surpris, c'était la mort dont ils ne rêvaient pas : face à un peloton de feldgraus...

       Ils n'avaient donc qu'une ressource, celle de s'entourer des précautions les plus sérieuses ; d'être armés pour pouvoir se défendre au besoin ; et aussi de s'éclairer mutuellement sur les routes poursuivies...

       Raoul et Etienne inaugurèrent ce service, et pour le faire, ils s'entendirent comme savent le faire de vrais amis.

       Puis d'autres, des Freddy, des Jacques, des Beauduin, des Max, des Masuy les assistèrent, et aussi Cyprien.

       Certain jour, Raoul, précédé d'un camarade, faisait un de ces transports vers Houtain. L'ami s'était trompé de route et seul le porteur d'explosif allait entrer dans le village.

       Cyprien qui venait précisément d'apporter en voiture, dans le patelin, des brancards pour parachutages, rencontra Raoul.

       Ils s'interpellèrent.

       « Le village était à ce moment même occupé par des fritz qui s'occupaient d'une réquisition de chevaux... »

       Firent-ils demi-tour ?

       Non !

       Cyprien prit l'explosif sous son siège et Raoul éclaira la route jusqu'au succès.

       C'étaient des amis !

       Un autre jour, Cyprien et Freddy en voiture, bourrée d'explosifs s'en allaient à Blehen accomplir leur mission.

       Emile Masuy les précédait en éclaireur cycliste avec mission de se passer la main dans le dos, au moindre danger...

       Au carrefour de Termogne à Celles, Emile passe... il voit bien une auto au bord de la route un peu plus loin, mais il n'y a là aucun danger pense-t-il.

       La voiture le suivait à cinquante mètres, quand, en arrivant à hauteur de l'auto il s'aperçoit que trois boches sont derrière elle.

       Il était trop tard pour ébaucher un signe.

       Emile Masuy s'arrêta quelques mètres plus loin, pour prêter main-forte éventuelle aux camarades, mais les fritz ne daignèrent pas même considérer cet innocent attelage...

       Ce fut tant mieux pour eux, car ils auraient été surpris !

       Ces jeunes gens étaient des amis. Ils travaillaient sans cesse comme les doigts d'une même main, celle de Georges !

       Edmond Leburton, qui commandait la compagnie de Waremme et qui connaissait spécialement bien les milieux des P. T. T., avait été chargé d'obtenir des initiés au Service téléphonique régional, un plan d'ensemble de toutes les communications.

       Ces lignes devaient être l'objet de la sollicitude spéciale des maîtres saboteurs.

       C'est grâce à lui que GEORGES fut, à deux reprises, mis au contact d'un grand patriote, Ingénieur des P. T. T. et Chef du service dans la région : « Jean-Pierre » et M. Roos !

       Ces deux réunions furent tenues à Viemme.

       Grâce à cet ingénieur, qu'accompagnait un de ses chefs poseurs, OTARIE obtint un plan général de toutes les lignes.

       Le réseau ne devait plus avoir aucun secret pour le commandant.

       Une multitude de fiches renseignaient les bornes de connections souterraines, les câbles principaux, belges ou boches !

       Mais, en même temps, M. ROOS développait un véritable cours de sabotage.

       Il indiquait les moyens les plus favorables pour la réussite des opérations projetées, et signalait en même temps les endroits les plus propices pour la perfection des coupures...

       Une chose était cependant difficile à réaliser.

       Il fallait que l'interruption durât le plus longtemps possible pour l'ennemi, mais qu'elle fût le plus facilement réparable en un très court délai pour les services des P. T. T., dès l'arrivée attendue des armées alliées...

AUSCULTATlONS

       Les lignes de chemin de fer n'avaient pas échappé aux investigations du commandant et de Bernard.

       Et aussi d'autres, tels Léopold, Alfred, Jean-Pierre et surtout Joseph, redevenu cette fois maquisard pour du bon.

       Il s'était rendu à nouveau dans la région de Hannut, et il donnait une attention toute spéciale à la ligne de rocade Huy-Landen.

       Tous recherchaient les côtés faibles des voies, et tant dans la direction Liège-Bruxelles que sur les bifurcations qui partaient de Landen, ils posaient des jalons...

       Toutes les cabines, les pompes, les aiguillages importants étaient connus...

       ...Seulement, il y avait parfois d'autres personnes qui faisaient une espèce d'auscultation différente...

MECOMPTES D'UN DEPOT

       Des curieux avaient notamment ausculté le dépôt qui s'appelait « celui de la Cuisinière » dans la campagne de Viemme et qui n'était autre que celui qui avait été si heureusement sauvé lors de la bagarre du 6 juin dernier...

       Un matin, Prosper était avisé que la masse des épines déversées sur sa tête avait flambé... et qu'il se trouvait à jour...

       Le soir même, pendant que les armes qu'il renfermait encore prenaient une direction, les explosifs étaient acheminés par Georges et quelques hommes dans une marnière de campagne entre Viemme et Bovenistier.

       Peu après, un homme envoyé en reconnaissance avertissait que les paysans déversaient dans ce trou profond les dépouilles de leurs animaux crevés et les abats clandestins...

       La nuit venue, une équipe au flair éprouvé, Freddy, Vic, Aril, Cyprien et Paul Darbé allaient repêcher les cellules d'explosifs sous les dépouilles et les amenaient dans un bosquet, où ils étaient attendus par Prosper et Etienne, qui avaient creusé les fosses.

       Trois jours après, des gamins jouant dans ce bosquet s'étaient amusés à faire un feu de joie à la place exacte de la cachette, si bien dissimulée cependant...

       Léon Bertrand vint cette fois reprendre le chargement en plein jour. Sous un étalage de gerbes, les cellules prirent place dans le tombereau qui avait servi aux salopettes.

       Combien de fois, des curieux s'efforcèrent-ils de connaître ce qui ne leur regardait pas !

       Combien d'actions furent gênées !

       Mais il n'en résulta jamais d'accidents et un surcroît de prudence fut la seule conséquence des auscultations étrangères.

LIAISONS NOUVELLES

       Les boches rôdaient, cette fois, de plus en plus.

       Des équipes de traîtres à leur solde parcouraient nuit et jour, en auto, les villages, les campagnes.

       Tous cherchaient à surprendre un patriote, un réfractaire, un maquisard qui, s'il avouait, aurait pu donner des indications pour la découverte des éléments principaux des divers groupes de combat pro-alliés...

       La création de relais de communication nouveaux en résulta, et également, la décision de ne plus employer pour ces missions que des jeunes filles.

       C'est ainsi que ces messagères ne pouvaient pas avoir accès au P. C. de Bertrée, mais au relai établi chez M. Mottin, à Hannut.

       S'agissait-il de transférer une communication au colonel, ces messagères devaient alors toucher barre chez le Dr Sohet, à Borlez.

       Si elles étaient filées, chose possible, elles ne dévoilaient pas, inconsciemment d'ailleurs, le repaire des chefs.

       Trottinette et « Souris » (Mlle M.-Th. Dodémont) d'une part, et « Emile » et « Robert », attachées au service du colonel ou de Georges respectivement, unissaient les chefs, sans les voir.

       Viemme restait au centre de la toile avec le poste de Modeste, à Waremme, comme centres d'observations.

« SALOMON A MIS SES GROS SABOTS »

       Tel fut le message que la B. B. C. lança le 6 juillet !

       Il déclenchait automatiquement tous les sabotages dans tous les secteurs.

       C'était pour les bourlingueurs le début d'une ère de plaisir et d'action directe qui s'ouvrait.

       Les plans étaient prêts.

       L'ennemi allait le sentir.

GARE DE WAREMME

       Cette nuit même du 6 au 7 juillet, le commandant avait réuni le long de la route de Waremme à Bettincourt, Edmond Leburton, Léon Berger, Alfred Bertrand, André et Jacques Beauduin, Joseph Bailly, Zénon Dawir, Leduc, Balaes, Rouby, Halin, Leemans, Ramket, Berger A., V. Stasse, Guilliams et d'autres encore, parmi lesquels l'aumônier : abbé Pirson.

       Parmi eux, se trouvait Léon Mélon, auquel était donnée la tâche de s'emparer des sentinelles belges que l'ennemi forçait à veiller sur les lignes de chemin de fer.

       La Mission de la nuit consistait dans le sabotage général de la gare...

       Le Groupe devait atteindre la voie, derrière le cimetière de la ville ; se rendre maître des guetteurs civils, et en longeant la ligne, pénétrer à l'improviste sur le carreau de la station, où la besogne prévue l'attendait...

       Léon Mélon réussissait par surprise à se rendre maître des veilleurs, et ouvrait la route au groupe compact.

       Longeant la voie, les saboteurs arrivèrent à la gare.

       Rampant le long des voies et des bâtiments pour n'éveiller aucune attention, ils atteignirent leurs objectifs.

       Car les objectifs étaient triples et chaque homme dans les trois sections créées pour l'opération connaissait exactement son devoir.

       Exactement au même instant, ainsi que le chef de cet orchestre improvisé le voulait, trois ordres s'exécutaient !

       Le château d’eau sautait !

       Huit aiguillages étaient détruits.

        Tous les freins Westinghouse des voitures en gare étaient sectionnés !

       Le travail magnifique d'une équipe était terminé !

       Pas un Allemand ne se montra.

       La retraite fut sans histoire.

LES LIAISONS TELEPHONIQUES A HANNUT

       Dans la soirée du 6 juin, les messagères et des courriers avaient alerté la région hannutoise.

       La destruction commençait dans ce secteur également.

       A Hannut, Joseph Heusicom, Nivelle et Duchâteau sectionnaient les câbles souterrains Hannut-Landen, Hannut- Waremme et Hannut-Braives.

       A Avernas, Laporte, Noé et Robyns détruisaient la ligne téléphonique reliant le champ d'aviation de Brusthem avec le poste d'observation D. T. C. A. ennemi de Wasseiges, mais comme il leur restait du temps, ils mettaient en boule la liaison Landen-Statte.

       A jeandrain, Georges Denie, Linard, Robert Maurissen, Rosoux, Jacob et Lhonneux, à tour de pinces et de bras, anéantissaient les liaisons allemandes entre leurs centres de Wasseiges et de Hodenge.

       A Wasseiges même, André Garcez d'un côté, Sambon et Delleuze de l'autre, sectionnaient tous les câbles souterrains.

       A Meeffe, André Léonard isolait complètement la centrale ennemie de Wasseiges.

       Toute la région hannutoise était devenue muette !

       C'était la réussite complète d'éléments audacieux qui avaient évité toutes les patrouilles ennemies de surveillance.

ECHO CHEZ LES CAMARADES FLAMANDS

       Les courriers étaient passés chez les amis flamands...

       Ces gars là s'étaient mis immédiatement à l'ouvrage.

       Joseph Kindermands et Accuria dirigeaient les groupes.

       Aux abords mêmes de Saint-Trond, à Gelinden, à Marlinne, à Goyer, les volontaires se distinguaient.

       Ils sciaient des poteaux, coupaient les câbles et abreuvaient d'eau salée les bornes souterraines de connections !

AILLEURS

       Et partout, cette nuit-là, les destructions des liaisons téléphoniques ou télégraphiques se poursuivirent.

       Au nord de Waremme, Moureau, Matagne et Jonckmans bloquaient à Oleye les lignes vers Oreye et Remicourt.

       Waremme était isolé.

       La nuit suivante, la ronde recommençait, le travail s'amplifiait.

       Le boche était là, partout, mais les volontaires ne s'en souciaient guère :

       Robert Petit, Joseph Géradon, Maurice, Etienne Linotte et Legros sectionnaient définitivement le câble Waremme-Huy.

       A Remicourt, Budo et Docquier s'emparaient de la cabine et enlevaient les 327 bobines thermiques du poste.

       A Wasseiges, Léonard et Delleuze développaient les coupures, tandis qu'à Villers-le-Peuplier, Grenier, Dechany et Englebert faisaient le même ouvrage...

       Accuria, de son côté, avait regroupé ses jeunes flamands et pénétré sur la voie de chemin de fer Liège-Bruxelles avec les frères Guilliams, Neven, Missaire et Claes, ils faisaient bégayer toutes les lignes aériennes.

       Le lendemain soir, le lieutenant Simon déclenchait le travail de ses hommes...

       L'appareillage général de la gare de Fallais était détruit.

       A Tourinne, vers Vaux et ailleurs, les communications étaient interrompues...

       Il ne restait plus désormais à faire qu'une besogne d'entretien des sectionnements effectués.

       Les boches aussi étaient isolés.

CHEMINS DE FER

       Le lieutenant Cartuyvels et Grenier avaient fait une première expérience en gare d'Avennes.

       Les aiguillages avaient sauté.

       Quelques crayons de retardement et un peu de pâte explosive avaient fait le bel ouvrage, tandis qu'eux s'étaient fait la main...

       Léon Bertrand, « Alfred », était l'artificier du Groupe.

       Il était invité partout à donner son enseignement de spécialiste, et il n'était heureux que lorsqu'il caressait ses « jouets ».

       Mais il fut bon professeur.

       Ses élèves devinrent fameux...

       Dans chaque groupe du secteur IV, tant chez les Marsouins qu'à Narval, l'ordre du message « Salomon a mis ses gros sabots » fut le point de départ d'une destruction continuelle des moyens d'action ou de communication ennemis.

       Ceux d'Otarie ne firent pas mieux que leurs camarades.

       Chez tous, la formation avait été la même ; le recrutement s'était effectué très tôt. Peu d'hommes avaient été acceptés dans les formations constituées après 1942.

       L'effectif complet avait reçu dans chacune des unités, de la plus importante à l'escouade simple, une formation, un esprit de corps qui partout faisait merveille.

       D'ailleurs, aux confins des limites de chaque Groupe, les chefs des diverses unités se connaissaient ; les hommes étaient des amis éprouvés, et des échanges de conseils avaient lieu entre les dirigeants et les acteurs plus simples, des bataillons différents qui obéissaient tous aux ordres du même chef : BEAUDUIN...

       Chez MARSOUIN, chez NARVAL, des actions magnifiques ont été accomplies, et la relation des faits et gestes d'OTARIE n'est donc que le reflet des opérations de leurs associés dans le succès de cette cause, chère entre toutes : la libération d'une Patrie qui n'avait que trop souffert.

       Tout le secteur HUY-WAREMME fut enveloppé sous le même filet, et ce qui se passait par ci, se renouvelait par là.

       Les boches avaient à faire face partout.

       L'énervement les gagnait et leur impuissance apparaissait davantage chaque jour et ne faisait que renforcer constamment un enthousiasme qui ne demandait qu'à se développer sans cesse chez tous les membres de l'Armée Secrète...

       La destruction des lignes de chemin de fer demandait une étude appliquée.

       Et de multiples agents au service de la Société Nationale ont concouru de multiples façons à instruire les préposés au service de sabotage.

       Un aiguillage, simplement, pouvait être anéanti de plusieurs façons.

       N'y avait-il pas des méthodes spéciales pour le sabotage d'un simple rail, pour provoquer le déraillement d'un train ?

       N'y en avait-il pas de plus rapides et aussi de plus silencieuses les unes que les autres ?

       D'artisans qui n'entendaient rien au métier hier, il fallait aujourd'hui faire de réels experts.

       Et les agents de l'Etat-Belge se révélèrent une fois de plus des auxiliaires précieux.

       Les chefs de gare eux-mêmes, certains du moins, mirent au service des divers groupes, une obligeance courageuse puisqu'ils ont risqué gros en bien des cas...

       Tous ces fonctionnaires des voies furent alors les égaux en dévouement des petits facteurs.

       La plupart n'hésitaient jamais à rendre le service demandé, et même à suggérer des opérations fructueuses, en dépit de la responsabilité qu'ils portaient.

       Toute la documentation recueillie, d'échelon en échelon, atteignait le P.C. où le Commandant et son Adjoint ne cessaient d'apporter tous leurs soins, à l'échafaudage des plans du sabotage, en même temps qu'ils préparaient d'ailleurs celui des guérillas...

       ... Et cela parfois dans une certaine agitation...

MOMENTS AGITES A BERTREE

       C'était un coin charmant que ce patelin.

       Il l'était trop !

       Un Etat-Major allemand lui-même s'en aperçut.

       C'est ainsi qu'un matin, une délégation de fritz s'en vint installer un poste de commandement allemand, dans la maison de M. Sény, exactement contre le P. C. d'OTARIE !

       Les murs, les cloisons, les portes qui séparaient les deux bureaux auraient pu loucher d'angoisse... et cependant :

       Un policier germain pourrait-il jamais imaginer qu'une organisation militaire ennemie aurait le « KULOT » d'élaborer ses plans diaboliques aux côtés immédiats d'un sanctuaire allemand ?

       Naturellement, les hôtes comme les chefs du P. C. du Groupe, avaient certaines appréhensions... on ne voisine pas à ce point sans danger... disaient-ils.

       Mais ils gardaient leur calme.

       Cela était, tant pis, mais cela resta !

       Les deux P. C. travaillaient l'un à côté de l'autre.

       Les messagers se croisaient peut-être dans l'escalier, c'était naturel, donc sans danger...

       Les deux chaînes de rapports parallèles étaient actives, et cela d'autant plus qu'à cette date, un parti comme l'autre avait toutes les raisons imaginables d'être préoccupé.

       Chez l'ennemi, nul n'avait accès évidemment, mais le bureau de Georges ne cachait pas (!) au visiteur attendu, une accumulation de fardes :

       « Instructions pour guérillas.

       « Instructions pour sabotages.

       « Emploi du nouveau matériel… des explosifs.

       « Rapports d'observations sur voies ferrées.

... et d'autres encore :

       Préparation de parachutages attendus.

       Dépôts d'armes... déplacements prévus.

       Liaisons à prévoir ; Répartition du matériel aux unités ; Trésor... Besognes réservées à la gendarmerie... à l'administration civile... Renseignements sur les civils.

EMOTION

       Oui : renseignements sur les civils, coupables ou douteux...

       Bref, une litanie de fardes qui, croyez-le, n'étaient jamais exposées à la vue de quiconque...

       Le visiteur ne remarquait rien, car Bernard avait dans ses attributions la charge de dissimuler le trésor épistolaire du P. C.

       Devant la maison, dans un puisard, un fût accueillait sans trêve, le soir, les rapports, les notes, le travail quotidien qu'Edmond Sény et Etienne emportaient...

       Certain matin, toutefois, madame Sény et Bernard connurent, en raison de cette cachette, une angoisse dont ils se souviendront...

       L'hôtesse, sur les appuis des fenêtres du fumoir, arrosait des plantes vertes, et au même instant, Bernard à l'étage, le front appuyé à la vitre, cherchait dans les jeux de lumière qui jouaient dans les hautes frondaisons du parc, la solution d'un problème... quand ils virent, l'un et l'autre, en même temps, un officier boche au jardin, près du puisard... il lisait attentivement des documents, des notes que ses doigts manipulaient vivement...

       ! ? ! ? ? ! ! ? ? ?

       Avait-il trouvé la documentation d'OTARIE ?

       Il le semblait, tant son agitation était grande.

       L'angoisse des témoins amis ne dura heureusement pas, car le puisard était clos et l'officier étudiait simplement au jardin les notes que des fritz lui apportaient...

       Ouf !

DISTRACTION

       A quelques jours de là, le commandant recevait deux visiteurs à son P. C.

       C'étaient deux officiers belges, qu'un avion allié venait de larguer en parachute quelques jours auparavant.

       Ils apportaient des renseignements.

       Penchés sur la table de travail, ils exposaient, ils commentaient les instructions qu'on leur avait données à Londres...

       L'un parlait davantage, pendant que l'autre manipulait sans cesse sa pompe de bicyclette...

       Il était midi.

       Retenus à déjeuner, ils étaient attablés avec leurs hôtes et les chefs, quand, soudain, l'un d'entre eux, s'excusant, désira sortir un instant...

       Il avait oublié son gonfleur, bourré de documents secrets, sur la table de travail de Georges.

       Imprudence double !

       L'oubli était une faute, l'emploi de la pompe une erreur !

       Les boches connaissaient depuis longtemps toutes les utilisations possibles de cette sorte d'étui.

COUPS DE SABOTS

       Partout, ou presque, des provisions d'explosifs étaient à portée des exécuteurs...

       Dès que l'étude d'un sabotage était terminée, un chef et une équipe de volontaires passaient à l'action.

       Suivons une petite équipe un soir au Bois « Le haut », à Momalle.

       Il pleut, il vente, il fait un temps de chien, un « bon temps pour maquisards »...

       Trois hommes passent à la file en suivant un petit chemin de terre boueux, sans voir les flaques d'eau qu'aucune lune n'éclaire.

       Joseph Stassart conduit deux des siens : Brokart et Dengis près du block de Momalle, le long de la ligne ferrée de Liège à Bruxelles...

       – Pourquoi tantôt un convoi d'Allemagne se retrouvera-t-il déraillé sur les bat-flancs de la voie ?

       – Un peu de pâte, un détonateur, bien disposé par ces trois amis ont interrompu tout le trafic pour 48 heures.

ET APRES

       La ligne est réparée, les trains recommencent leur va et vient.

       Mais une autre équipe l'a prévu et intervient.

       La pluie, la pluie belge est encore de la partie quand Jean Coune, Budo, Ramaeckers, Docquier et Vandersmissen quittent Remicourt et longent d'un pas prudent les haies qui aboutissent à la voie ferrée.

       Ils y arrivent... un homme à droite, un autre à gauche, se détachent, munis chacun d'un simple pistolet, laissant aux trois autres le soin de farcir les rails et les aiguillages à démolir.

       « Pst, venez, mes amis », dit le chef et ils reprennent la route du retour, cette route sur laquelle ils savent bien qu'ils rencontreront bientôt la dernière borne du Devoir.

       Et derrière eux, cinq charges explosives attendent, puis s'endorment jusqu'à ce que le premier train du matin les réveille en sautant !

       ...et c'est fait : les deux aiguillages sous lesquels les charges reposaient ont disparu ; le convoi a déraillé et la ligne est inutilisable.

        – Mais si l’expérience, cette nuit-là, avait échoué ?

       Une autre à la même heure s'élaborait...

       Sur cette même ligne, au même moment, dans le même concert de boue et de pluie.

       L'archet du vent glissait sur les fils téléphoniques au-dessus de deux silhouettes noires, entre les gares de Rosoux et de Niel-Gingelom.

       Deux ombres étaient là, tâtant le ballast, près du pont de Fresin...

       Cinq « bouteilles » et cinq « crayons » étaient enfouis contre le fer du rail.

       Georges, le commandant, et Accuria, allaient provoquer par leur dosage, cinq coupures de la voie...

       Les boches n'ont qu'à mieux surveiller les lignes quand il pleut...

ET AILLEURS...

       Une autre ligne devait être coupée à tout moment pour interrompre la rocade possible de Liège vers Landen par Huy.

       C'était la ligne Statte-Landen.

       Là aussi, le Groupe avait des spécialistes et c'est vers eux ce soir que se portera notre attention.

       La nuit est splendide.

       Une pluie d'étoiles clignotantes illumine tout le ciel, pendant que le lieutenant Cartuyvels, Nélis, Grenier et Robert arrivent près de Wamont, au pied de la voie.

       Eux aussi sont à la joie...

       Eux aussi tâtent avec amour la pâte et les crayons de retard.

       Ils écartent également de chaque côté et sous le rail, les morceaux de ballast qui gênent le placement de la charge.

       Et puis, c'est fait ; c'est fini !

       Il ne reste plus à ces camarades que d'attendre, en s'écartant toutefois.

       Deux heures plus tard, la voie se soulèvera dans un grand bruit d'explosion, et le passage des trains sera interrompu.

       Les chefs de gare, le personnel entier de la Société Nationale, n'ont-ils pas droit de temps à autre à un bon petit chômage, en remerciement pour les égards qu'ils ont fréquemment pour OTARIE ?

BOMBES VOLANTES

       Les saboteurs rêvaient aussi...

       « Coktailisez » l'affection que portaient ces spécialistes aux alliés d'Outre-Manche, de Londres et d'ailleurs, dont ils devinaient la détresse sous les chutes d'avions sans pilote, avec l'intense désir qu'ils avaient de les secourir, et la haine qu'ils portaient au boche, et vous comprendrez pourquoi ces gâs auraient voulu faire sauter un train de « V. 1 »...

       Un informateur du groupe, sous-chef de gare aux Guillemins à Liège se trouvait être le « Renard de Guillemine »...

       Or, M. Renard transmettait d'urgence un matin à Prosper un message qui n'était autre que la copie déchiffrée d'un télégramme officiel allemand, pour l'officier directeur des stations liégeoises....

       Les boches, maintes fois, eurent l'extrême amabilité d'offrir par leur imprudence, des renseignements qui auraient dû dormir sous plis cachetés...

       Ce télégramme, dont la copie a été transmise illico au colonel prévenait le chef allemand de l'arrivée de trois trains de robots : heures des divers passages à la gare des Guillemins et suite de l'itinéraire imposé par Liers, Tongres, Louvain, Hal et Lille, horaires compris.

       Malheureusement les trains évitaient Waremme... cette fois.

       Mais la R. A. F. s'occupa d'eux...

       La liaison existait également vers le haut et ces convois ne dépassèrent même pas Montzen.

       Seulement les adeptes de Salomon auraient voulu avoir l'occasion de réussir eux-mêmes une besogne semblable.

       On prétendait que des trains de robots passaient parfois à Waremme.

       Une quantité importante d'explosifs était nécessaire pour réussir cette opération éventuelle, et on ordonna donc à des dames d'amener à un endroit proche du lieu de sabotage prévu, le matériel nécessaire.

HISTOIRE POUR DAMES

       Ce n'est pas faire injure aux dames que de constater que les fritz avaient un très gros faible pour le sexe faible.

       Qui n'a pas vu leurs yeux d'acier cerclés de lunettes dévisager les passantes ?

       Le boche considérait les dames, mais il ne les approchait que difficilement s'il était simple soldat... aussi Bernard en profita-t-il.

       Bernard avait beaucoup de talent ! Il l'avait prouvé.

       Il était également tellement gentil avec les dames, qu'il aurait, sans peine aucune, collectionné l'enthousiasme d'un régiment de demoiselles... et ce fut lui qui obtint le concours de six dames et jeunes filles pour une mission dangereuse : celle d'un important transport d'explosifs.

       Mesdames Ledoux-Lejeune et Sény-Beauduin, toutes deux cheftaines, vont s'adjoindre respectivement Mlles Beauduin et Gladys Budenaers d'une part, et Paula Paquot et Rita Maréchal de l'autre.

       Elles avaient mission de transporter du dépôt de Borlez à la cabine électrique édifiée contre la route de Borloo, près de la gare de Rosoux, près de cinquante kilos de pâte, des détonateurs et trois cents mètres de mèche...

       Dans la cabine, Accuria les attendra. C'est là que la marchandise sera entreposée...

       Les dames avaient constitué leur ordre de marche : Madame Lecloux devait rejoindre la cabine par Celles, Omal, Darion, Hollogne et Rosoux village ; tandis que Madame Beauduin y arriverait par Hollogne et Berloz. Elles divisaient les risques.

       En outre, un itinéraire étant plus long que l'autre, elles décidaient que le fait n'en était que plus favorable pour éviter que six dames en même temps ne se présentent à une cabine où elles n'avaient d'habitude que faire...

       Quel Apollon à succès se trouverait bien à l'intérieur, pourraient se dire les paysans ?

       Et, par prudence, mieux valait laisser souffler un peu l'Apollon qui s'ennuyait profondément.

       Il attendait tout seul, et bien anxieusement, l'arrivée des messagères.

       Sur la route un incident de pneu permit au groupe « deux » de rejoindre le premier à Rosoux...

       Le groupe « deux » attendit et laissa le premier s'en aller tranquillement à l'auberge d'Accuria.

       Un quart d'heure après, ce second groupe repartit lui aussi vers le terme de la ballade.

       Mais Madame Beauduin en y arrivant, constata que ses amies n'avaient pas terminé leur mission, et poursuivit sa route plus loin, comme à la promenade.

       Elle s'engagea sur la route de Borloo, toute ensoleillée, quand le « psst » d'une compagne lui fit lever la tête...

       Une dizaine de fritz en bicyclettes arrivaient...

       Heureusement que la gent féminine dissimula très bien ses sentiments, car les boches les croisèrent simplement.

       Mais qu'allaient voir ces feldgendarmes à la cabine quelques dizaines de mètres plus loin ?

       Madame Beauduin et ses amies disparurent un instant au delà d'une petite côte proche, puis revinrent observer.

       Près de la cabine, elles ne virent que les fridolins.

       Elles résolurent de cacher dans un champ d'avoine proche, tout leur matériel, et peu après d'observer à nouveau les abords de la centrale minuscule.

       L'émotion les étreignait.

       Elles ne virent plus rien plus rien... personne !

       Et alors se donnant l'air de rien, l'air qui convient, elles revinrent en chantant gentiment près du palais d'Accuria.

       – BENOIT ! cria l'une... (nom de guerre d'Accuria).

       Pas de réponse...

       Mais une vieille femme à deux pas, laissait paître ses vaches.

       Gladys et Rita, l'interpellèrent en flamand : « – N'avez-vous pas vu des boches, et trois jeunes filles ?

       – Certainement, répondit la vieille, les jeunes filles sont reparties et les Allemands qui avaient perdu quelque chose près de la cabine sont allés vers Rosoux...

       Du coup les trois amies bondirent jusqu'à la cachette et grattant du doigt, la porte refermée, elles appelèrent « ACCURIA »... et Apollon répondit.

       Le dieu était là !

       Mais il avait eu chaud, car les boches étaient arrivés à l'instant exact du départ du premier groupe.

       Mieux, certains s'étaient appuyés contre la porte.

       Nul n'avait pensé à ouvrir, heureusement !

       Il avait un bon petit cœur-baromètre le brave Benoit, mais du frais minois des dames à la tête carrée des fritz, il y avait une quantité de degrés d'émotion à franchir...

       Vite les jeunes filles allèrent reprendre leurs provisions de sabotage qu'elles confièrent à Accuria.

       Tout mis en place, Benoit donna aux dames un galant pas de conduite jusqu'à Hasselbrouck où le premier groupe attendait...

LE SABOTAGE DU PONT DE BORLOO

       De la cabine de Rosoux, Accuria et quelques gâs flamands avaient transporté au bois de Goyer, une nuit, tout l'explosif entreposé.

       L'objectif n'était pas tant le pont de Borloo qui surplombait la voie entre Gingelom et Rosoux.

       Non !

       C'est à un train de robots que le commandant et ses hommes voulaient s'adresser...

       La reconnaissance de l'endroit avait été faite par Leburton, Accuria et Jos. Bailly.

       Et non seulement l'emplacement avait été très bien choisi, mais encore Accuria s'était assuré le concours du personnel de la gare de Rosoux et du dispatch du lieu.

       En fait, Georges avait reçu une invitation à ne plus se livrer lui-même personnellement à ces genres d'opérations et, à moins s'exposer eu égard à son rôle de commandant.

       Ses auxiliaires avaient parfaitement accompli toutes les missions préparatoires.

       Il ne restait qu'à entreprendre l'opération.

       Un soir, au bois de Goyer, une équipe d'hommes chuchotait...

       Un instant plus tard, l'un derrière l'autre, ces volontaires apportaient à l'endroit prévu tout le matériel de sabotage...

       Accuria et Leburton guidaient Bertrand, Berger, Jos. Bailly, Leemans, Guillams, Sylvain Snyers, Marcel Missair et une recrue bruxelloise : Georges Bailly.

       – Etait-ce tout ?

       – Non, le commandant, lui-même, suivait.

       Certains trébuchèrent bien quelquefois, dans le noir, sur la piste raboteuse, mais, tout à coup, des ombres apparurent...

       – Ce sont les buissons de la voie, dit Jean-Pierre, nous arrivons !

       Les voies étaient gardées nuit et jour. L'ennemi réquisitionnait les services des riverains, pour la surveillance de la ligne ; mais au lieu d'enlever des sentinelles, cette fois, Leburton et Accuria avaient convenu d'en ajouter deux.

       Il suffisait que ces vigies s'intercalent, et que l'opération s'élabore entre elles deux...

       Ce fut fait !

       Jos. Bailly et Leemans montèrent la garde, eux aussi.

       Pendant ce temps-là, des doigts nerveux ayant repéré le lieu choisi, se saisirent des outils qui allaient creuser la voie le plus silencieusement possible, et aussi une très petite rigole dans laquelle, la connexion faite, on posera le cordeau qui rejoindra le poste de mise à feu, distant de cent cinquante mètres, dans la campagne...

       Et voilà que tout est en place.

       L'arête des rails a été essuyée minutieusement toutes les traces ont disparu.

       Dans leur berceau, les explosifs dorment.

       Le groupe des volontaires s'est retiré au poste de mise à feu, en attendant qu'Accuria, qui s'est rendu au dispatch de Rosoux, revienne annoncer les heures probables de passage des divers trains, et leur nature, de façon à permettre le choix !

       Leburton, Benoit, Bailly et Bertrand doivent faire l'opération.

       Tous espèrent l'annonce d'un de ces trains camouflés qui, dit-on, recèlent des V1...

       Quand Accuria revient, il n'apporte aucune nouvelle réjouissante.

       Tout ce qui est annoncé est banal...

       Et l'aube bientôt arrivera.

       Or l'aube doit être pour Leburton un signal de départ à un rendez-vous ; pour Bertrand, un appel à son bureau de perception de contributions, et pour Berger, un commandement de présence à son école.

       Qui serait libre ?

       Accuria, Georges Bailly et... le commandant !

       La veine n'a pas souri à ces volontaires dont le cœur, la nuit, était rempli d'espoir ; Jean-Pierre, Célestin, Alfred, Jacques durent s'en aller...

       Et aux premières heures du matin, dans le trou de guet d'où la mise à feu est commandée, qui veille ?

       Le Commandant et Georges Bailly !

       Accuria fait une navette prudente entre le dispatch et son chef qu'il informe.

       Les heures passent, comme celles de l'attente, très lentement.

       Pas un convoi intéressant ne survient.

       Le soleil est là, très haut, et bientôt il sera midi.

       – Jusque quand la patience des veilleurs sera-t-elle mise à l'épreuve ?

       – Ils attendront dix-sept heures dans leur trou.

       Accuria a signalé l'arrivée d'un train de mitraille et de minerai.

       Le voici, ce long convoi, et il va mourir !

       Seulement, il y a le machiniste et le chauffeur qui sont des Belges, des cheminots qu'il faut épargner.

       Georges veut qu'ils soient saufs.

       Il a calculé, soyez certains, l'instant de mise à feu...

       Le train arrive, aborde, touche ; la locomotive passe, un wagon ensuite, un second, un troisième et puis PAN !

       Fumée, poussière, des débris qui retombent, bouchent toute vue.

       La tête du convoi est passée, mais le reste ?

       Le reste est là, tordu, broyé, couché dans le ballast contre le pont, informe... comme le commandant le voulait !

       Pas d'ennui, dira tout à l'heure le commandant, qui retrouvera son P. C. et son fidèle Bernard... seul, un de ses pneus a rendu l'âme d'émotion !

       Les boches, eux, allaient en avoir aussi.

       Deux grues durent être amenées et une centaine d'hommes consacrèrent de longs jours de travail à déblayer – provisoirement – cette artère principale.

       Les fritz purent encore crier à tous les vents : « Banditen, Grossen Banditen » !

DE MIEUX EN MIEUX !

       – Les voyageurs pour FUMAL, descendez ! criait le garde-convoi un beau matin !

       – Tout le monde doit descendre ! ordonnait aussi quelqu'un !

       – Allons, plus vite et sans réplique ! faisait un autre en écho...

      Que se passait-il ?

       Deux hommes du Groupe : Gaston Nélis et Armand Grenier, munis chacun d'un pistolet 7.65 voulaient travailler...

       Ils s'étaient munis d'une bonne dose d'audace et avaient repoussé toute pitié pour les voyageurs qui n'étaient pas au terme de leur route.

       Les commentaires allaient bon train ... mais les gars n'en avaient cure, au contraire.

       Le mécanicien était descendu de sa machine, et le chauffeur, qui avait compris la manœuvre projetée, gavait de charbon la chaufferie de la locomotive...

       Nélis et Grenier avaient décidé de lancer le train à toute vitesse sur la voie.

       – Et où ?

       – A Landen, si possible... car les croisements dans cette gare étaient tellement nombreux, qu'en cas de réussite d'un déraillement important, l'enchevêtrement dans cette plaque tournante, sur les lignes vers Bruxelles, Liège, Hasselt, Huy et Ramillies causerait un dommage incalculable à l'ennemi.

       ... Tout est vite prêt ! Les cheminots sont descendus, et le train s'en va...

       Lentement, crescendo, plus vite, le voilà qui disparaît, en emportant avec lui les vœux des deux camarades qui s'éclipsent.

       Le train roule, bien lancé, traînant derrière lui un lourd panache de fumée grasse et noire, accélérant toujours sa vitesse.

       Le personnel des gares franchies n'en revient pas.

      Voici Hannut qui apparaît.

       Le chef de gare, sur le quai, le képi sur les yeux, se grattait l'oreille en entendant un convoi qui ne lui avait pas été annoncé...

       – Qu'est-ce, se dit-il ?

       C'est bien un convoi cependant, car il l'aperçoit, point noir qui approche au bout des deux lignes blanches...

       Le fonctionnaire écarquille les yeux... le train ne ralentit pas, il semble bondir... le voici qui surgit en balayant les voies de toute sa vitesse, devant le chef hébété, et qui disparaît bientôt aux yeux de tout le personnel de la station.

       Tous ces cheminots se regardent... et comprennent !

       Ils n'ont vu personne à bord.

       C'est donc un train fou ... et un coup d'amis.

      A Bertrée, la surprise sera la même pour le personnel de la gare, mais hélas, le rêve des deux amis qui avaient armé le train sans pilote, était près d'être interrompu.

       Une côte, une longue côte se présentait au convoi, et le ralentissait... Nul n'était plus là pour ranimer la chaufferie, et hisser le train à la crête du tout dernier obstacle avant Landen.

       Or, la montée fut la plus forte.

       Le convoi ralentit, puis s'arrêta épuisé... hélas !

      La veine avait souri aux boches.

      Mais la déveine de Nélis et de Grenier valait une victoire.

TOUT SEUL !

      Il y avait beaucoup d'audace chez OTARIE.

      Les Fridolins avaient amené en gare de Waremme une motopompe destinée à pallier aux effets du premier sabotage qui avait anéanti le château d'eau de la station...

       Modeste vint à Bertrée en avertir le commandant !

       C'était un dimanche matin...

       Que répond Georges ?

       – Modeste, retournez de suite à Waremme, priez votre femme de m'apporter, à tel endroit, derrière la propriété de M. Snyers, la pâte et le crayon nécessaires, et j'y serai. Allez !

       Midi, heure de la sieste à la gare...

       Georges s'est trouvé au rendez... vous ; il a pris le nécessaire pour l'opération... il est allé simplement sur la voie, à la motopompe non surveillée, toute fraîche et réjouie.

       Il lui a offert ses friandises, et s'en est allé, simplement !

       Et trente minutes après... la motopompe sautait...

       Les boches aussi... de rage.

       Le commandant, à ce moment, était presque arrivé à son P. C.

       Opération toute naturelle, dira-t-il… après !

EMULATION

       Tous les sabotages ne pourraient être décrits.

       Chacun s'en doute.

       Les volontaires ne se faisaient pas faute de suggérer au P. C. toutes les opérations qui leur paraissaient intéressantes.

       Chacune était attentivement examinée.

       Jour après jour, chacune des informations faisait l'objet des études du commandant et de Bernard.

      Qu'on n'imagine pas que ce travail était uniquement élaboré en chambre, mais au contraire, que la plupart du temps, les chefs devaient se rendre sur les lieux mêmes de la destruction projetée avec tel ou tel auxiliaire.

      Chacun voulait travailler, chacun voulait forcer le boche !

      Parfois l'assistance d'un homme du Groupe était insuffisante, et il fallait se faire un ami d'un homme d'expérience.

       S'agissait-il, comme à Landen, de saborder l'installation d'eau de la gare, qu'il fallait – comme ce fut le cas – recourir à un ancien de la station.

       Mais l'idée poursuivie pouvait alors se trouver modifiée.

       La pompe d'alimentation de toutes les locomotives pourrait être anéantie, c'est exact, ce serait très bien ; mais ne serait-il pas préférable de faire sauter la cabine de signalisation ?

       Ou encore, tel objectif imprévu de prime abord.

       A Landen, un ancien chef garde exposera parfaitement tout l'aspect de cette question.

      Cet exemple se renouvelait fréquemment.

DEMENAGEMENT PARTIEL

       BERNARD dut devenir M. Massillon, domicilié à Bertrée.

       Certaine rumeur avait couru au sujet de la cohabitation au P. C. de deux « Monsieurs », et le lieutenant Renson, par une nouvelle astuce, reçut une identification nouvelle.

       Une maison du village lui fut louée, et sa femme et son tout jeune bébé, le petit Jean-Marie – le plus jeune maquisard du Groupe – vinrent lui tenir compagnie.

       Du coup, les braves gens se turent.

       Le travail n'en continuait pas moins, chacun des deux chefs gardant apparemment ses attitudes professionnelles.

       La bonne langue du paysan n'est jamais aussi muette, que quand le propriétaire est éclairé.

       Dès que le villageois croit savoir, il se tait.

       La question ne l'intéresse plus.

       Si l'inconnu devient un citoyen du village, parce que le secrétaire communal ou le garde-champêtre ont averti l'un ou l'autre personnage, le fait s'ébruite immédiatement.

       Une heure après, toute rumeur s'est calmée.

       A Bertrée, il en fut ainsi.

TOUT LE LONG DE LA MEHAIGNE

       Ne serait-il pas un rapporteur incomplet, celui qui, parmi tant d'actes de sabotages courageux, n'évoquerait pas un exploit qui eut pour théâtre ces jolis coins que sont Fallais, Fumal et Braives ?

       La scène y était belle à souhait au centre des frondaisons qui bordent la Méhaigne.

       Le trafic sur la rocade Landen-Statte est intense.

       L'occasion est propice.

       Des volontaires ne la manquent pas !

       Le lieutenant Cartuyvels, Gaston Nélis, Armand Grenier, Dechany et Joseph Bailly, qui vient de rejoindre définitivement Joseph dans le maquis, se sont réservés la besogne.

       Eugène, un chef de groupe parallèle, avec quelques amis, contribuèrent à la première partie de l'opération.

       Ajoutons, pour être complet, qu'à l'une ou l'autre gare, il s'est trouvé l'un ou l'autre cheminot, M. Lheureux par exemple, pour prêter assistance...

       Voici l'histoire.

       A la gare de Braives, l'équipe, après avoir coupé les voies près de la gare de Fallais, dans une courbe de la ligne, a arrêté un train de voyageurs.

       Une fois de plus, simplement !

       Par hasard, il n'y avait aucun fridolin parmi les voyageurs qui durent descendre et interrompre leur voyage, car le train allait repartir tout seul, sans eux...

       Le mécanicien et le chauffeur ont abandonné leur poste, et le convoi est lancé dans la direction de HUY, de plus en plus rapidement, comme il se doit...

       La bride sur le dos, il se grise de vitesse et sa chevelure de fumée permet un instant d'en suivre la course...

       La liberté de la colonne de voitures sera de courte durée, le piège l'attend.

       L'obstacle se présente, la locomotive le touche, plie les genoux, se couche et s'écrase dans le ballast, alors que la suite des wagons, dans un fracas épouvantable, s'accumule un instant, puis s'effondre dans un nuage de poussières et de débris...

       L'enchevêtrement est parfait.

       Place aux boches maintenant...

       Non, pas aux boches, car les hommes commencent à leur manquer.

       Les Allemands, verts de rage, ont réquisitionné des équipes de civils.

       Les braves gens de l'endroit devront faire la besogne...

       Naturellement, les coupables ne sont jamais loin.

       Ils observent, pendant que les fritz les recherchent à distance bien plus grande.

       Et non seulement, ils suivent les travaux d'aménagement Nélis, Bailly et Cie, mais déjà, ils préparent l'acte second.

       Seulement il faut un peu de mise en scène...

       N'est-il pas nécessaire de protéger l'un ou l'autre cheminot, ou le chef de gare, par un alibi irrésistible soigneusement préparé ?

       C'est pourquoi, parmi le personnel des chemins de fer, un membre ou l'autre a été averti du projet.

       Evidemment ces collaborateurs occasionnels dont le rôle va être passif, sont personnes choisies, et absolument sûres, qui déjà rient sous cape...

       Nélis, Bailly et Valère Stasse préparaient l'opération en prenant des bains de soleil par moments, en interviewant les travailleurs à d'autres...

       Ils voulaient un final magnifique à l'opération de déblaiement.

       Ils savaient qu'une locomotive exécutait constamment des manœuvres à la gare de Fumal, et pourrait leur être utile.

       Pourquoi ne pas la lancer à son tour, à toute vapeur dans les derniers débris, à la veille de la fin des travaux entrepris ?

       C'était possible, donc ce serait fait !

       Oui, cependant ne fallait-il pas voir les à-côtés du projet ?

       N'y avait-il pas un danger pour le chef de gare de Fumal ?

       Et encore pour les hommes au travail ?

       La gare de Fallais avertie ne pouvait-elle commander un aiguillage qui détournerait la locomotive folle vers un butoir ?

       Quelle hypothèse défavorable existait-il encore ?

       Joseph et ses amis ont tout prévu.

       Il est temps d'agir, et ils le font.

       Bailly tiendra en respect le personnel de la gare de Fallais pour empêcher un aiguillage malencontreux, lorsque (pour la forme) la station de Fumal préviendra du départ de la machine.

       Il ordonnera à un membre du personnel d'avertir les travailleurs du danger imminent, et de se retirer de la voie quoique les fritz surveillants puissent penser...

       Et pour s'aider il aura un simple pistolet.

       Nélis et Stasse, sans armes maîtriseront à la gare de Fumal, un récalcitrant s'il s'en trouve.

       Mais ils sauveront les apparences du métier en s'affublant l'un d'un képi de cheminot, l'autre, d'un drapeau signal...

       Jacques est parti et sans aucun doute va atteindre Fallais...

       – Tu es prêt, Raoul ? dit Joseph.

       – Oui, mon vieux répond l'autre...

       – Alors allons-y !

       Et les voilà dans la station de Fumal...

       Puis sur les quais, et enfin près de la locomotive.

       Nul n'a bougé.

       Un ordre est donné, et le chauffeur et le mécanicien descendent : la machine est aux ordres des deux volontaires.

       La voie aussi, le succès est au bout.

       Le monstre démarre et s'en va.

       Un coup de téléphone avertit la gare de Fallais, et c'est M. Lheureux, père d'un jeune belge parachuté et alors prisonnier qui s'en charge...

       A la station de Fallais, le chef est dans son bureau, près du comptable qui « fait la caisse ».

       Ils bavardent quand Jacques entre en coup de vent...

       – Ne bougez pas ! commande-t-il d'une voix ferme appuyée par un signe du pistolet.

       – Un appel téléphonique va vous arriver, et à ce moment vous exécuterez mes ordres !

       Drign... Drign, le voici.

       Jacques sourit... l'affaire va réussir, et il parle :

       – Chef, allez au plus vite avertir les travailleurs de la voie du danger qui les menace s'ils ne se retirent immédiatement de leur travail. Qu'ils montent sur les talus ! C'est plus qu'urgent, allez, et ne faites rien, absolument rien qui puisse détourner de sa course une locomotive qui arrive !

       Cet ordre fut ponctuellement suivi !

       Il était temps...

       Pendant que les sentinelles allemandes, étonnées de la retraite désordonnée du personnel surveillé s'informaient de la raison de cette fuite sans comprendre... la machine libérée, suant, crachant ses feux accourait insensée.

       Elle allait se suicider...

       C'était fait !

       Elle avait embrassé le restant des débris, et pour mourir venait de s'étendre dans le lit de ferrailles rassemblées pendant de longs jours sur les bords de la voie...

       La vapeur s'échappait en sifflant de sa carcasse éventrée.

       Les Fridolins étaient consternés jetant inutilement au vent leurs cris de fureur, pendant que les travailleurs se poussaient du coude et s'envoyaient des œillades entendues.

       Ce fut pour la ligne Landen-Statte le coup de mort, car elle resta fermée à toute circulation jusqu'à la libération.

       Quel bien dire des acteurs, puisque vous avez déjà devancé l'appréciation du narrateur ?

LANDEN

       A la suite de ce sabotage, les auteurs étudiaient un autre projet : celui d'arrêter à Wamont un train en route vers Landen et de l'envoyer ensuite s'écraser à Landen même.

       L'importance de cette plaque tournante des communications vers Liège-Bruxelles, Saint-Trond et Ramilies était telle que sa destruction serait un coup de maître...

       Si l'idée, était bonne il y avait cependant un point qui méritait une réserve d'attention... c'était la population civile, les voyageurs, le personnel qui dans une gare très fréquentée, pourraient se trouver sur les quais au moment de l'irruption du convoi et en pâtir.

       N'existait-il pas un autre moyen de mettre la station à mal, d'interrompre toute la circulation, sans danger aucun pour les Belges ?

       C'est précisément ce qu'avaient étudié GEORGES et BERNARD dans leur P. C. après avoir examiné les lieux et tenu une conférence sur place avec un ancien cheminot.

       Il avait apparu que la destruction de la cabine de signalisations, et de la pompe à eau d'alimentation des convois était absolument réalisable.

       Evidemment, le danger restait grand pour les acteurs du sabotage prévu, mais est-il besoin de le dire quand eux-mêmes ne s'en souciaient jamais ?

       Laporte, Fourrier, Smets et Noë allaient tenter l’opération double...

       Les explosifs nécessaires leur furent apportés dans un endroit proche de la gare par Mademoiselle Mémée Beauduin guidée par Raoul.

       Ils avaient carte blanche pour entreprendre l'affaire.

       Ces volontaires étaient tous des environs et savaient parfaitement toute la discrétion qu'ils devaient apporter à leur projet.

       Ils connaissaient Landen, et surtout parmi sa population les enfiévrés du V. N. V. et autres rexistes.

       Le personnel de la gare leur était coutumier, comme les habitudes de chacun dans la station.

       Restaient les boches de garde, et des services du chemin de fer dont ils avaient pris la mesure.

       Alors ?

       Alors ils décidèrent d'attendre une seule complicité, celle d'une nuit sombre.

       Et c'est cette nuit là, qu'ils illuminèrent brusquement de deux éclairs magnifiques.

       L'un avait foudroyé la cabine.

       L'autre la pompe d'alimentation.

VOYAGES

       A la suite de ces coups de Salomon, les déplacements devenaient impossibles.

       Les Fritz faisaient diligence ; .réquisitionnant tous les travailleurs qu'ils pouvaient trouver pour les réparations.

       Mais les cheminots d'autre part freinaient tant qu'ils le pouvaient l'exécution des travaux commandés.

       Les trains de plus en plus rares hoquetaient, et à tout instant les locomotives s'arrêtaient victimes d'un mal inconnu.

       C'est que le sabotage s'effectuait partout, à tous les échelons.

       La surveillance ennemie redoublait partout, dans les gares, sur les routes, et même dans les campagnes qui la nuit s'éclairaient.

INCENDIES.

       Dans tous les groupes les volontaires avaient en effet pris goût aux feux d'artifice...

       La B. B. C. s'en prenait journellement aux producteurs de lin, de colza, dont l'huile était si précieuse à l'ennemi.

       Aussi, chaque nuit, par ci, puis par là ; subitement de vastes lueurs rouges illuminaient les plaines de Hesbaye.

       Tous ou presque parmi les gars d'OTARIE étaient devenus des spécialistes incendiaires.

       N'allaient-ils même pas jusqu'à disposer les menues gerbes en file, en cercle, de façon à ce que le feu, gagnant de proche en proche, dessinât parfois des figures ravissantes ?

       Ne distrayaient-ils pas les aviateurs de la R. A. F. ?

       L'ennemi tournait en rond.

       Il était là toujours, et souvent douze fritz au moins constituaient les patrouilles...

       Mais qu'étaient douze fritz pour ces bourlingueurs qui n'ignoraient plus un seul passage au travers des mailles du filet ennemi...

       Et comme la flamme de proche en proche, l'assistance s'étendait de groupe en groupe de secteur en secteur.

       C'est le Brabant, c'est Tirlemont qui demande assistance un jour pour recevoir de l'armement.

PARACHUTAGE A BLEHEN.

       Gênés par la surveillance constante de l'aviation ennemie, le long de la ligne Liège-Bruxelles, aux approches de Brusthem et d'Evere, aérodromes importants, et ne pouvant recevoir dans leur secteur un parachutage annoncé, les chefs de Tirlemont de l'A.S. demandent à emprunter une plaine du groupe OTARIE.

       La plus proche pour eux, est celle de Blehen.

       Ils l'adoptent et certaine nuit, ils s'en servent...

       Un soupçon d'inquiétude à la suite de coups de feu échangés la nuit, s'est vite dissipé... et les boches qui ont eu connaissance de l'opération jouée, par après, n'eurent d'autre ressource que de surveiller davantage... mais Qui ?

UNE GRUE

       Bernard, un soir, est de passage chez Prosper.

       Il inspecte l'observatoire, il salue ses amis.

       Simple crochet, car il désire toucher barre à Waremme et rentrer la nuit même à Bertrée...

       Les nouvelles s'épluchent, des bagatelles s'arrangent et puis fini : Bernard s'en va.

       Petites causes, grands effets...

       Quand Bernard arrive à Waremme, Modeste, Célestin, Jacques l'attendent anxieusement, car un train de maquisards prisonniers vient de s'arrêter à Waremme.

       Il faut qu'on libère ces camarades...

       C'était vrai, un sabotage du groupe avait une fois de plus bloqué la ligne à Bleret et une locomotive effondrée interdisait toute la circulation.

       A peine le lieutenant Renson était-il informé qu'un messager venait anéantir le beau projet : le train avait fait demi-tour...

       Seulement un autre courrier accourt.

       Celui-ci annonce l'arrivée d'une grue de dépannage envoyée pour le redressage de la locomotive sabotée.

       Elle doit arriver cette nuit même annonce-t-il, car à la gare le Chef en est avisé.

       Conclusion : Bernard décide de passer la nuit à Waremme, d'attendre, car cette grue doit disparaître.

       Gibier précieux pour l'ennemi, l'est davantage pour OTARIE.

       Les informations futures et relatives à cette proie, devront atteindre le chef chez André Beauduin.

       Le lendemain très tôt, le grand Vic arrive en trombe chez Prosper.

       Un train de maquisards stationne à Waremme, annonce-t-il !

       Le réflexe est le même : rechercher leur délivrance.

       Or Georges est à Bertrée, et Bernard y est retourné.

       Seulement le colonel est à côté, ou presque, dans son P. C. de Seraing-le-Château, Vic, courrier rapide, est dépêché chez ce chef, auquel il appartient lui-même d'apprécier, et s'il le faut d'avertir le commandant du Groupe...

       Et que se passera-t-il ensuite ?

       ... Le colonel lui-même s'en viendra chez Prosper avec son adjoint le Commandant Grégoire et aussi le chef des Marsouins le Commandant Fallais.

       Tout cela est déjà la conséquence d'une nouvelle apportée mais incorrecte.

       Prosper venait de s'en apercevoir.

       Vic était à peine parti que Freddy Budenaers était envoyé à Waremme, pour recueillir des informations précises.

       Le train était bien reparti la veille mais la grue était arrivée.

       Elle était à pied d’œuvre et avait commencé son travail.

       C'était une bonne nouvelle...

       Freddy fut dépêché sur les lieux du travail s'il le pouvait, ou aux approches immédiates.

       Le colonel lui avait ordonné de rapporter au plus tôt certains renseignements quant au nombre de travailleurs allemands et à la rapidité de la restauration...

       Georges avait été convoqué directement par note spéciale à son adresse, à Bertrée.

       Il y avait bien quelques milles d'ici là, mais en attendant les officiers ne chômaient pas.

       Georges arriva vers onze heures.

       Il ignorait tout !

       Une parenthèse d'explication est nécessaire...

       Quand il avait quitté Bertrée, Bernard n'y était pas rentré.

       On apprenait ainsi que le lieutenant Renson, au lieu de rejoindre le P. C. la nuit, avait veillé ailleurs.

       Peu après, un courrier établissait l'usage du temps du lieutenant adjoint.

       Il avait veillé à Waremme et attendu l'annonce de l'arrivée de la grue.

       Rien, plus rien, ne lui avait été communiqué par le personnel de la gare et, dans cette même matinée, il rejoignait le P. C. de Bertrée, qu'il allait trouver vide.

       Les deux chefs empruntant des chemins différents ne s’étaient donc pas croisés.

       Georges connaît le problème. Il est le maître du secteur local.

       Les chefs s'enferment, pendant que des volontaires : Raoul, Freddy, Etienne, Vic, Jef Budeners piaffent d'impatience...

       Attendez ! leur dira-t-on.

       – Qu'auraient-ils appris au P. C. dans la pièce à côté ?

       – Ceci :

       Freddy avait rapporté qu'il n'y avait au travail que quelques allemands, et que l'opération de redressement apparaissait assez rapide.

       D'une part, la destruction de cette grue, la nuit, soit sur place même indépendamment de sa protection, soit par une explosion provoquée lors de son voyage de retour était facile, mais ne serait-elle pas repartie auparavant.

       D'autre part, la mise hors d'état de cette grue, à l'instant même à l'entrée de la ville où elle se trouvait sous le nez des fridolins au travail et de leurs sentinelles et encore des feldgendarmes de Waremme n'était-elle pas une imprudence ?

       La conférence prend fin.

       Georges a décidé de débusquer et d'anéantir la pièce, là où elle est, maintenant...

       L'accompagneront : Raoul, Freddy, Jet Schalembourg, Aril, Pirson et Emile Masuy.

       Ils iront prendre les explosifs nécessaires à Faimes, chez Bertrand qui est blessé.

       Le colonel les suivra avec Etienne.

       Car le colonel voulait en être, et avait pris rendez-vous à 150 mètres du passage à niveau à cheval sur le chemin de terre qui prolonge la chaussée romaine de St-Eloi vers le sud...

       Les fritz, eux, avait leur P. C. à la station de Waremme même.

       – Voulons-nous voir ce qui s'y passe, à ce même moment ?

       Ils laissent toujours une porte ouverte, les Kamarades, et l'écoute est aisée...

       Précisément un feldwebel dont la splendeur anatomique a peine à rester enclose dans son bourgeron de travail, parle au téléphone.

       Il voudrait bien fêter la chute de Paris, que la radio vient d'annoncer.

       Défaitiste sans doute, pensant à sa grosse nounou qui l'attend au milieu d'une troupe de petits fridolins, il voudrait tirer sa Karotte...

       Il expose aux officiers allemands du commandement central des chemins de fer à Hasselt, que cette grue est faible, et que la besogne ne pourra être accomplie dans le temps voulu...

       Hélas, à Hasselt on ne l'entend pas de cette oreille : des officiers vont être dépêchés à Waremme, pour surveiller...

       Le colonel est au rendez-vous, avec Etienne, camouflés...

       Personne n'est en vue, si ce n'est évidemment le groupe des travailleurs que des cris et des coups sourds décèlent.

       Au travers du passage à niveau, sur la voie, il y a une voiture.

       Les amis sont invisibles.

       Le chef attend.

       Sans doute, pense Beauduin, sont-ils de l'autre côté de la voie, et attendent-ils que cette voiture s'en aille ?

       A 17  h. 30, le colonel, lassé, quitte les lieux.

       Il imagine que Georges aura eu des raisons de modifier ses plans et il s'en revient...

       Chez Prosper, on s'inquiétait, ainsi que le font toujours ceux qui ne sont pas du voyage...

       Lothaire n'en revenait pas de voir l'acharnement avec lequel Georges s'en était pris à une vulgaire grue, et le commandant Fallais voulait absolument aller à la recherche des informations.

       – Cette affaire devrait être terminée et les copains devraient être revenus...

       Voire !

       Car voici le colonel qui rentre et avec lui André Beauduin qui apporte les nouvelles de l'expédition...

       Georges a différé le moment de l'attaque.

       Il a vu la voiture au passage à niveau.

       Il a compté les boches au travail ; ils sont nombreux !

       Il s'est rendu chez Raoul, avec ses hommes et là, il décidera.

       A 19 heures, le colonel et ses adjoints étaient rentrés chez eux.

       Prosper s'inquiétait un peu.

       Il était sans liaison aucune avec Georges, sans nouvelles, avec la certitude toutefois que le commandant ne lâcherait pas sa proie.

       Etienne et Modeste, alertés, ne rentraient pas...

       Il était près de vingt-et-une heures quand Georges lui-même arriva, tout seul.

       – J'ai échoué, Prosper, et j'ai un blessé : Freddy, les autres sont saufs, dit-il…

       Etait-ce un échec ? Voici le récit de l'affaire : jugez !

       Vers 19 heures, en plein jour donc, l'équipe a quitté la maison de Raoul.

       Elle arrive au passage à niveau, la voiture est là, mais chacun connaît son rôle...

       Vic et Emile, pistolet au poing, surgissent devant les chauffeurs qui attendent... Ils sont faits prisonniers. Emile, d'une poigne solide, tord le carburateur de l'auto et arrache les fils des bougies.

       Toute poursuite éventuelle est devenue impossible… en cas de retraite forcée.

       Le restant de la petite troupe se divise, l'une à droite, l'autre à gauche des buissons qui bordent la voie et les deux fractions s'approchent pas à pas de la grue.

       Le commandant porte une partie de la pâte et Raoul le restant.

       Les boches sont au travail ; les officiers surveillent.

       Freddy est en flèche et va les atteindre...

       Il dégringole du remblai, la mitraillette prête et il tire... mais zut ! sa pièce est bloquée.

       Il se jette derrière un wagon pour se protéger pendant l'éjection de la cartouche mauvaise, et réapparaît pour reprendre son tir.

       Les boches l'ont vu. Les officiers tirent.

       Les gars de Georges, Aril, Jef et Schalembourg n'ont pas attendu.

       Eux aussi ont fait feu.

       Des bras se lèvent, pendant que Georges commande aux ennemis de se rendre.

       Les fritz obéissent.

       Trois d'entre eux sont par terre, et Georges, la main sur la grue, sans aucune arme, regarde calmement, la troupe nazie stupéfaite...

       – Pour la mise à feu, Raoul passez-moi votre colis !

       Pas de réponse. Raoul est absent, Raoul est parti.

       – Où est Raoul ? demande-t-il.

       – En arrière, mon commandant, avec Freddy qui est blessé... répond Schalembourg, qui ne sait pas que le paquet de Raoul est à ses pieds parce que Raoul l'a posé devant Jef et que dans l'action ils ont changé de place...

       L'opération prévue est devenue impossible.

       L'alerte est donnée. Les coups de feu se sont entendus au loin...

       Du renfort allemand peut survenir de Waremme, tout contre, à mille pas d'ici à peine.

       Tous les boches sont là, prisonniers, sans armes maintenant et il faut les abandonner...

       Venez, mes braves, commande alors le chef, retirons-nous.

       Au passage à niveau, Emile et Vic les attendent...

       – Où est mon blessé ? questionne Georges.

       – Il est parti en bicyclette, soutenu par Raoul, vers Bovenistier, par ce chemin de terre...

       – Merci ! Rentrez immédiatement, je vais, moi, à la recherche de Freddy.

       Le commandant n'a pas trouvé Freddy.

       Il est revenu chez Prosper, croyant y revoir son malade.

       Il veut des nouvelles de son blessé.

       Etienne et Cyprien vont partir... ils s'en vont.

       Le commandant change de vêtements, d'allure (prudence) et s'en retourne à Bertrée.

       Toute la feldgendarmerie s'était ébranlée, à l'écoute des coups de feu, et se répandait partout à la recherche des assaillants.

       Cyprien et Etienne passeront à Bovenistier entre leurs gouttes, mais trois maquisards s'y feront prendre...

       La nuit passe.

       Le matin, tout se sait...

       Freddy et Raoul ont fait un crochet par Bovenistier ; ils sont ensuite allés chez Bertrand, à Faimes.

       Le blessé était épuisé par le sang perdu. Une balle avait traversé la cuisse, une autre avait traversé une épaule, longé la poitrine et pénétré dans l'autre épaule où elle était logée.

       Il fallait un médecin.

       On n'en trouvait pas.

       Heureusement André Beauduin, alerté, en obtint un, et Freddy pansé, n'eut plus qu'à attendre le transport prévu, pour l'écarter de lieux trop proches...

       Il arriva la nuit à Blehen, chez le Dr Rosman où des amis d'Eugène réussirent à l'amener, après deux pannes d'auto malencontreuses, à Ligney et à Celles...

       Blessé comme il l'était, on a pu juger du courage d'un homme qui a su faire 4 kilomètres à vélo pour se soustraire à l'ennemi.

       Raoul n'avait pas voulu laisser son camarade partir seul.

       Surpris, sans pouvoir se défendre, son compte aurait été bon, disait-il ;

       On connut même l'histoire des boches, dont deux trépassèrent des suites de leurs blessures... 

       Et le troisième ?

       Le troisième était précisément le gras feldwebel, qu'une balle dans l'arrière-train avait cloué au sol.

       Sans doute, à la faveur d'un congé de convalescence, aura-t-il revu plus tôt qu'il ne pensait sa gretchen rebondie, mais qu'aura-t-il fait pour lui exposer comment, au cours d'une action héroïque, une balle avait pu l'atteindre au bas du dos ?

       ........ ?

       Cette action, difficile et audacieuse, ne pouvait réussir que par la volonté d'hommes aux nerfs solides.

       L'échec ne les atteignait pas dans leur valeur.

       Seule, une circonstance malheureuse, un enrayage si fréquent d'ailleurs aux mitraillettes dont disposaient les volontaires fut la cause de cette non réussite.

       C'est de la défectuosité de l'arme qu'il faut surtout se souvenir, car d'autres, beaucoup d'autres à la place des hommes qui prirent part à l'action auraient montré le même cran, la même ardeur.

       Ces gars d'OTARIE étaient pétris depuis longtemps par des mains qui savaient former des soldats.

       Si ceux qui ont été nommés ont eu leur place au combat, c'est parce qu'ils étaient les plus proches du chef qui en avait besoin, car sinon, son choix eût été plus vaste, mais à quels que noms qu'il se soit arrêté en ce cas, il aurait obtenu de tous le même concours et le même courage.

       N'y avait-il pas deux, trois, et même déjà quatre ans, que tous ces soldats vivaient du même idéal ?

       N'entendaient-ils pas rivaliser tous en courage et en abnégation ?

       On en entendait souvent qui disaient : « tel et tel ont toujours la chance »...

       Mais en cela, il n'y avait pas de reproche.

       Ils savaient ne pouvoir être tous à l'honneur.

       Ceux-ci étaient libres, d'autres ne l'étaient pas.

       Combien de ces hommes ne disposaient que des nuits pour servir, puisque pendant le jour, il gagnait le pain des leurs.

       La plupart étaient des enfants d'un peuple – le nôtre – dont on peut tout obtenir quand on sait parler à ce qui le caractérise : un cœur bon et droit !

       De combien d'entre ces jeunes gens valeureux pourrait-on parler en citant des faits, des actions magnifiques ?

       Ne devrait-on pas narrer les opérations, entreprises souvent par des chefs simples, avec leurs hommes ?

       Il le faudrait, mais, hélas, il n'y a pour aider la mémoire d'un homme que les notes.

       Beaucoup de notes auraient pu vivre, mais elles étaient proscrites, et une alerte au P. C. à Bertrée commanda l'incendie des rapports qui, là, étaient entretenus forcément.

       Ne retenez pas les noms de ceux dont il est parlé, car tous, tous ceux qui sont portés dans l'ordre de Bataille qui termine cet ouvrage bien pâle, valaient les favorisés.

       Tous méprisaient la citation. Chacun d'eux ne cherchait qu'une seule chose, un geste : le regard satisfait de son chef.

       Tous jouissaient de la confiance de leurs officiers, qu'ils avaient totalement.

       Ces officiers savaient pouvoir compter sur tous.

       Et eux, sur leurs chefs !

       OTARIE n'était plus seulement un groupe, c'était une famille.

       Une famille serrée, unie, qui n'a qu'un seul but :

       « Faire son devoir ! »

       Ces jeunes gens n'étaient pas des cerveaux brûlés, qu'il fallait gronder à tout instant.

Ils n'étaient pas attirés par un intérêt quelconque...

       Lequel aurait-il pu être ?

       Voyaient-ils cependant assez de gens qui ne se souciaient que de l'avantage matériel que la difficulté et la nécessité impérieuse des autres leur procuraient...

       Qu'ils méprisaient ces affameurs publics ces profiteurs nombreux qui écumaient le pays...

       Non, ces volontaires simples, droits, ardents, ne voyaient que la route, la route pénible où le devoir chemine, et au bout de laquelle, quand ils l'atteindront, il leur sera peut-être dit : « Merci ! »

       Ils ne demandaient rien, même pas cela.

       Ils voulaient vaincre et chasser le boche.  

       Ils voulaient retrouver le bonheur d'autrefois, la vie paisible dans une atmosphère de calme et de travail pour tous.

       Mais ce but, l'atteindraient-ils tous ?

       N'yen avait-il pas parmi eux qui portaient sur leur dos la petite croix qui abriterait leur dernier sommeil s'ils devaient tomber ?

       La guerre, un combat, une escarmouche tuent si vite un brave.

       Qu'importe... il n'y avait pas de croisée des chemins pour ces volontaires.

       La route était droite, et c'est donc de l'avant qu'ils allaient sans cesse avec leurs chefs, unis et amis.

       On a dit que le commandant avait bénéficié de la chance d'avoir eu sous ses ordres des combattants véritables.

       Ce ne fut pas une question de veine.

       Georges avait les hommes qu'il méritait.

       Une unité vaut son commandement.

       Les hommes ont toujours répondu à l'exemple, et nul n'est entraîné que par un entraîneur.

       L'armée de 1940 avait les hommes. Elle en avait en tout cas bien assez qui étaient faits à l'image de ceux d'OTARIE.

       – Y a-t-il eu des défauts dans le commandement ?

       – C'est possible, mais d'autres éléments de puissances mécaniques surtout, ont dominé la force de cette armée.

       Sans cette assistance de l'acier boche, l'allemand n'aurait pu vaincre des gâs comme ceux-ci qui ne savaient pas reculer.

       Ils voulaient bien mourir, mais ils n'admettaient plus de céder.

DES AVIONS

       « Le ciel est pur, la route est large »...

       La B. B. C. lançait à tous les échos l'annonce de l'avance alliée et les avions de chasse amis commençaient à ne plus quitter un azur qui leur appartenait.

       Zébrant le fond du ciel de traînées blanches, des escadres de bombardiers voguaient vers l'Est pour y accomplir leur œuvre destructrice.

       Mais voilà qu'apparurent, en nombre toujours plus grand, les chasseurs minuscules, lestes et rapides, qui recherchaient l'ennemi invisible.

       Vinrent enfin les bombardiers moyens dont les yeux fouillaient le sol pour y découvrir l'adversaire, et les colonnes qui reculaient par ci, par là, en ordre encore...

       L'inquiétude gagne l'ennemi...

       Il redouble de surveillance.

       Le boche sait qu'une organisation militaire d'importance vit dans son dos.

       Il sait qu'elle se nourrit d'ordres, que la B. B. C. lui parle constamment.

       Il entend les « allo Pierre ! » et les appels modulés de l'air : « Sur le Pont d'Avignon ».

       Il veut comprendre et il cherche à surprendre.

       Sa férocité elle-même parvient à augmenter, mais si un renseignement a pu être obtenu ailleurs, ici il ne connaîtra rien.

       Les avions passent et repassent.

       Les hommes s'énervent.

       – « N'est-ce pas le moment d'agir » ?

       Non, disent les chefs, soyez calmes et attendez !

       A Waremme, on signale des spécialistes de la Gestapo, qui ont enfin obtenu la prédominance sur la Ceheimfeldpolizei qu'elle voulait depuis si longtemps et par là, le droit de commander à toutes les feldgendarmeries...

       Peine perdue ; les fritz tourneront davantage en rond.

       A la barbe des pandores à bavettes, les nez continuent à se lever, car les avions tournent sans cesse.

       L'ennemi enrage. Sa presse aussi :

       « Voyez les bombardements de vos amis terroristes », dame-t-elle, voyez vos morts, vos blessés et vos ruines...

       Qu'importe ! Le public ne vit-il pas en première ligne ?

       Ne faisaient-ils pas la guerre aux civils en 1940, les fridolins ?

       Vieillards, femmes et gosses, ne leur servaient-ils pas de cibles aux moralistes de 1944 ?

       Peut-être s'agira-t-il de passer dans le feu feldgraux, pour recevoir ceux qui, depuis longtemps, poursuivent la victoire, mais on y passera s'il le faut !

BOMBARDEMENT DE WAREMME

       Bientôt un événement douloureux vint assombrir le groupe tout entier.

       Une erreur de bombardiers moyens alliés en fut la cause.

       Depuis quelques jours, des avions rapides « Thunderbolt », « Mustang» ou autres « Spitfire » mitraillaient sur les routes des voitures et des camions allemands.

       Parfois, – pourquoi – ils s'en prenaient à des véhicules civils.

       Du dessus, l'erreur était possible.

       Les trains rares qui circulaient étaient l’objet de tels égards de la part des mitrailleurs du ciel, qu'aucun des convois ne résistait à l'adresse des assaillants.

       Puis ce fut le tour des « Lightnings » – avions à queue double – qui égayèrent le ciel.

       Qui ne se souvient de ces appareils ?

       Leur blancheur qui miroitait dans le soleil étincelant au cours de leurs courbes gracieuses, réjouissait tous les regards amis...

       Hélas !

       Une escadrille de ces avions entreprit le bombardement de la gare ou d'un pont tout proche, à Waremme.

       Des civils furent les seules victimes, les objectifs restèrent intacts.

       Les ruines accumulées n'étaient que celles de paisibles maisons.

       La vitesse d'un avion, l'altitude, le vent sont autant de facteurs qu'un bombardier doit mesurer en fonction du poids des bombes qu'il va larguer, et l'erreur est possible.

       Disons qu'elle est fatale.

       Le notaire Sény, qui fut toujours si secourable à l'A. S., rendu aujourd'hui à la santé, connut dans l'effondrement d'un immeuble la plus grande chance, à côté de quatre victimes...

       Mais OTARIE perdit, à cette occasion, le plus gai peut-être de ses jeunes chefs : Léon BERGER, l'audacieux « CELESTIN ».

       Il venait précisément de recevoir un ordre d'organisation de transport...

       Il allait chercher des courriers féminins : Mariette Vallée, notamment, quand les Lightnings apparurent.

       – Que s'est-il passé ?

       Sans doute s'est-il arrêté et a-t-il regardé ses amis de l'air, la bouche toute ouverte, dans un grand sourire.

       Peut-être aura-t-il lancé un mot drôle, dans sa joie ; ou aura-t-il même levé les bras dans un geste d'accueil ?...

       C'est une bombe qui lui a répondu !

       Le déplacement d'air le projeta, tête en avant, contre la pierre du Monument aux Morts et provoqua la fracture du crâne...

       C'est en regardant la Liberté que ce brave entre tous est mort, et pour mourir son premier appui fut le Monument du Souvenir dressé en mémoire de ceux qui en 1914-1918 étaient tombés pour que leurs compatriotes vivent !

       Léon Berger, portait sa croix sur ses épaules et ses amis ne voulaient pas la voir.

       Ils espéraient le sauver ; ils voulaient garder cet ami si cher, cet exemple de valeur et de dévouement.

       On fit tout ! Médecins, infirmières se multiplièrent, mais ce fut peine inutile.

       Ce jeune instituteur, si digne d'exposer aux enfants ce qu'était le devoir, ne put résister à l'affreuse blessure.

       N'est-ce pas des leçons de jeunes maîtres semblables que nos enfants devraient profiter ?

       Mais hélas, ne faut-il pas des morts glorieuses pour souligner l'exemple ?

UNION

       GE0RGES venait à ce moment de réunir sous sa seule autorité les pouvoirs d'administration civile et de police.

       Le commandant de Gendarmerie Lurkin qu'il avait rencontré chez Prosper avait enjoint au commandant de District H. JAMAR de Waremme et à l'adjudant Maréchal, commandant de la brigade de gendarmerie de Waremme de se placer sous les ordres du commandant d'OTARIE.

       En même temps ces dispositions s'étendaient aux brigades environnantes, qui entraient également dans l'effectif du Groupe.

       D'autre part, M. Doyen ancien Commissaire d'arrondissement à Waremme, que l'ennemi avait fait révoquer comme gouverneur ff. de la Province avait été interrogé au sujet des dispositions qui pouvaient être prises, pour que dès la délivrance toute l'organisation et l'administration civile soient sous la juridiction de Georges.

       M. PURNODE, chef de bureau, pressenti, accepta aussitôt d'assister le commandant de tout son pouvoir.

       C'était l'union se tous les services... une application en clandestinité, d'une mobilisation nouvelle.

       Mais aussi, pour les chefs précités, c'était la disparition d'un souci relatif à l'attitude à prendre, dès l'arrivée des forces alliées de secours.

       Ces hommes : JAMAR, PURNODE, MARECHAL, HARDY commissaire de police de Waremme, étaient connus du commandement.

       Depuis longtemps leur attitude noble, courageuse, ne permettait aucun doute sur la façon dont ils répondraient à une invitation d'entente, mais cette fois, associés au même effort sous la même volonté coordinatrice, ils surent qu'ils allaient pouvoir répondre, comme ils souhaitaient le faire à tout ce qui leur serait demandé.

SEPTEMBRE 1944.

Le premier septembre des troupes allemandes, des « S. S. » notamment se regroupent dans toutes nos régions.

       Les forces alliées ne sont pas encore tout près, aussi peut-on prévoir que l'ennemi lançant de nouveau vers l’avant des unités réorganisées, va résister.

       Des convois de tous genres essaient de circuler...

       Mais les avions veillent et à tout moment le trafic allemand est bousculé...

       Les fridolins jouent...

       Comment peuvent-ils jouer?

       Ils vont de cachette en cachette dans le sens qui leur a été prescrit. Ils s'abritent parfois sous des frondaisons, ou cachent leurs véhicules camouflés (?) de branchages qu'ils ramènent Dieu sait d'où, contre les pignons, sous les arbres des routes, puis, l'escadrille de chasse passée, ils reprennent la route jusqu'au prochain danger... mais alors malheur à eux si la cachette est occupée.

       Ne renouvellent-ils pas le jeu du « chat perché » ?

       Quel juste retour des choses...

       Mais 1944 était à l'opposé de 1940 et la terreur des fritz réjouissait les témoins de leurs déambulations.

       Et voici le 2 septembre !

       Et aussi la B.B.C. écoutée nuit et jour d'ailleurs sur les ondes proscrites.

       Voici surtout le grand message :

       « Mettez en CAGE ... OTARIE ... je dis ... OTARIE» !

       « Mettez en cage… OTARIE » ! était l'ordre d'occupation du REFUGE.

       C'était cette fois la mobilisation des forces entières du Groupe...

       C'était le déclanchement immédiat des ordres qui de la tête retombaient sur les chefs inférieurs pour atteindre tous les volontaires.

       Toutes les abeilles étaient convoquées à la ruche.

       Et la ruche devait vivre à Les Waleffes, soit dans la ferme de M. et Mme Beguin soit au château de M. de Potesta.

       Une section ne fut pas appelée.

       Le bataillon manquait d'armes, non pas qu'il n'en eût point reçu suffisamment, mais il avait été appelé à en fournir à d'autres groupes moins favorisés.

       Il lui avait été promis que d'autres parachutages combleraient le déficit, toutefois, ces transports ne vinrent pas.

       Sans doute, l'ardeur de la lutte, les nécessités du combat poursuivi et du ravitaillement constant des troupes alliées qui progressaient vite, commandaient-elles aux Etats-Majors l'emploi de tous les appareils disponibles pour des fins pressantes.

       Aussi y eut-il des désillusions profondes chez certains volontaires, dès qu'ils apprirent que leurs camarades étaient partis... mais où ?

       Ils l'ignoraient... et ne le surent que le jour où leur tour vint.

       Quant aux autres, les veinards, – et il n'y eût aucune défection qui ne fut motivée, – ils accoururent tous au premier appel.

       Et cependant ne leur fallut-il pas s'arracher aux étreintes des vieux, des épouses, et souvent aux tendresses d'enfants ?

       L'influence des larmes, des baisers peuvent tiédir les résolutions, mais ces volontaires furent insensibles.

       N'était-ce pas, cette fois encore la Patrie qui les appelait et le Devoir qui commandait ces âmes bien nées ?

       Partout, dans tous les coins, les boches se réorganisaient.

       Ils occupaient les routes, les carrefours, surveillant tout, et cependant aucun des gars d'Otarie ne fut surpris.

       Tous arrivèrent.

       L'un après l'autre, par petits groupes parfois, ils vinrent au REFUGE, augmenter un effectif qui s'enflait sans cesse.

       La nuit on entendait les coups de feu. L'ennemi s'énervait et pressentait sa défaite.

       A minuit le commandant qui avait décidé de suivre l'ordre chronologique de formation des compagnies groupait autour de lui : la compagnie Etat-Major ; toute la 419e et les pelotons A. et B. de la 420e ; la gendarmerie au complet ; M. Purnode ff. de Commissaire d'Arrondissement était là lui aussi.

       La ferme Beguin aux locaux très vastes offrait ses abris aux combattants, et le château dissimulait les services de santé, d'aumônerie et d'administration.

       Les tours de guet étaient occupées.

       Tout paraissait dormir... mais on veillait partout !

       L'organisation, totalement militaire a pris tous les caractères d'une troupe en ligne.

       Ses services de liaisons, d'informations, de ravitaillements ont été prévus et assurés.

       Tout au long de la « Phase A – V » qui débuta le 2 juin, pour se terminer aujourd'hui les plans ont été établis secrètement.

LES BOITES POSTALES

       Les boîtes postales n'étaient pas seulement des offices destinés à la répartition des notes, des ordres mais aussi au-delà de la seule transmission des documents qu'imposent les missions d'une unité réellement mobilisée, l'œil de ce que nous avons appelé le REFUGE.

       Autant qu'il était possible aucun geste, aucun acte de l'ennemi ne devait être ignoré, et aussitôt il devait être porté à la connaissance de Georges.

       Et les porteurs d'ordres, de renseignements vont être des jeunes filles ou des dames mobilisées, elles aussi.

       Au P. C. du colonel il y a Mlles del Marmol et Dodémont.

       Au refuge, Mlles Delange et Hendrickx.

       Chez elle, Mme Beauduin Seny ou Mme Ledoux qui surveillent l’activité à Waremme.

       Chez Prosper Mlle Lejeune, Mlle d'Otreppe joindront leurs services à ceux de Baptiste !

       Baptiste, le dernier venu, jeune médecin-vétérinaire dont la petite moto et le laissez-passer spécial permettaient le déplacement sûr et rapide, allait satisfaire sa curiosité plus loin...

LE RAVITAILLEMENT

       L'alimentation de l'effectif a été parfaitement assurée.

       C'était aussi prévu :

       Prosper avait concentré chez un boulanger de l'endroit un bon stock de farine, et organisé le ravitaillement en beurre et en pommes de terre, grâce à l'assistance de MM. Jacques et Pollard de Borlez, à un pas du refuge.

       La ferme assurait la provision de viande.

       Tout doucement, tout naturellement, la carriole du panetier amenait au P. C. tout le nécessaire.

3 SEPTEMBRE

       A quoi les premières heures du matin ont-elles été employées au nid d'OTARIE ?

       D'abord une escorte de gendarmes avait accompagné Raoul et Vic pour extraire du tombeau les tenues A. S. ornées du Badge qui y attendaient leur résurrection.

       Des équipes d'hommes avaient soutenu le même Raoul dans la délivrance des armes cachées dans les dépôts.

       Une alerte camionnette faisait le service, car elle aussi avait été prévue...

       C'est pourquoi tous les officiers et les hommes sont en tenue dès la première heure du matin.

       Les uniformes de calicot beige donnent à la troupe entière le caractère militaire qui convient et seuls, les tâches tricolores des manches, l'éclat des badges et le noir qui habille les gendarmes rompent la monotonie de cette teinte kaki clair qui habille tout...

       Les cuistots sont déjà à l'ouvrage. L'équipe formée bien avant ce jour « J » : Aril Pirson et Emile Masuy s'occupe à abattre un bouvillon destiné au menu journalier.

       Non loin des maîtres-coqs, fume la douche à café-ersatz.

       Des gendarmes veillent à la grande porte d'entrée de la cour, sous un porche.

       Car nul ne peut entrer.

       Tout curieux qui se présente doit être introduit, mais enfermé immédiatement.

       La « boîte » elle-même est établie.

       Car des curieux vinrent...

       Ce furent ceux qui avaient aperçu avec étonnement, ces pèlerins du devoir suivant la même route, la même direction et qui devinant quelque chose, crurent bon de savoir...

       Ils surent même qu'ils ne sortiraient pas de l'antre où ils avaient pénétré, et leur curiosité malsaine fut satisfaite.

       N'eût-il pas été dangereux de relaxer ces enfants d'Eve ?

       Vinrent même des autres... et on s'est demandé comment ils avaient pu être informés ?

       Le commandant de la brigade de Gendarmerie de Waremme, l'adjudant Maréchal, eut grand soin de ces trois visiteurs successifs.

       Il les retourna comme galettes sur le gril, et finit par découvrir que le premier n'était autre qu'un officier N. S. K. K., dénonciateur, traître, etc… le soi-disant lieutenant Capouillet, qui sera fusillé et que les deux autres comme leur prédécesseur voulaient se « refaire » une conduite...

       Pour corser ce trio, les gendarmes allèrent cueillir au gîte un autre volontaire de la Légion Wallonne, qui venait de commettre un assassinat sur deux civils, pour les voler.

       Dans une étable aménagée, certains chefs enseignaient à quelques volontaires le secret d'armes nouvelles.

       Mais dans la vaste cour elle-même, on ne remarquait bientôt plus personne... car le commandant venait de donner un ordre...

       Que tout le monde s'abrite ! Personne ne doit être en vue, par prudence.

ALENTOURS DU REFUGE

       Tout à fait en bordure du village de Les Waleffes à front d'une petite route vicinale peu fréquentée qui conduisait à Borlez, les bâtiments de la ferme et du château étaient imposants.

       Un mur d'intérieur qui séparait les bâtiments avait été percé, de sorte qu'il était possible d'aller d'un côté à l'autre sans devoir passer à l'extérieur.

       Le parc était vaste, comme aussi les vergers de la ferme au fond desquels se trouvait le « Bois Beguin ».

       Des étendues couvertes pouvaient permettre à l'effectif de se masquer s'il le fallait.

       De même bientôt, sans traverser le village, les équipes de guérillas, les patrouilles, pourraient sortir et rentrer au nid sans éveiller l'attention.

       Derrière tous les masques, la campagne s'étendait au loin, vers Celles, Borlez et tant de routes.

       Entre Celles et Borlez d'ailleurs, une plaine vaste avait été indiquée comme susceptible d'accueillir des planeurs.

       Or cet aérodrome était exactement contre le Refuge.

       Les liaisons par radiophonie – chacun le sent mieux aujourd'hui – avaient été constantes, et les maquisards répondant aux ordres avaient organisé de façon maîtresse, l'échiquier sur lequel ils allaient contribuer au MAT final.

       Parfois un courrier sort et s'en va...

       Un ordre ne peut attendre.

       Peut-être ce délégué aura-t-il quelque émotion, si, et cela arrive, il doit côtoyer le fritz...

EMOTION D'UN COURRIER...

       Voilà Jacques Beauduin qui quitte, en civil, tenue abandonnée...

       Il va toucher la boîte de Waremme.

       Il est arrêté !

       Tout civil jeune est suspect...

       Conduit par une garde fridoline à l'Athénée à Waremme, il est immédiatement interrogé par des officiers.

       – Où allez-vous jeune-homme ?

       – Je rentre chez moi, à Bleret !

       – Ce n'est pas vrai ! Vous mentez !

       – Mais j'ai ma carte d'identité qui vous le prouve...

       – Alors montrez-la.

       Or Jacques est étudiant. La carte l'indique.

       – Vous êtes étudiant ?

       – Oui !

       – Nous allons voir si vous dites vrai, étudiant.

       L'officier sort un bouquin d'une sacoche, et ... c'est un recueil de thèmes grecs ! ! !

       Jacques n'a pas de prétentions spéciales, il n'est pas ce qu'on appelle un « fort en thèmes » : Que va-t-il arriver ?

       Il y a de ces transpirations étranges que chacun connaît et qui sont dues à des causes bizarres.

       Jacques a chaud...

       Il prend le bouquin, considère le texte et s'apprête :

       Et cela va.

       Le jeune homme bafouille un peu, c'est entendu, mais la nécessité aidant, il démontre à l'officier que s'il a des lettres, lui, jeune étudiant, en a également.

       Voilà, une preuve que le Grec sert à quelque chose...

       Car l'officier – convaincu – relâche le courrier !

       Jacques remplit sa mission et rentre...

       Comme rentreront ceux qui sont partis aux autres postes de relais, à Hannut chez Mottin ; à Borlez chez le Dr Sohet, à Blehen chez le Dr Rosman, partout...

       Jamais – car dorénavant, il n'y eut plus que les messagères pour exécuter les missions – aucune ne connaîtra d'aventure.

AU CARRE

       Au carré du Commandant et de son adjoint, les officiers sont assemblés pendant la première matinée.

       Approchons-nous de la table de travail sur laquelle une vaste carte est étalée.

       L'index du chef délimite tout un secteur, en suivant des grand’ routes.

       – Quelles sont celles qui semblent intéresser ?

       – Elles sont trois...

       Au sud du Refuge nous apercevons un ruban rouge qui va de Huy à Hannut ; bordée d'arbres elle abrite Dreye et FalIais.

       A l'est, c'est une artère très importante que nous voyons : la chaussée romaine.

       Elle vient de France, coupe la grand' route Hannut Namur et la précédente ensuite, avant de s'enfoncer ver le nord, c'est à dire vers Waremme, Tongres et Maastricht.

       Ce sera l'axe de retraite de l'ennemi comme elle fut sa voie de pénétration en 1940.

       A ses bords, Omal, Tourinne, le carrefour de Braives, ont posé autant d'agglomérations.

       Enfin dans le nord, entée sur cette chaussée romaine, une autre route importante allant de Hollogne-sur-Geer à Liège, permet à l'ennemi de roquer facilement.

       Le P. C. est exactement au centre de ce secteur, et pour le surveiller jusqu'à ces voies principales, il dispose de nombreuses petites routes secondaires.

       L'attention des officiers est maintenant spécialement éveillée, car l'heure de l’action a sonné.

       Tous les hommes sont là, piaffant d'impatience car ils savent que leur rassemblement n'a d'autre raison que l'attaque de l'ennemi.

       Comment ?

       C'est ce que le cadre apprend.

       Depuis longtemps, Georges et Bernard ont établi toute une théorie de l'action des guérillas.

       – Quelle était-elle ?

       En fait, les instructions premières tendaient à voir partir à l'instant choisi, de petites unités ; des groupes de quelques volontaires qui, quittant la ruche, allaient vivre de leur propre substance.

       Ces équipes, ces « guérillas » devaient agacer l'ennemi, le surprendre, se retirer ensuite, pour recommencer sans cesse le même manège.

       Causant des pertes à l'adversaire, interceptant ses propres passeurs d'ordres, les voitures d'Etat-Major, ils devaient s'efforcer de s'approvisionner en armes sur l'ennemi lui-même, et assurer leur subsistance chez l'habitant là où ils se trouveraient.

       Ces guérillas pouvaient s'assembler à l'occasion pour exécuter une opération plus importante, et se séparer ensuite.

       Comme des projectiles, lancés par une main invisible sur les troupes en retraite, ils devaient communiquer à ces troupes l'énervement, le découragement qui amènent bientôt le désordre et la passivité.

       Cependant, pour réussir des missions semblables, il eût fallu que ces guérillas, ces équipes disposassent de couverts, de défilements nombreux, de façon à se rendre insaisissables

       Or, le secteur est en pleine Hesbaye, uniformément plate ou presque, d'aspect.

       Quelques rares boqueteaux n'offraient que des abris précaires et totalement insuffisants.

       C'est pourquoi il fut admis que les patrouilles lancées, missions accomplies, rentreraient à la ruche.

       Les commandants de compagnie : Leburton, Cartuyvels, Simon organisèrent donc, sous l'égide du commandant du Bataillon et de l'adjoint, les rôles de sortie, pour toutes les tâches à remplir.

       Les chefs, sous-ordres, du plus élevé en grade au plus humble, s'assuraient de leur devoir.

       Tout fut préparé.

       A côté, au château où vivaient les médecins, les aumôniers, les infirmiers, on n'entendait encore que la gaîté, car la souffrance n'était pas encore entrée.

       La bonne humeur régnait partout, et au cours de leurs rondes, les officiers ne récoltaient que les questions de tous ces hommes qui vibraient d'impatience, et qui voulaient commencer...

GUERILLAS

       Pour ces gars, c'est un grand jeu qui se prépare.

       L'émulation est la même chez tous, et le désir d'attaquer le fritz abhorré n'est contenu qu'avec peine.

       Cependant, ce soir, trois patrouilles vont partir.

       Trois chefs ont alerté des hommes que d'autres envient.

       MELON, MARTIN et STASSART ont reçu des missions.

       Une porte s'ouvre, une sentinelle s'efface, l'une après l'autre, les équipes s'en vont...

       – Bonne chance, et à demain ! fait le guetteur... pendant que ses camarades se perdent dans la nuit.

       Martin et Mélon font route ensemble un moment pour contourner le village de Les Waleffes.

       Le premier doit surveiller la chaussée romaine, près d'Omal, apprécier toute la circulation qui s'effectue sur cette artère et la gêner, par intervention directe, mais s'il juge la chose possible seulement.

       Mélon s'en va vers Dreye, où passe la grand' route de Huy à Hannut.

       Normalement, elle doit être moins fréquentée, mais sait-on jamais, il pourrait surprendre une estafette reliant des colonnes parallèles.

       Martin ne pourra intervenir.

       Des véhicules allemands qui se suivent « de tête à queue » assourdissent les patrouilleurs qui, cachés aux abords immédiats de la chaussée, observent.

       L'une après l'autre, de faibles lumières de position sortent de la nuit, passent et disparaissent.

       C'est une immense colonne en retraite qui défile.

       Les gars sont six. Que peuvent-ils faire contre ces motorisés qui s'en vont ?

       Mais Mélon rencontre, sur l'autre route, une petite troupe ennemie, et l'attaque.

       Cris, jurons, se mêlent au bruit du feu.

       L'ennemi recule, puis s'enfuit.

       Le jeune chef ne peut faire ni prisonniers, ni autre prise.

       STASSART avait pendant ces heures une mission double à remplir : mission de surveillance, de reconnaissance sur la rocade de Hollogne vers Liège et une mission de sabotage à effectuer sur la ligne de chemin de fer près de Waremme.

       Tout à coup, son équipe tombe en plein sur une patrouille ennemie.

       Il n'y a pas de « mot de passe » à demander, et c'est pourquoi Stassart, sans hésiter, commande le feu.

       Il abat lui-même le premier fritz, pendant que les autres refluent.

       Ce fut un combat court et violent qui mit en joie le cœur des hommes, rapportera ce chef.

       En fait, à l'aube, indemnes, tous les patrouilleurs étaient rentrés.

       La journée du 4 septembre fut fertile en interviews pour les gars qui avaient passé la nuit dehors.

       De fenil en fenil, de grange en grange, des quémandeurs d'impressions se glissaient pour atteindre ceux qui avaient eu la veine.

       Au P. C., les rapports étudiés, on écoutait fiévreusement la B. B. C. et les chefs envahissaient progressivement l'hospitalière demeure que M. et Mme Beguin (remis de la surprise provoquée par l'irruption chez eux de tous ces volontaires) mettaient si complètement au service d'OTARIE et dans le plus grand risque pour eux-mêmes.

       Un appel retentit l'après-midi... POELMANS ! LANCELLE !

       L'un et l'autre vont commander cette nuit d'autres guérillas.

       Les hommes s'en doutent en les voyants partir prendre les ordres qu'ils devinent...

       – Qui sera de la partie ?

       Poelmans doit repartir à Dreye-Fallais et Lancelle surveiller la route d'Omal.

       Missions de reconnaissances avec éventualité d'attaque si l'occasion utile se présente.

       La nuit vient, l'heure est là, deux bandes d'abeilles s’égaillent...

       Poelmans a traversé une campagne importante, longé un bois, et arrive à Vieux-Waleffes quand, soudain, une automobile surgit, rapide.

       Le chef n'hésite pas. Au passage, il abat un boche à bout portant.

       Le chauffeur, surpris, va-t-il stopper, se rendre ?

       Non ! Il a accéléré son allure et nulle balle ne l'arrêtera pendant qu'il s'enfuit en emportant un cadavre.

       Voyons Lancelle à Omal.

       Ici, comme à Vieux-Waleffes, l'éclairage est mauvais. Un vent violent nuit à toute écoute et gêne les patrouilleurs, qui longent précisément les voies du chemin de fer vicinal qui, de Termogne, va vers Omal.

       Les gars sont presque à la chaussée et, soudain, distinguent une petite colonne ennemie qui s'en va lentement.

       – Ne tirez pas ! crie le chef, qui craint l'emballement de ses hommes et qui a reconnu des tanks « Tiger »...

       Hélas ! le vent a-t-il emporté sa voix, ou bien encore un homme n'a-t-il entendu que le « tirez », on ne sait.

       Un coup de feu est parti, une balle a blessé un tank et celui-ci fait face aussitôt.

       Mieux, il s'avance...

       Et les autres monstres le suivent sans doute...

       Les « plouks », perdant leur calme, font feu de leurs mitraillettes.

       Le vent brise, en effet, la voix du chef qui commande la retraite, pour mettre fin à un engagement inégal.

       Certains entendent... d'autres tirent avec rage.

       Le feu est violent de toutes parts mais dans leurs coupoles d'acier, les boches sont invulnérables...

       ... Quelques hommes de Lancelle rentrent au refuge pour rendre compte et demander un renfort urgent.

       Or, toutes les abeilles voudraient partir au secours des camarades en danger, mais pourraient-elles arriver à temps eu égard à la distance du lieu de l'engagement ?

       – Non ! La bagarre a certainement pris fin, mais une petite troupe va quand même s'efforcer de rejoindre le théâtre du combat.

       Les chefs appréhendent des victimes.

       Le P. Royackers, le Dr Sohet, accompagnent donc la petite cohorte pour secourir avec des infirmiers, les blessés éventuels...

       Que l'attente fut longue pour tous les gars alertés au sein du Refuge, jusqu'au moment où leurs amis rentrèrent...

       Deux volontaires : Marcel FAUVILLE et Jean-Joseph DUCHATEAU avaient rejoint dans la mort, ces autres victimes, Richard ORBAN et Léon BERGER...

       Leurs corps avaient été retrouvés.

       Mais un troisième combattant manquait à l'appel.

       Nul n'avait revu Emile MARTIN.

       On saura très vite que ce dernier avait été fait prisonnier et ensuite on apprendra que l'ennemi l'avait fusillé à Grand-Leez.

       Ces trois amis avaient consenti à leur Pays l'offrande totale de leurs jeunes vies...

       La Patrie se devait, une fois de plus, d'être la protectrice d'une jeune veuve, d'enfants, de vieux parents...

       Puisse-t-elle entourer l'existence des familles de ces artisans hannutois, de tous les soins que leur a mérités le sacrifice héroïque d'âmes bien nées.

       Puisse-t-elle conserver la mémoire de ces abeilles enlevées à la ruche où tout ce qui vit trépigne de rage.

       Tous voudraient prendre part à une mission immédiate.

       Chacun voudrait rechercher l'ennemi et se battre et tirer et tuer.

       Tuer des fritz et faire payer aux boches la vie des amis tombés, au double, au triple, et encore davantage ; se venger enfin du monceau de souffrances, de larmes, de ruines accumulées pendant tant d'années, par l'ennemi cruel, dans la maison si chère à tous : la Belgique !

       Le commandant doit réprimer cette ardeur magnifique...

       Le moment n'est pas encore là...

       Et pendant ce temps, la vie d'informations continue.

       Les messagères vont, viennent et apportent des petits messages qui nourrissent le P. C.

       Prosper signale précisément qu'une pièce d'artillerie à peine gardée, se trouve en position à Saives et qu'une circulation plus intense, en direction sud-nord, peuple la chaussée romaine...

       Réponse ?

       – Patrouille.

       A 15 heures 30, une escouade part en reconnaissance...

       Une pièce d'artillerie, c'est intéressant à faire sauter, aussi un artificier, nanti de pâte explosive, accompagne-t-il la petite expédition qui progresse, en se défilant, vers le but à atteindre.

       L'objectif a été localisé parfaitement, mais quand les patrouilleurs y viennent, l'ennemi est parti… après avoir lui-même saboté cette pièce de 150 mm.

       Conclusion : mission remplie, pâte économisée...

       A la même heure, deux hommes en civil sont alertés pour reconnaître l'intensité 'du mouvement sur la chaussée.

       Ils reviennent rapidement confirmer le message... les boches refluent...

       Conclusion ?

       A 20 heures, une patrouille, forte de vingt hommes (deux escouades) est envoyée à Omal.

5 SEPTEMBRE

       L'effectif dépêché rentre vers 4 heures.

       Il n'a pu intervenir...

       Des colonnes ininterrompues – et parfois doubles – sans jamais qu'une interruption se présente, descendaient vers le nord...

       Les tanks alternaient avec les camions d'infanterie portée.

       Tapis dans les talus bordant la route, les volontaires attendaient pleins d'espoir, le moment propice qui ne viendrait pas.

       Chacun d’eux rêvait…

       Tous attendaient l'occasion bénie qui présenterait à un tir de surprise quelque morceau de l'immense chenille allemande.

       Mais la bête ne se sectionnait jamais.

       Le reptile dont chaque anneau s'éclairait de faibles antennes lumineuses, s'étendait sans cesse.

       La nuit, une autre guérilla, forte d'un peloton tout entier, aux ordres de Jean-Pierre, avait quitté le refuge.

       Une information n'avait-elle pas annoncé qu'une colonne ennemie, forte de 70 hommes environ et de 60 chevaux, allait traverser le village de Les Waleffes lui-même...

       C'était la toute bonne surprise à effectuer.

       Allait-elle réussir à empêtrer les fridolins dans la buffleterie de leurs chevaux, sous l'avalanche des balles ?

       Le commandant allait-il pouvoir mobiliser une section de cavaliers ?

       Mais guigne ! Adieu veau, vache, cochon, couvée... !

       L'espérance fut déçue, car les boches, s'apercevant sans doute d'une erreur d'itinéraire, avaient fait demi-tour.

       Les hommes de Jean-Pierre cherchaient fiévreusement dans le sud, une bande de fritz partie vers l'Est…

       Et deux autres patrouilles sont encore dehors à cette heure.

       La première, aux ordres d'Alfred, le chef artificier, est allée loin.

       Elle devait atteindre la voie du chemin de fer à Bleret et farcir la ligne de six charges explosives avec des crayons à deux heures de retardement.

       Trouant la nuit de leurs yeux attentifs, les hommes s'efforcent de voir les premiers...

       Une bande de boches gênera un moment leur expédition, mais poursuivant leur unique objectif, ils délaissent l'ennemi et atteignent la voie.

       Ils posent dans les menus berceaux les bébés explosifs et s'en reviennent sans incidents de route au bercail.

       La seconde est allée observer le carrefour Duchâteau à Braives.

       Un motocycliste boche y est abattu juste avant le passage d'une colonne allemande allant de Moxhe vers Waremme et celui d'un groupe de tanks remontant de Huy à Hannut.

       Dans la matinée, des petites équipes rentrent de courtes reconnaissances...

       Puis un message arrive de chez Prosper...

       « Les fritz se prépareraient à faire sauter deux ponts sur le Geer et à saboter la grand 'route, au carrefour Dessy, à Hollogne... »

       … A midi quarante-cinq, une guérilla part pour vérifier les intentions ennemies...

       Elle rentrera à 22 h. 20... et voici son rapport laconique :

       « Les ponts sont restés intacts. Trois volontaires se sont détachés jusqu'à l'objectif d'un pont. Ils ont fait feu sur des cyclistes allemands qui se sont enfuis en hurlant...

       A Darion, rencontré des chenillettes, tirant sans cesse et sans motifs apparents, et à cause de la disproportion des forces, nous les avons évitées.

       N'avons pu placer les charges crève-pneus sur la chaussée par suite de la continuité de la circulation... »

       Cette fois, il ne faisait plus de doute que la retraite ennemie battait son plein.

       Les gars d'OTARIE trouvaient toujours, en face d'eux, un adversaire d'une ampleur démesurée pour leur propre taille.

       L'aventure, les occasions favorables manquaient.

       Comment réduire des blindés avec des seules mitraillettes ?

       Si des para-troupes annoncés voulaient descendre sur la plaine à côté, avec leurs armes spéciales, quelle ardeur, quel esprit d'attaque ces volontaires pourraient développer ; mais le ciel restait vide d'espérance.

       Mais soudain, que se passe-t-il ?

       Les officiers s'affairent autour du 'commandant...

       Une note vient d'entrer :

       « Toute une forte unité allemande vient d'arriver dans le village et campe à deux cents mètres du Refuge ! »

       Va-t-on les surprendre ? disent les uns ?

       Attendons, laissons faire le Commandant, répondent d'autres ; il est le maître ici.

       GEORGES connaît sa mission. Doit-il, dans l'ignorance de la position des amis qui arrivent, entamer aujourd'hui une lutte qui, demain, s'avérerait extrêmement difficile ?

       Surprendre l'ennemi, l'attaquer pendant qu'il se repose est bien, mais le faire jusqu'à la fin, sans devoir envisager le repli général (et vers où ?) est mieux !

       Partout l'adversaire est là qui fourmille. Ses groupes se succèdent.

       – Faut-il dévoiler la position d'OTARIE ?

       – Vainqueur tantôt, comment résister ensuite à un retour offensif d'un ennemi alerté et puissant, trop puissant encore en nombre et surtout en matériel ?

       Le commandant, calme, serein, ne veut pas prendre un trop gros risque actuellement, car les éléments d'appréciation dont il dispose le lui interdisent...

       Cependant, l'ennemi est là, tout proche.

       Une ronde peut arriver à la ferme, et en ce cas, pour passer à l'action forcée et garder le bénéfice de la surprise, il veut être prêt le premier...

       – Docteur Sohet, allez prendre chez Prosper les plaques-avis « Typhus » « Scarlatch » qu'il a préparées.

       – Qu'elles soient posées aux entrées dès votre retour !

       – Alfred, minez la porte, et qu'elle saute à mon premier ordre !

       – Doublez toutes les sentinelles !

       Et tout fut fait...

       On attendit...

       Une reconnaissance ennemie d'abord, une fournée de boches en camions ensuite, passèrent devant la ferme, pendant que, de toute part, de multiples paires d'yeux les observaient.

       Nul n'approcha, et cela valait mieux pour eux !

       Se sont-ils doutés d'un piège ?

       Nul ne le sait, mais il est de fait qu'ils partirent sans délai...

       Deux guérillas partirent ensuite, dont l'une avait mission de vivre réellement sur elle-même, jusqu'au bout.

       La région de Marlinne où elle se rendait comportait assez d'obstacles et de bois pour la masquer.

       L'autre, accompagnant la première jusqu'à Omal, devait s'y maintenir en surveillance, et en alerte d'attaque éventuelle.

       L'occasion se saisit par les cheveux...

       Les hommes se mêlent en se défilant dans les bas côtés de la route commune, au cours de leur progression.

       La chaussée est atteinte.

       Une interruption de la circulation permet à la guérilla de Marlinne de traverser rapidement et de s'éloigner vers son nouveau champ d'action...

       – Qui, à Omal, frappait le soir à l'huis de la maison Stiernet ?

       Deux volontaires, Léon Mélon et Joseph Lacroix.

       Ils avaient, sans s'en douter, quitté leur guérilla en suivant les amis partant vers Marlinne.

       Pour rejoindre leur équipe ils avaient voulu traverser la chaussée, mais cette fois, l'Allemand l'occupait tout entière...

       Aussi, connaissant Jules Stiernet camarade qui attendait d'être appelé, ils allèrent lui demander assistance.

       Maître de sa région, cet ami saurait bien les remettre sur la voie…

       Jules Stiernet accepte.

       Il sait qu'il les accompagnera au refuge et que là, il sera mobilisé certainement. Il connaît un sentier propice qui longe les tombes romaines contre la route, au bout duquel il suffira d'attendre un instant sans doute pour pouvoir sauter l'obstacle et atteindre la bande de campagne qui sépare du refuge les volontaires égarés.

       Hélas, au dernier détour du sentier avant la grand' route, la mort avait donné rendez-vous à ces trois jeunes amis.

       Le bruit des colonnes au repos avait disparu. Tout était calme. Tout semblait dormir, et ils s'acheminaient l'un derrière l'autre, sans défiance.

       Or l'ennemi faisait relai.

       Ils furent entendus, et vinrent tomber croit-on dans les bras des soudards qui se reposaient...

       Personne n'a rien su de leur fin.

       Le coup de feu, la seule trace qu'on put voir le lendemain sur leur corps, permet de croire que chacun a été abattu froidement, sans qu’aucun n’ait pu se défendre.

       Atteints de la même manière, ces trois jeunes gens prisonniers furent assassinés...

       Léon Mélon surtout, le plus ancien, avait donné tant de marques de valeur au cours de très nombreuses missions qu'on doit admettre qu'ils ont été surpris.

       Telle fut la fin de ces trois maquisards, dont les braves gens d'Omal fleuriront les petites croix qui marqueront l'endroit de leur sacrifice.

       La Charité est la plus belle vertu, et le don de soi-même le plus grand don.

       Dieu, qui le sait mieux que nous, aura joint ces camarades aux autres du Groupe, qui les avaient précédés dans la mort glorieuse.

       Qu'ils brillent comme des flambeaux sur l'Autel du Pays !

       Qu'ils soient, ces gars de vingt ans, l'exemple des jeunes qui les suivront, maintenant que leurs yeux sont fermés.

       Mais sont-ils morts ?

       Non ! Car ils vivent, comme vivent tous ceux qui ont fait notre Patrie si belle, et dont le souvenir ne quitte pas ceux qui savent l'aimer comme elle doit l'être !

       Comme eux l'ont fait.

       Dans vos souffrances, parents, épouses, gosses peut-être, de ces soldats, sachez que leurs amis pensent à vous.

       Vous saviez bien le danger de leur mission.

       Vous aviez permis l'accomplissement de leur devoir.

       Aujourd'hui, vous avez le douloureux privilège de compter parmi vos affections une victime héroïque.

       Soyez tristes ! Pleurez-les ! Mais soyez-en fiers surtout !

       Car aussi longtemps que chez nous, des âmes semblables à celles des êtres que vous avez perdus vivront, le PAYS ne manquera jamais d'enfants pour le SERVIR...

       Pour le défendre et le sauver !

       Le monde saura-t-il jamais assurer la Justice.

       Tant de soudards, sans cesse, ont voulu justifier la FORCE.

       Ces petits Belges ont voulu s'y opposer.

       Ils ont refusé de courber la tête devant le criminel oppresseur qui voulait leur enlever leur Patrie, et dans l'effort ils se sont donnés tout entiers, pour que les autres la gardent.

       Parents, vos enfants étaient semblables à vous mêmes.

       Ils ne vivaient que pour un coin de terre, pour y bâtir un nid et goûter dans l'affection des leurs une existence paisible.

       De leur sang ils viennent d'en tracer la preuve.

       Que l'ensemble de ces traces, de ces preuves, forme la lumière qui ne cessera d'éclairer les Belges de Demain, et de leur dicter le DEVOIR.

6 SEPTEMBRE

       La lutte continue.

       Dans le ciel, le vrombissement des avions alliés ne cesse pas. Ils vont, ils viennent, ils cherchent...

       L'ennemi serre ses colonnes, se terre, et attend l'éclaircie.

       Comme l'oiseau de proie blessé il va d'arbre en arbre cherchant à se soustraire à toute vue.

       Nul ordre d'attaque ne- survient au P. C.

       Où sont les amis ? Ils doivent approcher.

       Si, dans ce matin clair, les alliés survenaient et qu'enfin dans un enthousiasme délirant, les gâs du Refuge pouvaient se joindre aux acteurs de l'attaque générale et de la poursuite...

       La mort dans l'âme, les hommes de Georges qui sentent la fin de la battue vont-ils connaître la déception ?

       Une note arrive chez Prosper...

       « 6 sept. 1944 – 8 h. 40. – On signale la présence de troupes américaines à St-Trond. Pourriez-vous faire confirmer ? – Georges ».

       – Baptiste, voici enfin une belle besogne !

       Vous allez vous assurer immédiatement, et coûte que coûte du renseignement suivant :

       « Des troupes américaines seraient-elles à St-Trond ? »

       – Allez !

       Le docteur Battaille, médecin vétérinaire, excite sa petite moto « Gillet » qui ronfle aussitôt et s'en va...

       La nuit avait été le théâtre d'une agitation considérable à la ruche...

       Sans cesse des patrouilles partaient et rentraient, la reconnaissance terminée.

       Certaines avaient la veine.

       Les unes allèrent se blottir au carrefour Duchâteau d'autres au carrefour Dessis.

       L'ennemi se préparait – disait-on – à faire sauter les croisées des routes...

       Celles-ci étaient occupées en force, hélas, mais l'activité destructrice inexistante. Tant mieux !

       Une autre alla sur la rocade vers Liège.

       Des forces nombreuses stationnaient encore, la tête des engins tournés vers l'Est, vers Liège : c'était bon signe...

       Une autre a ravi des munitions allemandes et les a rapportées.

       Jacques et Zénon, avec leurs escouades, ont surpris une voiture allemande.

       Le tir ajusté a mis l'auto à mal, mais les occupants ont pu s'enfuir à pied, sans pouvoir toutefois emporter leurs bagages, car des mallettes de renseignements précieux ont été prises et remises au P. C.

       Cette fois les abeilles butinent tant et plus et rien n'interrompt leur ardeur au travail.

       A 11 h. 10, Baptiste rentrait chez Prosper.

       Voici son rapport.

       « Saint-Trond, ce matin, était occupé par l'ennemi, mais il paraît évident que les troupes alliées vont aborder la ville sous très peu de temps.

       A Brusthem, à Coyer, j'ai interrogé et appris que la veille au soir, hier donc, des troupes alliées se trouvaient à l'est de Tirlemont et occupaient Op-Heylissem au sud-est.

       J'ai tenté de m'assurer par moi-même, à l'écoute du canon en divers endroits bien dissimulés de la situation occupée par les amis.

       Sur le pont du chemin de fer, à Rosoux notamment, où l'écho est parfait, j'ai, carte posée, repéré autant que possible le lieu de l'action.

       J'ai pu me convaincre que Hougaerde et Léau étaient au centre du combat qui se rapproche.

       Ne décelant rien en direction de Hannut, j'ai conduit ma moto jusque-là.

       Je n'ai vu que le reflux, mais en désordre accentué, de la marée boche.

       Mes papiers m'ont servi de laissez-passer.

       Pas d'autres incidents, – « Baptiste ».

       Ce messager n'a-t-il pas droit à l'hommage comme tout bon bourlingueur puisqu'il l'était au propre.

       Hier, n'était-il pas à Bierset, à Momalle, et ne se promenait-il pas même le long des voies de la ligne pour rechercher les résultats d'un sabotage ?

       A midi, Georges était en possession du message.

       De bons yeux avaient vu pour lui.

       Il savait...

       De bonnes nouvelles de la guérilla de Marlinne venaient précisément d'arriver.

       Une surprise réussie avait acquis à ces hommes des armes et des munitions ennemies.

       Mais Prosper parle encore l'après midi...

       Son rapport annonce que Bierwart et Huy vont être touchés par les troupes américaines.

       Que la marée ennemie est près de se tarir...

7 SEPTEMBRE

       Cette fois, c'est le déclenchement des missions offensives.

       A 1 heure, deux fortes reconnaissances partent.

       – Missions ?

       – L'une doit chasser l'ennemi de Hannut, l'autre de Waremme et occuper les deux centres.

       – Durée de chaque mission ?

       Indéterminée... dit la feuille d'ordres, c'est-à-dire que l'une comme l'autre doit atteindre son but, sans mesure de temps, selon les directives de son chef propre et vivre sur elle-même en attendant...

       Stéphane conduit celle vers HANNUT.

       Joseph guide celle qui a Waremme en mire.

       Fortes de dix hommes et de quatre gendarmes chacune, elles s'effacent dans la nuit...

       Une reconnaissance d'officiers, commandée par le lieutenant

Simon, quitte à son tour le bercail et part accompagnée de Raoul, Vic, Michel et d'un autre volontaire, vers le sud.

       Elle va tenter d'effectuer la liaison avec les premiers éléments alliés en direction de Fallais, Vissoul, Lavoir, jusqu'à la rencontre.

       Suivons-la.

       A Fallais, à Vissoul, elle n'apprend rien. A Marneffe, pas davantage, donc elle poursuit sa route droit au midi...

       A Lavoir, une colonne pointe dans un nuage de poussière.

       Le bruit qu'elle fait décèle des tanks...

       Prudence, car quelle est leur nationalité ?

       L'officier progresse en se dissimulant. Il ouvre autant qu'il peut des yeux qui craignent de se tromper pendant que son cœur bat...

       ...Ce sont des engins américains !

       Des amis attendus depuis tant de mois sont là, enfin.

       Il se présente immédiatement aux officiers alliés qui connaissent déjà son uniforme maquisard.

       La liaison est faite ; et les renseignements s'échangent.

       OTARIE est signalé.

       Tout va bien...

       En revenant au Refuge, cet équipage capture deux fritz et les ramène, comme il se doit.

       Une autre reconnaissance d'officier a quitté la ruche.

       C'est BENOIT cette fois qui la commande.

       Elle est partie en direction de HUY avec mission d'effectuer, elle aussi, la liaison.

       Et entre Fize-Fontaine et Warnant, elle prendra contact dans la même émotion que la précédente avec la pointe de la première division de la première armée des Etats-Unis.

       L'Etat-Major de cette unité se trouvera incessamment à HUY.

       OTARIE est en première ligne.

       Ces amis nouveaux sont là, dans son dos et l'appuient.

       La ruche va émigrer et partir de l'avant... car les nouvelles arrivent excellentes :

       Les hommes de Georges occupent Hannut, et Waremme a été enlevé.

       Joseph a bien connu la difficulté, demandé même du renfort, mais avec Jacques et Nicolas et en enlevant l'enthousiasme de ses gars, ils forcèrent l'ennemi (une arrière-garde imposante) qui tenait la « plate tombe » à s'enfuir et à leur abandonner la cité, où ils s'installèrent aussitôt, à l'Hôtel de Ville.

       On apprend cependant que le volontaire de Neckère est sauf.

       Il avait disparu la veille.

       Envoyé en mission en civil, il s'est approché, sur ordre, d'une voiture abandonnée, pour en examiner le contenu.

       Des S. S. attardés l'ont vu et, comme il cherche à fuir leur approche, il est blessé. Une balle lui a fracassé le pied.

       Transporté dans une maison, proche du carrefour Dessis, il devra la vie aux papiers de contrôleur, qu'il porte sur lui.

       Il est soigné maintenant à Hollogne-sur Geer.

L'HALLALI

       Les groupes de volontaires se répandent dans toutes les directions à la recherche de l'ennemi attardé.

       Ce ne sont que rondes d'escouades qui débusquent les derniers fridolins et les mettent hors d'état de nuire.

       Le Commandant, Bernard, son adjoint, la section E.-M. et toute la compagnie 419, aux ordres de Jean-Pierre, ont pris leurs quartiers à l'Ecole Moyenne de Waremme...

       Léopold, qui commande la 420, est à Hannut, et la 423, sous la direction de Simon et de Kindermans, est au château de Bovelingen Marlinne.

       Les essaims font la meilleure besogne...

       La population civile aide de tout son pouvoir les équipiers qui barrent aux Allemands les routes de retraite.

       Les collaborateurs sont arrêtés et moisissent bientôt dans les caves de l'Hôtel de Ville de la Cité, devant lequel les troupes américaines vont passer.

       Des fridolins penauds arrivent constamment, prisonniers.

       Et les volontaires qui les amènent rapportent également des armes, des munitions, du butin abandonné.

       Brusthem et son champ d'aviation sont aux mains des troupes de l'Armée Secrète et ceux d'Otarie ne cessent de s'approvisionner là-bas de tout le nécessaire, car demain, sans doute, ils pourront, mêlés aux troupes alliées, poursuivre la lutte...

       N'ont-ils pas déjà des motos et des autos ennemies dans leur butin ?

       Ce ne sont plus qu'allées et venues d'estafettes qui filent rapides entre des haies de joie.

       Partout, la population en liesse commente les heures inoubliables qu'elle vient de vivre.

       Les drapeaux retiennent dans leurs plis l'air pur, l'air libre qui les agitait autrefois.

       Et tout à coup passent les monstres d'acier américains que les miteux d'Otarie regardent d'un air d'envie...

       Ces tanks sont émaillés des tenues kaki de leurs équipages qui ne cessent de répondre aux cris d'enthousiasme de la foule. Les hourras répondent aux hourras, et le vacarme d'une colonne s'éloigne-t-il qu'aussitôt d'autres cris retentissent pour saluer un autre groupe ami qui arrive...

       L'armée américaine s'écoule...

       – Où sont les boches déjà, dans leur fuite précipitée ?

       C'était le 7 septembre !

       Mais la tâche n'est pas finie.

       Les rapports se succèdent, et des missions s'ordonnent sans cesse.

       De Berloz, d'Oleye, de Viemme, de partout, on signale des groupes ennemis surpris, sans liaisons, qui cherchent à comprendre ce qui arrive et qui, en attendant, se cachent.

       Les couverts sont fouillés, des granges isolées inspectées.

       Il faut que ces traînards se rendent ou meurent !

       A Hannut, la chanson est la même, et les bourlingueurs, là comme ici, rôdent sans cesse, pour surprendre ceux qui, cette fois, ont fini de rire...

       L'écho est semblable à Marlinne à Bovelingen et dans toutes les communes du nord...

       Voici précisément un rapport qui arrive de la 423.

       – Que dit l'officier qui commande ?

       – Lisons...

       – C'est trop bref...

       Alors écoutons plutôt les commentaires, la narration que fait un témoin d'une des dernières guérillas.

       Il y en eut d'autres, mais celle-ci vaut tous les exemples.

       Joseph Kindermans, sous les ordres de Simon, commande ses gars flamands.

       Ce garçon, qui fut mêlé à tant de services : renseignements généraux pour la guerre – secours aux aviateurs – espionnage, etc. – avait su imprégner ses camarades d'une volonté farouche.

       Rien ne les aurait fait broncher...

       Aussi quand on vint l'avertir que des boches étaient retranchés à la ferme Robyns, à Heers, résolurent-ils aussitôt d'aller les débusquer, les abattre ou les prendre.

       ... Peut-être allaient-ils se rendre ?

       – Non, les Fridolins se sont barricadés.

       Kindermans s'en va, avec quelques hommes : le chef d'escouade Jacques Vandenbroeck, Jef Budenaers, Missotten, Gysen, Claeskens, et encore Schepers, Kindermans, Schalembourg, Vanderbenden, Leemans, Vanherck, Pypops, Houben, Smet, Lieken et Moermans.

       Ils sont deux contre un, apparemment, mais le boche est retranché.

       – Ont-ils la partie tellement belle ?

       Ils arrivent, veulent entrer, tout est clos.

       Pas un bruit ne répond à leurs ordres.

       – Alors ?

       Alors un ordre s'entend : « Un homme sur le toit » !

       Vandenbroeck s'élance et, d'un bond, il atteint la corniche.

       Un rétablissement l'y installe et Kindermans, puis les autres le suivent... des tuiles glissent... et l'équipe descend dans la place...

       – Qui sera le maître ?

       Soudain des coups de feu claquent à l'intérieur et des grenades explosent, puis tout se tait !

       Les boches se sont rendus.

       Trois ont été mis par terre, et seul le petit Leemans a été atteint légèrement d'un éclat de grenade :

       Les prisonniers sont alignés devant les portes ouvertes, gardés par leurs vainqueurs :

       Les jeunes gars du peloton flamand !

ECOLE MOYENNE

       La vie d'OTARIE s'y déroule, bientôt morne.

       C'est que les troupes amies défilent nombreuses sans qu'elles s'occupent du Groupe qui attend.

       – Qui attend quoi ?

       – Des ordres qui ne viennent pas.

       A quoi bon se rendre au P. C. du Colonel qui, lui non plus, n'a pas d'instructions, si ce ne sont celles d'ATTENDRE !

       Et partout, les troupes de l'Armée Secrète doivent rester sur le qui vive...

       Faut-il dire, pour mémoire, l'activité du Commandant, devenu, à Waremme, le chef de la Place ?

       Est-il nécessaire d'évoquer la reconnaissance des Autorités locales qu'il fit ?

       Le rétablissement des administrations dissoutes par l'ennemi ?

       – Fut-il même un peu sévère ?

       – On l'a dit !

       Affirmons cependant que son rôle lui commandait cette attitude, dans une ville étrangère pour lui, et dans laquelle il savait rencontrer des personnages qui n'avaient pas toujours été aussi patriotes qu'ils paraissaient l'être ce jour-là...

       Devait-il donner immédiatement une confiance qu'il ne pouvait laisser surprendre ?

       – Allons donc, il avait raison !

       Cette besogne d'ailleurs ne retenait qu'accessoirement ses pensées, car il songeait...

       Il avait son groupe, son bataillon, ses hommes.

       L'activité passée n'avait tendu qu'à un seul but accessoire à celui de la Délivrance : la poursuite de l'ennemi !

       Le combat contre cet ennemi chez lui !

       Et, par trois fois, il sollicita d'entrer en ligne de combat avec les siens, au complet.

       Par trois fois, ses demandes restèrent sans réponse !

       Et cependant, n'avait-il pas sous la main, une élite de jeunes gens disciplinés, armés, instruits et formés par lui-même, et des chefs qu'il connaissait ?

       Ces gars ne portaient-ils pas en eux une valeur magnifique et un désir de combattre illimité ?

       Ces quatre cent cinquante jeunes poitrines de volontaires, au cœur et aux nerfs solides, n'avaient-elles pas, pendant au moins deux ou trois ans – et parfois quatre – préparé leur ardeur pour ce jour « J »... et allait-on essayer de les endormir, à l'instant où beaucoup d'autres se réveillaient enfin ?

       Les démarches ne changèrent rien !

       Les Américains n'y pouvaient rien, sans des ordres belges.

       Il fallut attendre, et attendre encore et veiller.

       Veiller sur les voies, sur les ponts, sur les dépôts !

       Et pendant que les combats s'éloignaient, on vit ces volontaires pour coups durs occupés à ces fastidieuses besognes de surveillances...

       Il y eut bien l'une ou l'autre tentative de sabotage et naturellement aucune ne réussit.

       Mais tous ces hommes n'avaient pas mérité cela !

       Ce n'est pas à ce rôle que les volontaires rêvaient lors de leur défilé à Waremme, pas plus que ceux de Marsouin ou de Narval...

       – Pourquoi l'honneur du feu ne leur fut il pas donné ?

       Mystère...

       Londres, le gouvernement de Londres ne savait-il pas qu'il disposait sur place d'une phalange magnifique ?

       Ignorait-il que si le nombre de jeunes soldats qui animaient la terre belge n'était pas considérable, la qualité était énorme ?

       Une lueur d'espoir intervint... un grand parachutage d'armes fut annoncé.

       Dans le passé, des parachutages massifs d'armes avaient été promis.

       Or, le 17 septembre, les troupes étaient rassemblées sur une plaine nouvelle, entre Celles et Les Waleffes.

       Les premiers avions étaient annoncés pour 16 heures... et à l'heure dite, exactement, le premier « Lancaster » survient.

       Le temps est beau, calme et propice.

       Les volontaires sont heureux de pouvoir jouir, cette fois, du spectacle d'un lancer de containers, en plein jour...

       L'avion défile, prend son virage, revient et largue son chargement qui pique vers le sol un instant...

       Un instant car, soudain, la chevelure des containers se dégage se développe, et s'entre ouvre : c'est le parachute qui se déploie.

       Toutes ces calottes de soies multicolores ressemblent à autant de tulipes de couleurs variées qui descendent et amènent au sol les armes envoyées.

       A peine ces grandes fleurs sont-elles à terre qu'un autre avion survient et la scène recommence…

       D'autres succèdent et la pluie de fleurs continue au point que bientôt le sol est émaillé de petites coupoles de toutes teintes.

       Quatre cent-vingt containers sont arrivés.

       Cent tonnes d'armement sont descendues, d'un ciel libre cette fois, pour MARSOUIN, NARVAL et OTARIE.

       Mitraillettes, « Sten » ou « U-D », des fusils, carabines américaines, fusils mitrailleurs, « Brenn », armes antitanks, bazookas, bombes, grenades et munitions en masse, doublent et triplent l'armement des gars du secteur IV.

       – Pourquoi ?

       – Pour attaquer bien certainement, pensaient les hommes...

       N’était-ce pas évident ?

       Avaient-ils tort de croire, ces braves, qu'ils allaient être envoyés en ligne, cette fois ?

       Or, ils espéraient en vain...

       Les Chefs alliés eurent beau manifester toute la satisfaction qu'ils avaient ressentie lorsque, maintes fois, ils bénéficièrent de l'appoint valeureux de ceux de Narval, d'Otarie ou de Marsouin, rien n'y fit.

       Les volontaires restèrent l'arme au pied, obéissants !

       Certains petits groupes purent s'infiltrer dans les rangs des troupes alliées un instant, mais elles furent rappelées aussitôt...

       Cependant, il y eut un dernier espoir qui se fit jour...

       Anvers était libre, le port également, Merxem ne l'était pas !

       Là bas, des camarades s'efforçaient de refouler l'ennemi qui tenait la rive du fleuve sous son feu.

       L'Armée Secrète Anversoise réclamait des armes à cor et à cris...

       Or le Secteur IV avait les armes, et des hommes aussi.

       Tout est offert.

       Une demande urgente part vers Bruxelles...

       Elle réclame la mise à l'honneur du groupe impatient.

       Réponse ?

       – Donnez les armes !

       Lieutenant GENIN, vous avez vu avec quelle joie, tout l'armement qui vous fut remis chez Prosper vous fut donné, mais vous avez su aussi la tristesse, le désappointement de tous ceux qui vous abandonnaient leurs armes pour la noble tâche que vous aidiez vos amis d'Anvers à poursuivre...

       Et que vous avez terminée splendidement.

FINALE

      Les troupes alliées passaient sans arrêt à côté des nôtres, emportant dans leurs sillons un peu de l'amertume que l'envie faisait naître au cœur des volontaires.

       N’étaient-ils pas dignes de poursuivre l'ennemi dans son repaire, comme eux ?

       Insurgés des premiers jours, n'avaient-ils pas mérité l'honneur d'être à l'avant aux derniers jours ?

       – A l'avant ?

       – Bien sûr !

       – Qui fut plus qu'eux et mieux qu'eux à l'avant, pendant quatre longues années d'oppression ?

       – Manquait-on de confiance en eux ?

       – Manquait-il de témoins de leur courage et de leur obstination ?

       Sans doute, puisqu'on ne trouva à leur donner que des surveillances de lignes de chemin de fer, et à leur ordonner que des promenades sur le ballast des voies qu'ils avaient sabotées autrefois, opiniâtrement.

       Ecoutons des hommes qui rentrent au dortoir de l'Athénée où ils sont casernés, après leurs rondes au Pont de Pousset, à la Gare de Waremme et partout où on dirige leurs pas...

       Des bruits se sont colportés... on demande des volontaires pour la constitution d'unités régulières...

       Et eux ?

       – N'ont-ils pas une unité régulière ?

       – N’ont-ils même pas leur fanion sur lequel des mains amies ont brodé le « rat rouge » sur fond blanc ?

       N'étaient-ils pas du groupe RAT avant d'être d'OTARIE ?

       Ce trait d'union entre leur valeur et leur confiance mutuelle, ce bout de soie de parachute, tombé du ciel aux heures noires du passé, ne suffirait-il pas à concentrer dans l'avenir leurs volontés galvanisées ?

       Non !

       – Bruxelles ne veut pas !

       Ils partiront en isolés...

       Des appels sont faits aux ordres journaliers...

       Les premiers bataillons vont se constituer.

       Certains parmi les officiers sont appelés, avec quelques sous-officiers de l'armée active.

       – Alors ?

       – C'est la dislocation qui s'ébauche.

       Certains s'accrochent ; on leur dit que le restant du groupe pourrait former le cœur d'un bataillon nouveau...

       Mais c'est faux.

       Les anciens soldats répugnent, dans leur humiliation, à l'idée de recommencer l'école du soldat sur des plaines d’exercices, et les jeunes n'aiment pas de quitter les officiers qui restent, auxquels ils sont tellement attachés.

       Hier, on manquait d'armes et cependant il s'en trouvait et des meilleures... on manquait d'habillements, d'uniformes et il y en a pour les bataillons nouveaux.

       – « On se faisait bien casser la G sans tenue, pendant les années maquisardes », disaient les hommes...

       La Discipline militaire ne subissait cependant aucun accroc, car ces combattants valeureux, prêts à toutes les obéissances et à tous les sacrifices, n'avaient qu'une spontanéité de langage compréhensible, qu'ils réprimaient bien vite.

ADIEUX

       Sur le bureau du Commandant, la liste des volontaires s'allonge.

       GEORGES lit : des bourlingueurs vont partir, et il les connaît.

       Sa pensée glisse d'un visage aimé à l'autre...

       Il sait que les unités qui les recevront s'annexeront des éléments de valeur qu'il a formés lui-même...

       Mais qu'il est dur pour un Chef de se séparer de ses hommes alors que la tâche n'est pas finie.

       N'avait-il pas rêvé, lui aussi, de les conduire jusqu'au bout ?

       L'ordre de démobilisation de tous les groupes de résistants n'allait-il pas arriver ?

       Le message de gratitude du général en chef EISENHOWER à tous ces enfants les plus preux du Pays, n'en était-il pas le prélude ?

LA DERNIERE BORNE

       La dernière borne est atteinte, sur la rude route au bout de laquelle – souvenez-vous – il sera peut-être simplement dit : MERCI !

       Et c'est fait... à peine.

       Est-ce le point final ?

       – Faut-il parler de la remise des armes ? Du départ du Commandant, et de toutes les abeilles d'OTARIE ?

       Le Commandant n'a pas caché non plus sa volonté de servir encore.

       Bernard également.

       Georges est appelé à Bruxelles pour être adjoint à une unité anglaise.

       N'évoquons pas les dernières heures d'un commandement qui ne pourraient ajouter qu'une note triste au souvenir.

       Bernard restera seul pour terminer les opérations de démobilisation avec son ami OSCAR, Raoul, Jacques Beauduin et Courtois, trois fidèles camarades.

       Demain pour eux sera-bien vide.

       Ne parlons pas de ce dernier acte monotone, de leurs chiffres et de leurs écritures fastidieuses, mais relisons avec eux les notes établies pendant les mois glorieux, leurs documents, leurs dossiers...

       Passons sur les faits de la vie banale.

       Relisons avec plus d'intérêt, avec joie, les diverses opérations des sabotages et surtout les plus grands : gare de Waremme, pont de Borlooz, Rosoux, Momalle, Remicourt, Landen, Orp, Wamont, Fallais, Braives... jalons de l'ardeur des volontaires qui réapparaissaient à nos yeux.

       Songeons à leurs marches d'approche, et revoyons la démarche, l'attitude, le regard de tous ces acteurs :

       Commandant Georges, Bernard, Jean-Pierre, Léopold, Alfred, Jacques Berger et Mélon, tombés l'un et l'autre, Raoul, Benoît, Modeste, et tous les autres que l'on ne doit pas citer pour ne pas risquer d'en oublier un seul avant de citer le dernier et le meilleur avec le chef : Joseph !

       Arrêtons-nous un peu à la farde de ceux qui se sont distingués spécialement et, cette fois, pourquoi ne pas donner leurs noms à côté de ceux de Georges et de Bernard, les chefs ?

       Pourquoi ne pas rendre à Gaston Nélis, Edmond Leburton, Valère Stasse, Joseph Bailly, André Beauduin, Pierre Jamoulle, Joseph Kindermans, Armand Grenier, Freddy et Jef Budenaers, André Berger, Dechany Gaston, Englebert Jules, Leenarts Edgard, Pirson Aril, Laforêt Jules, Gracey André, Stassart Joseph, Donie Georges, Dawir Zénon, Linart Edmond, Landenne Lucien, Smets Fernand, Robert Charles et Auguste, Jacob Joseph, Schalembourg, Vandenbrouck, Leemans et Joseph Kindermans, le témoignage de leur valeur constante et intrépide ?

       Ne furent-ils pas spécialement cités ?

       Et à côté de ces noms, n'y a-t-il pas ceux des jeunes filles et dames, dont le dévouement inlassable fut rapporté ?

       Que d'autres noms même devraient surgir puisque les témoins n'étaient pas souvent disposés à parler, d'actes auxquels ils avaient eux-mêmes participé et que la modestie taisait...

       Parfois une note relate l'endroit de l'action, et alors c'est un coin de Hesbaye qui apparaît, un lieu quelconque de ce territoire que tous les bourlingueurs connaissaient si bien.

       Suit le dossier des blessés : Freddy Budenaers, Lejeune, Leemans et de Neckère.

       Et encore cette note isolée qui s'informe du sort de trois volontaires emportés dans les geôles allemandes par surprise, note que termine un point d'interrogation : BASTIN, MOES et LEBURTON Albert d'Oreye...

       Où sont-ils ces camarades ?

       Pour tems ces derniers, un peu de sang, et peut-être et, sans doute même, beaucoup de souffrances se sont ajoutées à leurs efforts...

       Dieu sait si l'un ou l'autre de nos disparus n'ajoutera pas son nom demain à celui très cher, des victimes tombées au cours de la lutte vengeresse.

       Car des lettres sont là qui nous les rappellent.

       Lettres fières, lettres résignées et touchantes des familles éprouvées.

       Missives dignes de ceux qui vivaient au doux temps de la paix, aux côtés de ces morts, dignes de ceux qui avaient permis qu'ils s'en aillent vers leur glorieux trépas :

       Richard ORBAN de Berloz.

       Léon BERGER de Waremme.

       Jean-Joseph DUCHATEAU de Hannut.

       Emile MARTIN de Hannut.

       Marcel FAUVILLE de Hannut.

       Léon MELON de Kemexhe.

       Marcel LACROIX d'Ans.

       Jules STIERNET d'Omal...

       Braves entre tous, ces jeunes gens avaient rejoint le sacrifice de tant d'autres victimes du Devoir, qui sont tombées pour que la BELGIQUE reste libre !

       Pour que dans le sein d'une PATRIE très chère, les enfants restent unis.

       Unis !

       Restez-le, camarades d'OTARIE, demain comme aujourd'hui, comme aussi ceux de MARSOUIN, ceux de NARVAL.

       Car votre tâche n'est pas finie.

       Elle commence.

       Vous êtes la Jeunesse et, sur vos épaules, reposeront bientôt des tâches dont vous êtes dignes.

       Vous n'avez pas encore connu toute l'expérience de l'homme, mais vous avez déjà offert au Pays une somme considérable de travail et de dévouement.

       Vous lui avez montré que vous saviez souffrir, lutter, construire et triompher.

       La vie de la Belgique ne doit-elle pas être faite de la somme des vôtres et suffit-il à nos provinces qu'elles soient libres, quand tant de blessures saignent et quand il reste tant à faire encore, pour qu'elles recouvrent la paix ?

       Vous devez joindre, aujourd'hui comme hier, vos volontés, votre ténacité, votre esprit magnifique de solidarité pour panser ces plaies et les guérir.

       A-t-on jamais fini de faire son devoir ?

       Aux jours passés, ne réclamiez-vous pas sans cesse d'autres tâches et restiez-vous un seul jour sans exhorter à l'action des camarades indécis que vous entraîniez bientôt d' ailleurs dans la besogne commune ?

       Alors, pourquoi ne continueriez-vous pas la tâche, écrasant d'un regard méprisant les âmes viles et parasites qui ne voudraient pas suivre votre ascension ?

       Et il y en aura !

       Et il y aura toujours, demain, comme hier, des jouisseurs, des inutiles, des misérables même, pour lesquels l'existence n'offre d'intérêt que si elle les dispense d'efforts.

       Que si elle ne leur présente des agréments faciles qu’au laveur de l'effort et de la sueur des autres.

       Passons...

       Car ceux qui vous ont connus, ceux qui vous connaissent savent que vous ne reculerez pas.

       Que vous saurez défendre la société, la famille immense des Patriotes, contre ceux qui décomposent les plus nobles des sentiments de l'homme.

*     *     *

       Allez !

       Voici l'aube !

       Les bruits du matin vous appellent...

       Après l'avoir si noblement, si vaillamment défendue, reconstruisez la Patrie.

       Bâtissez les unes contre les autres vos maisons.

       Dressez vos foyers, et que tantôt ou demain, vos enfants sachent par vous comme on aime son PAYS.

       Oui, qu'ils le sachent, et par là même, qu'ils vous ressemblent !

       Vive la Belgique !

  1. S. 401829.

 

Zone IV       Armée Secrète       Secteur IV

(Huy-Waremme)

REFUGE OTARIE

Membres effectifs

Compagnie Etat-Major

REYNTENS Louis (« Georges » «Ghislain»)

RENSON René (« Hubert » « Bernard »)

COELMONT Camille (« Oscar »)

CONDE Aurélien.

COMPERE Jean.

QUOITIN Henry Urbain »)

BERTRAND Léon Alfred »)

NAVEAU Ali (« Ignace »)

R.P. LYSENS Albert (« Quirin »)

BOLLE Léon.

STASSE Val, Raoul »)

JAMOULLE Pierre Etienne »)

DELCHAMBRE Auguste.

MULLER Hans Vic»)

GRIGNET Raymond.

MARCHOUL Léon.

MATERNE Jean-Emile.

VAN HOUTEM Joseph.

ANTOINE Henri-Mathieu,

CORNET Paul (« Pascal »)

BEAUDUIN Jacques Jacques II »)

SNYERS André.

SARTENAER Maximilien.

COURTOIS Roger.

CHABOT Léon (« Cyprien»)

COUNAERT Jean.

DETHIXHE Georges.

de PRET Renaud.

FLORQUIN René.

MATHY André.

STRACHVANSCHIJNDEL Adrien.

GROSSAR François.

VANDENSAVEL Jean.

PIRSON Aril.

MASUY Emile.

LURQUIN Emile.

WITTEYRONGEL Raym.

BRANDT Raymond.

RENARD Léonard.

MICHIELS Maurice.

RINGLET Fernand.

VANDERSMISSEN Julien.

NEVEN Marcel.

VAN EYL Adrien.

de WOUTERS Henri.

SOHET Florent.

BOURMANNE Louis.

EVRARD René.

DUCHENE Adolphe.

BRILLET Georges.

GENICOT Georges.

ANGENOT Remy.

·MOSSOUX Raymond.

RENIER Jules.

COUCHANT Hyacinthe.

SAINT-GEORGES Joseph.

BOVY Hubert.

RENWART Rodolphe.

DORMAL Jules.

PIRSON Hadelin.

BELLEFROID Noël.

FUMAL Joseph.

FARCY Victor.

d'OTREPPE Pierre.

d'OTREPPE André.

de MENTEN Pierre.

de MENTEN Thierry.

DARBE Paul.

Compagnie 419

LEBURTON Edmond (« Gilbert » et « Jean-Pierre »)

NELIS Gaston (« Joseph » - « Gérôme »)

BERGER Léon (« Célestin »)

RAMQUET Paul.

BERGER André.

BAILLY Georges.

LEEMANS Arnold.

GUILLIAMS Marcel.

LEJEUNE René.

MATHOT Edouard-Ch.

BELLEFROID Freddy.

DERMINE Edmond.

MATHOT Louis.

BRONCKART Constant.

STASSART Joseph (« Arsène »)

MELON Léon.

DENGIS Albert.

BRONC KART Joseph.

MARSOULLE. Albert.

FLORQUIN Marcel.

VRANCKEN Hubert.

LANDEN Louis.

HALLIN Joseph.

BOSSU Louis.

LANDEN Lucien.

LACROIX Marcel.

LENOIR François.

DESIR Joseph.

GAYET Jean-Joseph.

DUMONT Joseph.

VANDEVENNE Victor.

DEHOUSSE Marcel.

VANDERSCHELDEN Fernand.

LENOIR Jules.

DUPONT Léon.

LHOEST Guillaume.

RUBENS Jules.

DUPONT François.

SCHIJNS Albert.

SCHIJNS Louis.

BRANDT Lucien.

GANSER Joseph.

GANSER Guillaume.

GANSER Georges.

HEU NDERS Léonard.

KERSTEN Jean.

HACCURIA Albert.

GUILLIAMS José.

GUILLIAMS Walthère.

MISSAIRE Herman.

MOUREAU Camille.

JASSELETTE Désiré.

VAN BRABANT Albert.

BAILLY Guillaume.

SMETS Walthère.

WEEMANS Joseph.

MASSIN Adrien.

CLAESSENS Vital.

BOSMANS Paul.

HEUX Henri.

BAILLY Joseph.

LAURENT Georges.

MOUREAU Edmond.

SAUWENS André.

PAPY Justin.

THOMAS Jean.

GODBILLE Maurice.

MATAGNE Arsène.

JEUCKMANS Maurice.

HERCKENS Jules.

FRAIPONT Adolphe.

MENTEN Lucien.

COEME Joseph

MISSOTTEN Jos.-Hubert.

LOIX Marcel.

UTEN Joseph.

UTEN Fernand.

ROUBY Fernand.

COEME Léon.

BOURS Jean.

BAUS Guillaume.

PEETERMANS Willy.

DUMONT Ernest.

ONCKELINX Joseph.

PIRLET François.

STREIGNART Roland.

KEMPENEERS Marcel.

CHAPELIER Gilbert.

WERNY Léon.

POELMANS Jules.

RAUMANS Michel.

MEDAERTS Emile.

PETRY Jules.

ONCKELINX Raymond.

JOCKMANS Victor.

VERMEULEN Georges.

GALLAND Théophile.

WALGOMAS Casimir.

SOBIESNISKI Bogdan.

COUNE Jean.

BEAUDUIN André.

RAMAECKERS Gaston.

STRONCKEN Eugène.

LEUNUS Léon.

TONON René.

PAQUAY Victor.

HELLINGS Auguste.

GUSTIN Alexis.

FASTRE Pierre.

BUDO Arthur.

JACQUET Dieudonné.

KINET Constant.

DOCQUIER Hyacinthe.

SAAL Eugène.

BERTRAND Jules.

DOCQUIER Alphonse.

CHARLIER Louis.

RADOUX Georges.

SAAL Jean.

DOCQUIER Raymond.

DAWIR Zénon.

NOEL Edmond.

PONS Léopold.

COLLARD François.

WYNANTS Alfred.

JACQUET Eloi.

GUISSET Léon.

VERBEELEN Camille.

VERBEELEN Jean.

LEDUC Léon.

STIERNET Jules

Compagnie 420

CARTUYVELS Alfred.

DONIE Georges.

PIRSOUL Achille.

DELANDE Germain.

ROYAKERS Pierre-Jas.

LEROY Stéphane.

PITSAER Pierre.

MOTTIN Pierre.

VAN DER LINDEN Léon.

ROSMAN Jacques.

LEROY Louis.

STREEL Pierre.

DEGUELDRE Henri.

SENY Edmond.

MAURISSEN Georges.

JASPERS Joseph.

HEUSICOM Henri.

NIVELLE Maurice.

PEIGNEUR Jean.

REMACLE Guillaume.

WANSON Emile.

MEEUS Aimé.

FRAITURE Aimé.

WANSON Jean.

BULLY Georges.

DONCEEL Gustave.

STRAUVEN Emile.

STAS Lucien.

DECHANY Alfred.

DECORTY Léonard.

LANCELLE Léon.

MOISSE Maurice.

ROSOUX Gustave.

GEMIS Camille.

DOLHEN Félicien.

GUSTIN Lucien.

DUCHESNE Léonard.

MASTYN Théophile.

WINAND Louis.

WINAND Albert.

HENDRICKX Guillaume.

CONDE Juies.

VERLAINE Emile.

MOERS Jean.

DECHANY Emile.

LURQUIN Adelin.

LINARD Edmond.

de MONJOIE Jacques.

LEONARD André.

DE LEUZE Achille.

de PAUL de BARCHIFONTAINE Albert

d'URSEL Michel.

JACQUEMIN Pierre.

LENAERTS Edgard.

GRENIER Armand.

DECHANY Gaston.

ENGLEBERT Jules.

LONGREE Willy.

GARCEZ ANDRE.

CATOUL Gérard.

SAMBON Jean.

LONEUX Marcel.

BERLAMONT Roger.

LAFORET Joseph.

ROSOUX Guillaume.

COLLIN Eugène.

ROBERT Charles.

ROBERT Auguste.

JACOB Joseph.

LAPORTE LUCIEN.

ROBYNS Félix.

BEYRUS Georges.

ROSSILLON Théodore.

TOSSINS JULES.

TIBAU André.

NOE jean.

JAMOUL jules.

BORMANS Marcel.

JANSSENS René.

SMETS Fernand.

WINNEN Joseph.

BOUVIN Jean.

STIERS Jean.

FOURIER Valère.

KNOPS Julien.

DUCHATEAU Jean-Jas.

FAUVILLE Marcel.

MARTIN Emile

Compagnie 423

SIMON François.

KINDERMANS Joseph.

ORBAN Richard.

GERADON Joseph.

PEREE Georges.

WEGRIA Armand.

FRAIPONT Joseph.

CHRISTIAENS Gaston.

THOMAS Alphonse.

PIRSON Victor.

HOUGARDY Walthère.

AERTS Richard.

HERCKENS Frans.

BADA Joseph.

MOLHAN Elysée.

DANKO Grégoire.

MASLENIKOW Paul.

STELNIKOW Jean.

KOROLEW Victor.

VINCENT Albert.

VANWICK Joseph.

VOLONT Paul.

SMAL Octave.

COLPIN Joseph.

PERIN André.

JOANNES Joseph.

PIRSON René.

GERADON Jos.-Nicolas.

FRERE Jérôme.

CLAES Marcel.

LINOTTE Louis.

ETIENNE Maurice.

LEGROS Alfred.

LARUELLE Léon.

PAUL Fernand.

STOUVENAKERS Jos.

CAPPELEN Jean-Louis.

CAPPELEN Joseph.

BLAIRVACQ Marcel.

BLAIRVACQ Maurice.

MISSOTTEN Julien.

MISSOTTEN Jean.

NEVEN Joseph.

JACQUES Louis.

MOTIARD Jean.

RUTTEN Joseph.

BORREMANS Jacques.

VREVEN Jean.

BUDO René.

FRISSON Jean.

PACQUES Albert.

BUDENAERS Freddy.

GOS Albert.

VANDERSPIKKEN Mich.

NOENS Guillaume.

NEVEN Georges.

SCHAELENBOURG Th.

WALLENWYNS Frans.

ORYE Joseph.

SCHAELENBOURG Em.

JOPKEN Jean.

BUDENAERS Joseph.

VANDENBROEK Jacq.

SCHOEFS Edgard.

KINDERMANS Hubert.

RENSON Rigobert.

MIGNOLET Jean.

MEYERS Roland.

MEYERS Léon.

VANDERGEETEN Jos.

VANDERBENDEN Guil.

FALLA Jean.

KNAEPEN Albert.

GYSEN Léon.

KINDERMANS Jean.

LEEMANS Jean.

ODEURS Martin.

SCHEPERS Joseph.

VANOOST Jean.

VANOOST Willy.

KINDERMANS Prosper.

VANDERSMISSEN Jos.

NOELANDERS Camille.

LEEMANS Henri.

PETIT Robert.

CLAES Ludovicus.

CLAESKENS Roger.

VANHERCK Gustave.

PYPOPS Joseph.

HOUBEN Guillaume.

SMETS Joseph.

KIEKEN Camille.

MOERMANS Camille.

WEEMANS Louis.

MEDAERTS Norbert.

SMOLDERS Mathieu.

PRINCEN Guillaume.

PIRE Nicolas.

Force supplétive et réserve

X ? X... « Prosper ».

BELLEFROID Alfred.

HALIN Pierre.

BODEN Emile.

BOVY Georges.

BUDENAERS Joseph.

CLOOTS Gustave.

D’ANS Charles.

DUBOIS Eugène.

EVRARD Clément.

FILEE Alfred.

GATHOYE André.

HENROTEAUX Georges.

JAVAUX Norbert.

KEYEN Emile.

LAMBERT Paul.

LEGRU Albert.

LEROY Pierre.

LINOTTE Jules.

LOBET Max.

MOMERS Guy.

PIRSON Michel.

POELMANS Adrien.

RENARD Victor.

UYTDENBROECK Aug.

VANDERBENDEN Alph.

VANDERVELPEN Emile.

VOLONT Gilles.

MOES Maurice.

MOFS Joseph.

POLARD Léon.

JACQUES Jules.

BATAILLE Raymond.

MOTTARD Léonard.

MARCHOUL Florent.

ROSOUX Joseph.

GONTHIER Emile.

JEANDARME Jean-P.

JEANDARME Maximil.

MATHIEU Joseph.

HERMAN Jules.

JACQUEMIN Paul.

JOANNES Edgard.

DEKONINCK Cam.-Jean.

WEGRIA Arthur.

PONCELET Hubert.

LEBURTON Albert.

MOYSE Louis.

DETRAUX René.

PETIJEAN Pierre.

THOMAS Maurice.

MARCHOUL Joseph.

FOURIER Alphonse.

LAMBERT Joseph.

BORMANS Hubert.

DELCHAMBRE Julien.

FLAGOTHIER Victor.

HERMANS Gustave.

PETERSEM Armand.

ROUSSELLE Gaston.

CARLENS Hubert.

CLAESEN Constant.

CLAESEN Godefroid.

CLAESEN Pierre.

CLAESKENS Gaston.

COX Jean.

GIEL.EN Gustave.

GYSENS Lambert.

HAUBRECHTS Gilles.

JADOUL Joseph.

MARGUILLIER Albert.

MATHEI Jacques-Ch.

MISSOTTEN Antoine-H.

NISSOTTEN Ant.-Henri.

MISSOTTEN Nicolas.

MOONS Henri.

NEUVILLE Henri.

NEVEN Hubert.

RAMAKERS Jean.

ROBYNS Herman.

ROBYNS Joseph.

ROSSILLON Clément.

ROYER Paul.

SMOLDERS Guillaume.

THEUNIS Boniface.

TIHON Gilles.

VANRUSSELT Albert.

VANRUSSELT Joseph.

VRANKEN Edmond.

COLLARD Raymond.

MACA René.

OLIVIER Clément.

PURNODE « Adrien ».

Gendarmerie

JAMAR Joseph.

ANDRE Raymond.

BRICQ Ernest.

BERNIER Jean.

CHOFFRAX François.

CHEVALIER Gaston.

COLLARD Georges.

COURTOIS André.

CURTZ Karl.

DAELEN Jean.

DAMBLY Roger.

DAVREUX Fulgence.

de BARQUIN Marcel.

DEGEMBRE Edmond.

DELCHAMBRE Bernard.

DELCOUR Jules.

DEKONINCK Camille.

DELVIGNE Louis.

DOMINICY Jean.

EVRARD Louis.

GERARD Omer.

GODART Olivier.

GRANDFILS Arthur.

HUBERTY Jules.

JACQUET Adelson.

LAROCK Guillaume.

LAUWAERT Oscar.

LEBON Gilbert.

LECLERCQ Gilles.

LELOUTRE Ernest.

LEFEVRE Georges.

LIVIN Marcel.

MARECHAL Jules.

MERVILLE Félicien.

MICHEL Joseph.

MINET Arthur.

NEMAN Ghislain.

PIERRARD Albert.

PIRLOT Firmin.

POURTOIS Léon.

PUTZEYS Marcel.

RENARD Georges.

RONVAUX Célestin.

SERVAIS Armand.

SAINT-MARD Georges.

SCHMITS Jean.

THEIZEN Joseph.

TOUSSAINT Jean-Bapt.

VIGNERON Léon.

WILMET Edgard.

WALLON François.

WALGRAFFE Adelin.

BASTIN.

Personnel Féminin

BUDENAERS Gladys.

MARECHAL Rita.

MOUREAU Maria.

PAQUOT Paula.

PIROTTE Madeleine.

JAVEAUX Anna.

LECLOUX Madeleine.

SENY Marie.

BEAUDUIN Marie-Elisab.

VALLEE Mariette.

BERGER Paulette.

ABEELS Sidonie.

COUNE Laure.

deI MARMOL Françoise.

DELANGE Annie.

HENDRIKX Ninie.

WERY Eva.

MARCHOUL Josée.

BRUYNINX Marie-Louise.

       sont morts au Champ d’Honneur.

 

 

 

 

 

      

 

      

     

      

      

 

      

 

 

       

 

 

      

 

 

 

 

 

      

 

 

 

 



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