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75ème
ANNIVERSAIRE DE LA BATAILLE DE BAULERS Joël Fery La journée de commémoration du 75ème anniversaire de la bataille de Baulers s’est déroulée le mercredi 13 mai 2015. Elle a été un beau succès tant par la présence d’une foule nombreuse que par celle du soleil. Les dernières grandes manifestations patriotiques de cette envergure avaient eu lieu en 1921 lors de l’inauguration du Monument 14-18 et le 15 mai 1945, lors de l’inauguration du monument 40-45. Cette année, plus de deux cents cinquante personnes étaient présentes à cette cérémonie d’hommage, dont une septantaine d’élèves des classes des 5ème et 6ème années de l’Ecole André HECQ, encadrés par plusieurs instituteurs et leur Directrice Madame Cécile GLIBERT-ENGELBIENNE. La Musique Militaire de la Force Aérienne forte d’une quarantaine de musiciens et un détachement de soldats en armes de la Pharmacie Militaire de Nivelles nous ont fait l’honneur de leur présence exceptionnelle. Etaient aussi présents : Monsieur André FLAHAUT, Ministre du Budget, à la Fonction publique et à la Simplification, Madame Marie-Christine BUTTEL, Consul Général de France, Monsieur Christian GIRODO, Vice-Consul de France pensionné depuis le 31 décembre 2014, Monsieur Roger THEVENIN, bientôt âgé de 101 ans, dernier combattant encore en vie du 43ème RI ayant participé aux combats de mai 40, fait prisonnier à Baulers le 16 mai, et Monsieur Jean-Claude THEVENIN, son fils, Monsieur Pierre HUART, Bourgmestre, Les Echevins : Philippe BOUFFIOUX, Pascal RIGOT, Bernard LAUWERS, Colette BLERET-DELMOTTE, Les Conseillers Communaux : Claudine THEYS, Willy MANQUOY, Marie-Thérèse BOTTE, André LECUYER, Monsieur Olivier COLMANT, Colonel aviateur du Commandement Militaire de la Province Brabant Wallon, Monsieur Edouard BOULANGER, Pharmacien Lieutenant-colonel, Chef de Corps 5MI, Monsieur Daniel LEBRUN, Capitaine-commandant, Commandement militaire de la Province du Brabant Wallon, Monsieur DEGLUME, Lieutenant-colonel d’Aviation, Monsieur Pascal NEYMAN, Chef de Corps, Commissionnaire Divisionnaire, Une délégation de l’Amicale des Anciens du 43 RI composée de : son Président Monsieur Aimé PORQUET, de Monsieur Jean BARON, vice-président, de Monsieur Bruno CHIERS, secrétaire général, de Madame Christiane MOUTIEZ, secrétaire adjointe, de Monsieur Christian CACHEUX, administrateur en coopération et de Monsieur Michel KELLNER, porte-drapeau de l’Amicale, Le Lieutenant-Colonel Claude MICHEL, Délégué Général du Souvenir Français en Belgique, Monsieur Claude COMTE-OFFENBACH, Président de l'Union des sociétés Militaires Françaises de Belgique, Monsieur Marcel LETURGER, Président de la Fraternelle des Anciens Militaires Français de Liège Monsieur MONCLUS Jean-Luc, Délégué local du Souvenir français pour l’entité de Seneffe, Madame PELSMAEKERS Paulette, Déléguée local du Souvenir Français pour l’entité de Court St-Etienne, Monsieur FERY Joël, Délégué local du Souvenir français pour l’entité de Nivelles et Président de l’ASBL « DU COTE DES CHAMPS » de Baulers, Erich D’HULSTER, Président Association Patriotique nationale et internationale, Monsieur Jean-Luc LENGELE, Chief Warrant Officier e.r., Président Groupement des Associations Patriotiques de l’entité Perwézienne, Président Provincial Brabant Wallon de la Fédération Nationale des Combattants de Belgique, Vice-Président National de la Royale Union des Fraternelles des Anciens Combattants, Président Provincial de la section du Brabant Wallon du Mouvement Dynastie Belge, Monsieur Guy MAGNUS, Président du groupement patriotique Saintois (Tubize), Monsieur Jacques DAVOINE Lieutenant-Colonel aviateur er A cela, il faut encore ajouter une trentaine de courageux porte-drapeaux tant français que belges, représentants d’Associations Patriotiques diverses.
Après réception des invités par les Autorités communales, la Musique Militaire et le détachement de la Pharmacie Militaire se mettent en place sous les ordres du Commandant LEBRUN. De même, Claude COMTE-OFFENBACH dirige les porte-drapeaux de part et d’autre des monuments 40-45 et 14-18. A leur tour, les enfants se mettent en place, six enfants sont chargés de porter les gerbes de fleurs et d’accompagner les Autorités. L’Ecole de Baulers est aussi représentée par son porte-drapeau. Lorsque tout le monde est en place, le Bourgmestre entame son discours qui retrace les évènements de mai 40 à Baulers ainsi que la bataille qui s’y est déroulée le 16 mai. Ces quelques jours de combats font une cinquantaine de victimes dont une quinzaine d’entre-elles décèdent de leurs blessures. Joël FERY, délégué local du Souvenir français entité de Nivelles et Président de l’ASBL « DU COTE DES CHAMPS » de Baulers Joël FERY a écrit plusieurs ouvrages à ce sujet, dont le plus connu est intitulé « LA BATAILLE DE BAULERS », et une biographie de Roger THEVENIN intitulée « DU PETIT JESUS AU CAPORAL DU 43 RI » qui reprend les combats qui se sont déroulés entre HEVILLERS et BAULERS entre le 12 et le 16 mai. Ces faits sont peu ou pas connus par le public car la plupart des habitants avaient quitté le village. Il ne restait alors que le maïeur et le champêtre, et quelques rares irréductibles. La seconde partie du discours était réservée à l’exposition organisée par l’ASBL « DU COTE DES CHAMPS » sur le camp de SOLTAU. Discours de Monsieur le
Bourgmestre : « C’est maintenant la quatrième année consécutive que nous
avons l’honneur et le plaisir de recevoir notre ami Roger THEVENIN, qui,
rappelons-le, a été fait prisonnier le 16 mai 1940 à Baulers. Il est le dernier
soldat du 43ème RI ayant combattu en 40 encore en vie. Nous saluons aussi la présence de son
fils Jean-Claude, un enfant de la guerre, comme le disait Denise, sa maman, à
laquelle nous pensons tout spécialement aujourd’hui car elle est restée à la
maison pour des raisons de santé. De plus, elle est âgée de 101 ans depuis le 8
mai et nous lui souhaitons un très joyeux anniversaire. Lt Colonel d’Aviation Etienne DEGLUME et non pas le Lt Colonel COLMANT De gauche à droite : Etienne DEGLUME Lieutenant-Colonel d’Aviation, Marie-Christine BUTTEL Consul Général de France, Pierre HUART Bourgmestre, Claude MICHEL Délégué Général du SOUVENIR FRANCAIS A l’occasion du 75ème
anniversaire de la bataille de Baulers, je vais tenter d’en rappeler les faits
les plus marquants. Le 10 mai 1940, le champ d’aviation de Nivelles est bombardé. Les hangars sont détruits. Trois victimes sont à déplorer et l’une d’elles est décédée. Le lendemain, l’aviation
allemande bombarde la gare de Baulers, les annexes sont détruites ainsi que
deux habitations, tuant Victorine Janssens et son garçon de cinq ans. Le 13 mai, le 1er P.A.D.
(Parc d’Artillerie Divisionnaire) français prend position au château Bouillon,
chez le Bourgmestre Amaury de RAMAIX. Il y installe son Q.G. Le 14 mai, la compagnie d’ouvriers du 1er
P.A.D., pourtant bien camouflée sous les arbres du parc du château, est en
butte à des mitraillages d’avions. Vers 11 heures, le cantonnement est
violemment bombardé par des escadrilles d’avions allemands volant assez haut,
et cela à trois reprises différentes. Elles larguent généreusement des bombes
incendiaires, puis des bombes explosives. L'occupation des caves et abris est
immédiatement ordonnée, mais une partie du personnel ne peut s'abriter avec
assez de célérité; de lourdes pertes s'ensuivent : le chauffeur RICHE est
tué, 12 hommes sont blessés et évacués par le médecin du P.A.D. Quatre à cinq
blessés sont dans un état grave dont le brigadier-chef BAUDUIN et
l'ouvrier RAVAUX, grièvement blessés, ces derniers succomberont à leurs
blessures peu de temps après. André FLAHAUT, Ministre du Budget, à la Fonction publique et à la Simplification, très attentif aux différents discours De nombreux dégâts matériels sont à
déplorer. Cependant, de graves accidents ont été évités grâce à la présence
d'esprit et au courage de chauffeurs qui, animés par les officiers et les
cadres, parviennent à éloigner des incendies les camions chargés de munitions. Au début de l'alerte, le P.C.
fonctionnait au château. Les occupants avaient émigré vers des caves voisines.
Leur déplacement fut fort opportun car, peu après, le P.C. se trouvait en effet
complètement écrasé, mais sans accident de personnes. Une soixantaine de bombes tombent sur le
village à différents endroits. Au moment de l’attaque, une bombe
incendiaire a explosé à l’endroit où nous sommes, détériorant le monument de
14-18. On peut encore y voir les impacts de shrapnel. Le 15 mai, une partie de la population baulersoise évacue vers la France. Cependant, face à la
désorganisation du service des trains (absence d’aiguilleurs et de chef de
gare), les autres habitants sont contraints de partir à vélo ou en chariot.
Certains se réfugient à la malterie proche de la gare. Le 15 au soir, à la nuit tombée, ordre
est donné au P.A.D. de quitter Baulers et de se porter au bois de Baudemont, 5 km plus à l'ouest, en évitant la traversée de
Nivelles où des incendies sévissent depuis plusieurs heures. Le repli est
consécutif à celui qu'effectue la division. Le mouvement s'achève le lendemain
matin. Le 16 mai, dans l’après-midi, le P.C. du
43e Régiment d’Infanterie s’installe dans la ferme du Chapitre,
située à quelques dizaines de mètres de l’endroit où nous nous tenons. Le 43e RI (Régiment
d’Infanterie) prend position dans le village de Baulers depuis la chaussée de
Bruxelles au bout de la rue de Dinant jusqu’au carrefour de Thines.
Il doit tenir un front de plusieurs kilomètres. Cependant, les unités encadrantes n’ayant pas eu le temps de se ressouder au 43e
RI, les deux flancs sont à découverts. Les points d’appui des bataillons étant
séparés par de larges intervalles, le Colonel du 43e RI avait donné
l’ordre à la CRME (Compagnie Régimentaire Engins Mitrailleurs) de défendre et
de couvrir le flanc droit du Régiment. Dans l’après-midi, l’artillerie
allemande va attaquer les positions françaises et entamer un large mouvement
d’encerclement. Sur le flanc gauche, la ferme Hanneliquet
est prise sous le feu des chars et des automitrailleuses allemandes. Lucien
CAUDMONT, parti en reconnaissance avec sa section, sera tué lors de l’attaque
d’un char à la grenade et sa section décimée. Puis les Allemands donnent
l’assaut de la ferme, le canon de 25 est mis hors d’usage, et malgré les
nombreux blessés, les soldats français tiennent bon et font face. Du côté de Hanneliquet, l’attaque allemande est stoppée. Entre Alzémont
et Thines, la CRME (Compagnie Régimentaire Engins
Mitrailleurs) est en position. Lucien VANDAELE, un membre de la section et
camarade de Roger THEVENIN part en éclaireur, il n’en reviendra pas. En fait,
l’infanterie allemande est proche et prépare l’attaque. Lorsque l’ordre de repli est lancé, la
CMRE quitte sa position, seule la section de Roger THEVENIN reste en place avec
le dernier canon de 25 encore en état. En fait, elle n’a pas reçu
l’information. A la ferme Hanneliquet,
les soldats français quittent discrètement Baulers, emmenant les blessés,
laissant les morts. Lucien CAUDMONT, Lucien VANDAELE et Roger RICHE sont
enterrés sur place. A Alzémont,
les Allemands attaquent et la section de Roger THEVENIN est prise à revers. Les
balles ricochent sur l’acier du canon. Un groupe de prisonniers français est
envoyé par les Allemands pour parlementer et demander à Roger de se rendre car
sa section est la dernière à combattre, sinon elle périra. La section n’a pas
d’autre choix que de déposer les armes. Les blessés sont soignés et évacués.
Roger est emmené comme prisonnier, pour se retrouver avec ses camarades face à
ce mur de l’Ecole des Sœurs de la Divine Providence. Là, il est persuadé qu’il va y passer,
les Allemands sont nerveux. Roger espère même sauter le mur et s’enfuir. Un
officier allemand intervient et calme le jeu. Roger et ses deux compagnons sont
emmenés dans une ferme pour y passer la nuit, ils y retrouvent une bonne
vingtaine de gars de leur compagnie. Le 17 mai, les Allemands envahissent le
village et Nivelles. Les réfugiés de la malterie et les Sœurs seront les
premiers à rentrer. Madame Ceulemans est retrouvée morte dans sa cave. Elle
sera enterrée, enveloppée dans un simple drap, car il n’y a pas de menuisier
pour lui confectionner un cercueil. Il n’y aura pas de cérémonie funéraire, le
prêtre étant lui aussi absent. Beaucoup de maisons ont été pillées, le linge,
le savon, le sucre et la farine ont été volés. Certains réfugiés rentreront bien plus
tard, bloqués sur les routes de l’exode. A leur retour, certains retrouveront
leur maison occupée par les Allemands. En l’espace de quelques jours, une
cinquantaine de victimes sont à déplorer dont quatorze ont trouvé la mort, sans
compter ceux qui n’ont pas été recensés entre les points extrêmes du front. Avant de terminer ce discours, je tiens
à rendre respectueusement hommage à toutes les victimes de guerre tant
militaires que civiles, dont la plupart des noms sont repris sur les Monuments
aux Morts, et plus particulièrement ceux parrainés par les classes de 5e
et de 6e années primaires de
l’Ecole André HECQ : Gaston AVERMAETE Lucien CAUDMONT * * * L’A.S.B.L. « DU COTE DES CHAMPS »
organise cette année une exposition qui a pour thème le camp de Soltau, elle insistera sur la souffrance de ces oubliés
civils qui ont été envoyés dans des camps de travail. A gauche du portail de ce que fut jadis
l’usine Delcroix, une plaque commémorative, scellée
dans le mur, peinte en lettres dorées, rappelle l’exode forcé de 1.136 citoyens
de Nivelles et de ses environs. L’ennemi y avait rassemblé la population mâle
en vue de sélectionner les plus aptes à servir dans leurs usines en Allemagne,
afin de libérer un nouveau contingent militaire allemand. Le 8 novembre 1916, rassemblés près du
Palais de Justice, le groupe s’ébranle vers la rue de Bruxelles, puis passe
sous le pont de la chaussée de Bruxelles pour arriver enfin à l’usine Delcroix, à Baulers, où le triage se fait dans
l’établissement, après avoir remis sa carte d’identité. Dans une autre salle,
on demande alors à ceux qui sont choisis s’ils veulent travailler volontairement
en Allemagne. Si c’est non, la réponse est « Allemagne », et il faut attendre
alors dans une troisième salle. Le groupe emprunte alors la voie de
raccordement qui rejoint la gare de triage de Baulers où un train l’attend. Un
fois embarqué dans les compartiments, les portes sont fermées à clef. Juste avant le départ du train, une
charrette arrive avec des colis qui sont aussitôt distribués (couverture,
tartines, chocolat, …). Le bourgmestre DELCROIX assiste au
départ du train qui, bientôt, file sur Ottignies via Fonteny et Genappe, puis Louvain où le train marque un
arrêt pour se soulager, ensuite Landen, Liège et Aix-la-Chapelle, où de la
soupe claire, à base d’eau, de farine et du bouilli, est servie. Le train se
remet en marche pour Cologne, puis Munster où chacun reçoit un morceau de
saucisson et du thé. Le convoi arrive à la gare de Soltau
le 10 novembre, à 8 heures. Le voyage a duré 38 h. Les convois suivants partiront de la
gare de Nivelles-Nord. Là, il ne s’agira plus de trains voyageurs comme le
premier convoi mais bien de wagons fermés à marchandises. Une fois triés, les
citoyens choisis y sont entassés, sans chauffage et peu d’aération. Soltau est
situé à quatre-vingts kilomètres de Hanovre, au sud de Hambourg. C’est un camp
de représailles construit sur des marais, les conditions de vie y sont
particulièrement difficiles. Des déportés de Lessines, d’Enghien et
de Soignies sont déjà installés. Avec ceux de Nivelles sont arrivés les déportés
de Braine-le-Comte et d’Ecaussines. Plus tard, ceux
de Ciney et de Rochefort suivront. Le camp dispose d’une soixantaine de
baraquements, entourés de miradors et de fils barbelés. Une allée centrale
divise le camp en deux. D’un côté sont logés les prisonniers de guerre, de
l’autre les civils. Aucun contact n’est autorisé entre eux,
aucune conversation, même pas un simple salut. Chaque baraque compte quatre chambres et
chaque chambre peut contenir 150 hommes. Les lits sont superposés et à quatre
compartiments installés sur deux rangs. Les paillasses sont réalisées à l’aide
d’un sac bourré de bruyères, de copeaux de bois et de papier, des couvertures
sont distribuées. Ensuite, c’est la visite médicale, puis
la tonte, les déportés sont ensuite passés au savon noir et enfin à la douche.
Les vêtements mis en paquets sont désinfectés. Les premiers prisonniers de guerre
arrivés sont belges, ils construisent le camp dès 1914, c’est la raison pour
laquelle on l’a appelé « le camp des Belges ». Cependant, il accueillera des
prisonniers de guerre tant français (majoritaires), que russes, anglais,
serbes, italiens,… et aussi des civils. La nourriture était maigre et peu
fortifiante : soupe au son, aux choux, aux betteraves et carottes, aux déchets
de poisson. Les tubercules sont gelés. Le menu est identique chaque jour. Le
pain est sec, vieux de plusieurs jours et la ration se limite à 250 g par homme
et par jour, quand il y en a. Malgré la menace, la privation et la
souffrance, la plupart des civils restent réfractaires au travail. Les soins de santé sont plus
qu’élémentaires. Au bout de très peu de temps, ces hommes sont obsédés par
trois pensées dominantes : la faim, le froid, la mort. Le vent glacial s’insinue partout, tout
comme la vermine. Peu de baraques sont chauffées et l’hiver 1916-1917 est
anormalement rude, la température avoisine les –20°. Sans couverture, sur des
paillasses rembourrées de bruyères et de fibres de bois, parfois sur des
couchettes superposées, souvent le ventre vide, le déporté civil a froid et a
faim. Les déportés doivent subir les nombreux
appels, à l’extérieur, immobiles dans le froid. Cependant, ceux de l’hiver
1916-1917 semblent éternels par le froid vif qui leur glace les os et mord
leurs chairs à moitié nues, et pas question de bouger, il faut rester immobile
au risque d’être roué de coups de trique ou de gourdin, ou de voler au cachot,
endroit si exigu qu’on peut à peine se bouger. Les punitions sont généreusement
distribuées, toujours au-dehors, quel que soit le temps. Une des tortures couramment appliquées à
Soltau est d’attacher le prisonnier à un poteau à
l’aide de cordes et de le laisser ainsi pendant des heures. Le sort matériel des prisonniers de
guerre est nettement plus acceptable que celui que va connaître les déportés.
Le déporté civil n’est protégé par aucune Convention, il est laissé à la merci
du bon vouloir du chef de camp et des gardes. Il lui suffirait de signer le contrat de
travail pour améliorer sa misérable condition de vie. C’est sur cela que les
Allemands comptent, mais il ne le fait pas, même affaibli physiquement et
moralement, car pour lui, travailler pour l’Allemand, c’est trahir son pays et
ceux qui ont combattu pour le défendre. Pas question de se soumettre. Les décès sont nombreux à Soltau. Un coin du cimetière était réservé aux chômeurs
déportés et les Allemands avaient prévu beaucoup de place. Enfin, le 9 mars 1917, le Kaiser fait
suspendre les déportations. Par petites groupes, les déportés sont libérés,
plus pour ne pas les voir mourir en Allemagne que par humanité. En avril 1917, les rescapés étaient,
pour la plupart, rentrés chez eux. Beaucoup ne survécurent pas longtemps,
anémiés, couverts de plaies, atteints d’infections diverses, d’œdèmes, de
tuberculose, de pleurésie, etc… Ils ne tinrent pas le
coup longtemps. Cela explique aussi pourquoi on peut
lire sur certaines tombes : « Déporté à Soltau, mort
en 1917 ». Toutes ces atrocités, beaucoup de nos
Anciens les ont vécues, et il ne faut pas qu’elles tombent dans l’oubli. Il est
important de raviver la mémoire collective et aussi de la faire vivre le plus
longtemps possible, de la remettre à l’honneur et de la sauvegarder. Les
actions que nous menons pour préserver cette Mémoire sont un des garants de la
pérennité de celle-ci auprès des générations futures. Vive la France, Vive la
Belgique. » Suivent les discours de Madame BUTTEL,
Consul Général de France, puis de Monsieur Roger THEVENIN. Marie-Christine BUTTEL, Consul Général de France
Discours de Madame le Consul Général de France : « Monsieur le Bourgmestre, Monsieur le Commandant
militaire, Mesdames et Messieurs, Il y a les évènements que
retient l’Histoire, avec un grand H. Les évènements qui ne peuvent
être oubliés. Les journées que l’on retrouve dans tous les livres d’Histoire,
les journées où tout a basculé, ou aurait pu basculer. Et puis, il y a l’histoire à
hauteur d’hommes. Car la guerre, c’est aussi la
somme des destins broyés et des vies perdues. Ici, à Baulers, il y a 75 ans,
la guerre, cela a été le combat acharné d’un petit groupe d’hommes, que la
Grande Histoire a oublié parce qu’il s’est trouvé noyé dans un désastre bien
plus grand. La guerre, c’était aussi les actes
de résistance, petits ou grands, de ceux qui ont refusé de céder face à la
barbarie, des actes qui, entre 1940 et 1945, ont conduit ceux qui les ont
commis dans les camps de concentration. Et puis, il y a eu les victimes
civiles, celles qu’on ne voit pas sur les monuments aux morts. Des victimes
trop souvent oubliées des commémorations, qui ont trouvé la mort loin de chez
elles sur les routes de l’exode ou qui ont été rattrapées par la guerre, dans
leur village, dans leur maison. Aujourd’hui, c’est précisément
cette histoire à hauteur d’hommes que nous évoquons, à l’occasion de cette
cérémonie. Le devoir de mémoire et de transmission, ce n’est pas uniquement
rappeler qu’ici, dans cette région de Belgique, dans ces jours de mai 1940,
l’Armée française s’est opposée à l’envahisseur allemand et qu’a eu lieu la
première bataille de chars de l’histoire de la guerre. C’est aussi dire, en
particulier aux plus jeunes, qu’un jeune Français de vingt ans, qui avait des
parents, un frère, des sœurs, est mort, ici à Baulers, que certains habitants
de Baulers ont été tués pendant ces combats, que d’autres ont résisté, ont été
déportés. Ceux qui peuvent encore
témoigner de ce que furent ces jours sombres de l’Histoire sont peu nombreux.
Et c’est un très grand honneur d’avoir Monsieur Roger Thévenin,
ce matin, parmi nous. Alors il faut beaucoup de
travail, de recherches, d’engagement et de ténacité, pour redonner un nom, un
visage à ces hommes et ces femmes qui sans cela auraient été engloutis dans
l’anonymat que les grands désastres réservent à leurs victimes. Je tiens
donc à remercier la commune de Baulers, l'A.S.B.L. « Du côté des champs » et
son Président, Monsieur Joël Fery, pour le travail de mémoire qu’ils réalisent,
qui permet de garder vivant, 75 ans après, le souvenir de ceux qui ont sacrifié
leur vie ».
Discours de Monsieur Roger THEVENIN : Roger THEVENIN, bientôt 101 ans, Ancien Combattant du 43 RI en mai 1940, le dernier survivant « A moins d’un miracle, et cela arrive quelques fois, c’est
probablement mon dernier petit discours que j’ai l’honneur de faire ici à
Baulers en votre compagnie. Quel étrange destin que celui
d’un petit caporal qui par sa présence permet de compléter une page d’histoire
et de discourir alors qu’il ne l’a jamais fait durant toute sa vie. C’est
qu’ici en cette circonstance, il suffit simplement de laisser parler son cœur.
Il nous dira sa souffrance chaque fois qu’il dépose la gerbe de fleurs au pied
du monument. Il vous dira combien est grande
son admiration de voir dans l’assistance autant de recueillement au moment d’un
souvenir qui n’est pas prêt de s’éteindre ! Et maintenant, comme une
confession, il me faut compléter cette page d’histoire ! Pourquoi le caporal tireur au
canon de 25 mm de la Compagnie est retourné à Court-Saint-Etienne quelques
années après son retour de captivité pour retrouver le chemin creux[1]
et négliger Baulers ? Parce que c’est dans ce chemin creux que ma compagnie a
réalisé un bel exemple de courage et de résistance face à l’ennemi. Bombardée par l’artillerie et
les Stukas, elle n’a pas bougé. Tout fut remis en état, et à la première
accalmie nous étions prêts à faire face à nouveau quand l’ordre de repli
arriva. J’ai pensé que notre artillerie
allait répliquer. Au loin des bruits d’avions ! Enfin voilà les nôtres,
pensais-je ! Hélas. Le repli continua en direction
de Baulers. Vous connaissez déjà le piège dans lequel je suis tombé avec mon
groupe ! Baulers fut pour moi
l’humiliation et la honte de se retrouver prisonniers ! Voilà pourquoi je ne
voulais pas y revenir. Aujourd’hui, avec le temps, la
douleur est depuis longtemps partie, et je peux sans honte regarder maintenant
ce mur[2]
en face grâce à vous tous ici présents ! Pendant mes cinq années de
captivité, j’ai dû livrer comme une mission, un nouveau combat : je l’ai
réussi. Ici pendant
ces cinq dernières années, j’espère aussi avoir accompli avec vous, mon devoir
! […] Vive la France Vive la Belgique »
Et enfin, Madame Cécile GLIBERT-ENGELBIENNE, Directrice de l’Ecole André
HECQ termine avec son discours : « Madame le Consul général de
France, Monsieur le Bourgmestre, Mesdames et Messieurs les Echevins et
Conseillers, Monsieur le Commandant militaire de la Province, Monsieur Roger Thévenin, Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités,
Chers membres de l'ASBL « Du Côté des champs », Chers enseignants et chers
élèves, Nous voici à nouveau réunis pour
célébrer ensemble, en présence de Monsieur Roger Thévenin,
le 75ème anniversaire de la Bataille de Baulers car le 16 mai 1940,
on se battait ici à Baulers. Commémorer, c'est célébrer un
souvenir, se remémorer ensemble des événements du passé, c'est tirer des leçons
du passé afin de ne plus voir les horreurs du XXème siècle se répéter. C'est se
rappeler les événements marquants du passé car on ne peut façonner le présent
et préparer l'avenir sans se tourner vers notre histoire. C'est sensibiliser les plus
jeunes aux faits qui ont marqué l'histoire en leur présentant des témoignages
et des traces du passé. Il y a 5 ans, en 2011, M. Joël
Fery a confié une double mission à nos élèves de 6ème année. La
première consiste à être, pendant un an, les relais de la mémoire des
événements qui se sont déroulés ici à Baulers en mai 1940, par le biais de
l'observation des traces laissées par ces tragiques événements et que nous
pouvons observer aujourd'hui encore, notamment lors du parrainage des tombes
des soldats tombés à Baulers. La seconde, très symbolique,
consiste à passer ce relais, chaque année, aux élèves de 5ème. Joël,
passionné d'histoire locale, nous a fourni les différents ouvrages qu'il a
rédigés et qui contiennent une multitude de documents, de photos,
d'illustrations que nous pouvons observer et exploiter avec nos élèves leur
permettant de se forger leurs propres images. Chaque année, depuis 5 ans
maintenant, l'ASBL « Du côté des champs » met sur pied une exposition que nous
pouvons visiter avec les élèves, commentée par des passionnés d'histoire en vue
d'illustrer un des pénibles épisodes d'une des 2 guerres mondiales, au départ
d'une trace visible sur le territoire de l'entité de Nivelles. Depuis 2012, M. Roger Thévenin, dernier soldat, centenaire, ayant combattu ici à
Baulers nous fait l'honneur d'être parmi nous et nous l'en remercions car sa
présence et son histoire resteront gravées à jamais dans la mémoire de nos
élèves. Roger a eu une attention très
particulière envers nos élèves, en confectionnant lui-même ce relais, symbole
de la passation du devoir de mémoire, qu'il a gravé pour eux, avec le plus
grand soin. Relais que Lucie, élève de 6ème primaire s'est vu confié l'an
dernier. A son tour, Lucie va le passer à Calista, élève
de 5ème à son tour qui s'engage, avec l'aide de tous les élèves de nos 2
classes de 5ème, à perpétuer ces souvenirs et à collaborer à
l'entretien et à la conservation des sépultures. Je vous
remercie de votre attention ». Cécile GLIBERT-ENGELBIENNE, Directrice de l’Ecole André HECQ, entourée par les élèves qui vont se passer le relais Les élèves de 6ème année passent
le relais aux élèves de 5ème année, qui s’engagent à parrainer les
sépultures reprises au monument 40-45 pour l’année qui suit. Le Bourgmestre dépose tout d’abord seul une
gerbe au panneau PETITNIOT-VAN WEZEMAEL.[3]
Ensuite, il fait de même au monument 40-45, suivi par Madame le Consul Général
de France, les Anciens du 43ème RI, le Souvenir Français, l’ASBL « DU COTE DES
CHAMPS », la Fraternelle des Anciens Militaires Français de Liège et Roger
THEVENIN. Chacun est accompagné par un élève qui porte la gerbe. Cette année, quatre nouveaux mâts de
drapeaux ont été installés de part et d’autre des monuments des deux guerres. L’ASBL « DU COTE DES CHAMPS » les a
récupérés sur l’ancien site de REDIRACK, avec l’autorisation de l’entrepreneur
en charge des travaux, puis les a offerts à la Ville qui les a mis en place.
DEPLACEMENT VERS L’ANCIEN CIMETIERE DE BAULERS Alors que les Autorités
sont en position de respect au centre de la place, la Musique Militaire entame
l’air « Aux Morts » français. Ensuite le détachement de
la Pharmacie Militaire se déplace au pas cadencé vers le Monument 14-18, sous
la surveillance du Commandant Daniel LEBRUN. Le Bourgmestre, le
Commandant militaire de la Province, l’ASBL « DU COTE DES CHAMPS » et Pierre
GIRBOUX déposent ensuite une gerbe de fleurs au second monument. La Musique Militaire
entame alors les airs du « Last Post » belge, de « La
Marseillaise » et enfin, de « La Brabançonne ». Le cortège se forme
ensuite pour se rendre à l’ancien cimetière de Baulers sur l’air de « Sambre et
Meuse ». Le détachement de la Pharmacie Militaire ouvre la marche, suivi par la
Musique Militaire de la Force Aérienne, les porte-drapeaux, les Autorités, les
élèves et la population. La Musique Militaire se
met en place devant le parvis de l’Eglise, les élèves restent en attente sur la
pelouse de la cure, tandis que le détachement de la Pharmacie Militaire se rend
à l’ancien cimetière pour se placer de part et d’autre de la sépulture des
soldats français (CAUDMONT, VANDAELE et RICHE). Les porte-drapeaux forment une
seule ligne derrière les autorités. Le Bourgmestre et le
Consul Général de France déposent chacun une gerbe sur la sépulture des soldats
français, puis la Musique Militaire entame l’air « Aux Morts » français,
suivi d’une minute de silence, puis l’air de « La Marseillaise ». Les Echevins et
Conseillers communaux partent alors en trois groupes distincts déposer une
gerbe aux sépultures de Gaston AVERMAETE, de Georges CLAES et de Ferdinand
BOURGUIGNON. La Musique Militaire joue alors les airs du « Last Post » belge
et de « La Brabançonne ».
A la sortie de la cure, le
cortège se reforme pour se rendre à pied à la ferme Hanneliquet.
Celui-ci s’étire sur une centaine de mètres au son de la Musique Militaire. Ça grimpe sur toute la
longueur de la rue de Plancenoit jusqu’à la chapelle.
Les porte-drapeaux souvent très âgés suivent au pas cadencé. Ils semblent
increvables, comme dopés par les notes de musique qui s’égrainent et se perdent
sur les flancs des talus de ce chemin fortement encaissé qui servit jadis au
repli des soldats du 43ème RI. A la ferme Hanneliquet, la Musique Militaire se place le long de la
grange où se reposaient une partie des soldats du 43 RI au moment de l’attaque
allemande le 16 mai 1940. Elle est précédée par le détachement de la Pharmacie
Militaire en ligne devant les annexes où furent évacués les blessés français,
et par deux porte-drapeaux français qui encadrent la plaque commémorative dédiée
à Lucien CAUDMONT mort au combat lors de l’attaque d’un char à la grenade.
Les Autorités occupent l’entrée principale de la ferme, tandis que les
porte-drapeaux se sont figés sur une file face à la ferme. Les élèves et le
public occupent la route en contrebas, là où se trouvait un canon de 25. Le Bourgmestre cède la
place à Caroline FERY, administratrice de l’ASBL « DU COTE DES CHAMPS », pour
la lecture du discours :
« Je tiens d’abord à remercier Monsieur le Bourgmestre qui me fait le
grand honneur de me céder la lecture de son discours. Mesdames,
Messieurs, Le 16 mai 1940, deux Bataillons du 43ème
Régiment d’Infanterie de Lille se trouvent à Baulers. Ils viennent d’Hévillers et sont talonnés par les Allemands. Un premier
point de regroupement du 43ème Régiment d’Infanterie s’effectue à la
Malplaquée (l’actuel hangar à betteraves situé au
Trou du Bois). Le Régiment a ordre de développer un
front devant Nivelles, aux lisières de Baulers, face à l’Est et de le tenir
coûte que coûte jusqu’à la nuit. La mission est de ralentir l’ennemi par des
coups d’arrêt. A midi, les Bataillons quittent la Malplaquée pour se diriger vers Baulers. Le 2ème Bataillon occupe la
partie Est de Baulers vers Alzémont et Thines. Le
1er Bataillon occupe la partie Nord-Est de
Baulers et les hauteurs de la ferme où nous nous trouvons, d’où il domine la
région, sauf d’un côté où un mamelon le surplombe légèrement. Le capitaine Oheix
et le lieutenant Pommier disposent un groupe de mitrailleurs derrière une haie
touffue et le dernier canon anti-chars est mis en
batterie face à une route qui descend de la colline. Des voltigeurs, commandés
par le lieutenant Leblon, se postent dans une autre
aile du bâtiment. Ainsi, toutes les issues sont gardées. Son unité encadrante
était le 1er Régiment d’Infanterie, lequel devait être positionné à
l’intersection de la chaussée de Bruxelles et du pont de la voie ferrée. La
liaison ne pourra être établie car le 1er R.I. est passé trop tôt,
la veille, pensant qu’il n’y avait plus personne. Les flancs du Régiment sont à découvert
et les Allemands vont en profiter pour encercler la ferme Hanneliquet
et le village de Thines. Vers 15h00, sifflent les premières
balles, et c’est la riposte. L’ennemi est là, tout près. Juste après avoir réaménagé les
défenses, les observatoires signalent des mouvements de véhicules suspects
(nuages de poussière, bruits de moteurs sur le plateau s’étendant vers la Malplaquée). Plus à droite, les mêmes indices semblent
déceler l’avance d’engins blindés ennemis. Peu après, on perçoit devant le front du
2ème Bataillon des bruits de fusillade et l’on distingue bientôt
plusieurs petites colonnes de tirailleurs qui se replient, talonnés par des
automitrailleuses allemandes suivies par de l’infanterie portée. Vers 18 heures, six automitrailleuses
sont signalées du côté du plateau de la Malplaquée
ainsi que des nuages de poussière et des bruits de moteurs plus à droite. A la même heure, le 110ème
Régiment d’Infanterie qui devait faire la liaison avec le 2ème
Bataillon, est attaqué à Houtain-le-Val à la bombe et à la mitrailleuse par une
cinquantaine d’avions. Il doit bifurquer à la sortie du village vers Bois de
Nivelles, car des chars les bombardent à l’entrée de Thines.
Vers 19h30, l’ennemi va tenter
d’effectuer un large mouvement d’encerclement en contournant la ferme Hanneliquet par le Nord. C’est alors que la ferme est attaquée.
Claude ARTIGES, qui s’y reposait, raconte qu’un tumulte indescriptible le
réveille en sursaut. C’est la bousculade et soudain des cris retentissent
suivis par une volée de détonations. La toiture de la grange est traversée par
un obus de char, la saleté et la poussière volent partout, des bouts de tuiles
tombent. En même temps, des rafales de mitrailleuses crépitent. Des balles
traceuses de gros calibres viennent, en sifflant, s’aplatir contre les murs.
Les hommes sont complètement abasourdis. La section de l’adjudant-chef Allaies sort de la ferme afin de prendre l’ennemi à revers.
La section de Lucien CAUDMONT est
envoyée en reconnaissance, elle doit rapporter des renseignements sur les chars
ennemis. Un soldat de sa section raconte : « Nous
avions devant nous des chars ennemis qui devaient nous attaquer d’un moment à
l’autre, ils étaient dans un petit bois devant nous. Caudmont
fut envoyé en reconnaissance avec son groupe avec mission de rapporter quelques
renseignements et aussi de se défendre à la grenade contre les chars s’ils se
trouvaient en présence d’eux. C’est ce qui se produit. Nous avons vu Caudmont tomber, et devant l’attaque imposante de chars
nous nous sommes repliés. De son groupe, quelques hommes seulement ont pu
rejoindre nos lignes, nous apportant la confirmation des morts. » Un autre soldat de sa section raconte :
« J’étais à côté de lui lorsqu’il est tombé. Nous nous sommes trouvés en
présence d’un char et Caudmont, en tête de son
groupe, a ordonné l’attaque du char à la grenade. Il a donc couru vers le char
pour se mettre le plus rapidement possible dans son angle mort afin de placer
une grenade sous les chenilles, mais le char manœuvra sa tourelle rapidement et
le frappa d’une balle en plein front. La mort fut instantanée, sans aucun cri,
aucune plainte, aucune souffrance. » Lucien CAUDMONT est tué et sa section
décimée. Son corps est ramené dans la cour de la ferme. Durant l’attaque, l’ennemi s’est
approché dangereusement de la ferme par le mamelon situé en face d’elle, puis
c’est l’assaut furieux. La plupart des soldats se tenant dans la cour de la
ferme sont balayés, ainsi que les desservants du canon de 25. Claude Artiges raconte : « Lorsque nous arrivons à la ferme, nous
comprenons aussitôt que l’engagement a été meurtrier pour notre compagnie. Le
sergent Caudmont est couché dans la cour, mort. Colino, un des tireurs, est blessé à la jambe et au
poignet. Le lieutenant Pommier le panse pour éviter une trop grande perte de
sang. Notre pauvre camarade est pratiquement évanoui. Je vais aider Carin qui
lui s’occupe du caporal Fertin, tireur au 25, blessé
au pied. Naye, le chargeur du canon de 25, est couché
sur le dos, blessé à l’aine, c’est son frère qui le soigne, aidé par notre
capitaine et le sergent Lezanni. Cependant, l’ennemi
a aussi eu à souffrir du tir de nos camarades. Pacos
a d’un seul coup de mousqueton en pleine tête, abattu un Allemand parvenu
jusqu’au mur qui ceinture les bâtiments. Je vois, affalé près d’un abreuvoir,
le caporal Andoche. Il semble commotionné. La première rafale a été pour eux,
puis ils ont tiré sur le 25. Fertin et Naye ont été à terre de suite. C’est le capitaine Jabiol et le sergent Lezanni qui
ont alors bondi sur le canon. Le sergent comme tireur, le pitaine
comme chargeur. Tu vois, là, les boches avançaient sur nous du haut de la
colline… Lezanni a tiré deux fois… Deux fois il a
fait mouche. On aurait pas dit ça de lui. J’ai vu les balles traçantes ricocher
sur le bouclier du canon qui a été bousillé. Le capitaine et Lezanni sont revenus alors que les balles pétaient partout
!... Pacos est
occupé à expliquer à Joseph comment il a tiré sur l’Allemand qui gît toujours
sur les pavés de la cour. Le capitaine fait descendre, avec beaucoup de
précautions, les blessés dans la cave. Nous sentons tous que notre position est
dangereuse et il nous semble être les seuls du bataillon encore dans le
secteur. L’artillerie ennemie bombarde violemment
Nivelles où l’on voit des incendies s’allumer. »
L’ennemi cherche à utiliser
les dernières lueurs du jour pour resserrer son étreinte, ses tirs augmentent
d’intensité, le débordement par le nord s’accentue. Mais la Compagnie Oheix
tient bon, elle se défend avec acharnement ; répondant au feu par le feu, elle
parvient à repousser l’attaque et à tenir les Allemands à distance. Le jour qui décline voit les
automitrailleuses s’embosser, sans pousser leur mouvement plus avant. La nuit
venue, leur action ne sera plus à redouter dans ce terrain extrêmement coupé. Effectivement, tout se borne maintenant,
de part et d’autre, à des tirs de harcèlement. L’obscurité est venue. Le capitaine fait
remonter les blessés de la cave pour les installer le mieux possible sur la
chenillette. Le matériel est chargé sur les voiturettes. La compagnie est
rassemblée et quitte la ferme par un chemin encaissé, elle descend vers
Nivelles. Le ciel au-dessus de la ville rougeoie aux lueurs des incendies. Par
là aussi, le canon tonne. Lucien CAUDMONT sera enterré à l’arrière
de la ferme. En octobre, son corps est transféré dans l’ancien cimetière de
Baulers, avec Riche et Van Daele. Lucien CAUDMONT venait tout juste
d’avoir vingt ans ». Le Bourgmestre, le Consul de France,
Roger THEVENIN et les Anciens du 43 RI déposent ensuite une gerbe de fleurs en
hommage à Lucien CAUDMONT. La Musique Militaire joue l’air « Aux Morts » français
et, après une minute de silence, elle entonne « La Marseillaise ». Puis, les enfants de l’Ecole André HECQ
terminent par le chant de « La Brabançonne ». Les
Autorités présentes remercient chacun des porte-drapeaux. La cérémonie se
termine tandis que la Musique Militaire joue un dernier air. Une cérémonie religieuse est organisée.
Le Doyen de Nivelles Albert-Marie DEMOITIE et l’Abbé Guillaume MABIALA KHABI,
curé de Baulers, accueillent les personnes présentes. Les porte-drapeaux se
rangent dans le chœur de l’Eglise. Michel DUPONT, joueur d’orgue de Barbarie
venu de Douai, membre des « Ch’Tis Quinquins », est présent et est accompagné de son
épouse Maryvonne qui le seconde. Danielle BARRA accompagne la cérémonie à
l’orgue. Avant l’Omélie,
Michel DUPONT joue et chante « La chanson de Craonne ». Michel DUPONT, chanteur et joueur d’orgue de Barbarie et son épouse Olivier BONFOND, membre de l’ASBL « DU
COTE DES CHAMPS », explique la raison de cette chanson qui servira de base à l’Omélie : « La chanson de Craonne que nous a joué notre
ami Michel DUPONT, était chantée par des soldats français durant la première
guerre mondiale. Elle avait été interdite par le commandement militaire en
raison de ses paroles antimilitaristes, défaitistes et subversives incitant à
la mutinerie alors qu’une guerre est en train de se livrer sur le territoire
national. Parfois, même quatre mains ne suffisent pas… Entre le 16 avril et le 9 mai 1917, le
Général Nivelle tente de percer le front sur l’Aisne, mais il échoue
complètement. L’offensive du Chemin des Dames qui devait apporter la victoire à
la France coûte 187.000 pertes en à peine trois semaines. Ce sont l’ego du Général Nivelle, son
manque de considération pour ses hommes et sa persistance dans l’erreur qui ont
déclenché les mutineries de 1917 ». Michel DUPONT chantant « La chanson de Craonne » C’est à partir de cette lecture que
l’Abbé Guillaume MABIALA KHABI développe son sermon, expliquant à un public
attentif quelles devraient être les qualités d’un bon chef. Malgré la présence
de nombreux gradés militaires, le message semble être bien passé. En fin de Messe, Danièle BARRA joue les
airs de « La Marseillaise » et de « La Brabançonne ». Puis,
Isabelle FERY, membre de l’ASBL « DU COTE DES CHAMPS » entonne « Le chant
des partisans » a capela et au dernier couplet, le public murmure l’air de
la chanson. Jean-Pierre FLAMAND, Président de la fabrique d’église de Baulers, découvre le lutrin Avant de se quitter, Joël FERY a pris
brièvement la parole, lançant un appel à d’éventuels sponsors. La paroisse de
Baulers possède en effet un véritable trésor qui mériterait une attention toute
particulière. Il s’agit d’un lutrin datant du XVème siècle et dont l’état de
conservation nécessiterait une intervention urgente dans le cadre de sa
conservation. Il ne reste que très peu d’exemplaires de cette époque en
Wallonie. Un dossier « Petit Patrimoine » avait déjà été introduit par l’ASBL «
DU COTE DES CHAMPS » auprès de la DGO4, afin d’obtenir des subsides pour sa
restauration, cependant, l’objet ne faisant pas partie de la liste des objets
considérés comme « petit patrimoine wallon », la demande a été rejetée. Il ne
reste donc plus que la possibilité d’une intervention de sponsors privés. La moitié des porte-drapeaux a participé à la cérémonie religieuse, occupant le chœur de l’Eglise. A gauche, Albert-Marie DEMOITIE, Doyen de Nivelles et, au centre, l’abbé Guillaume MABIALA KHABI, curé de Baulers Les élèves des classes des 5ème
et 6ème années ne pouvant plus participer à l’office religieux ont
pu visiter entretemps l’exposition sur Soltau, guidés
par Robert VANDRIESSCHE, grand collectionneur et féru d’histoire militaire. Robert VANDRIESSCHE accompagne chaque année les élèves des 5ème et 6ème années lors de la visite l’exposition Après la messe, plus de cent cinquante
personnes étaient encore présentes à l’apéritif offert par la ville de
Nivelles. Une centaine de personnes ont participé
au repas préparé par les petites mains de l’ASBL « DU COTE DES CHAMPS ». Aimé PORQUET, Président des « Anciens du
43 RI » de Lille, en a profité pour remettre deux médailles au nom de son
Association, l’une à Roger THEVENIN et l’autre à Joël FERY pour son
investissement. Roger
THEVENIN a fait ensuite un dernier discours : « Les résultats de mon
électrocardiogramme de février ne furent pas sans inquiéter mon médecin
traitant/ Vous n’irez plus très loin Monsieur Thévenin,
dit-il, sans l’aide d’une pile ! Je vais prendre pour vous un rendez-vous avec
un chirurgien pour la pose d’un pace maker. Poser un pace maker à près de 101
ans, dit-il, je ne l’ai jamais encore fait ! Mais votre patient arrivera
peut-être à l’amortir ! Enfin
je le souhaite ! Ce qui importe et je suis le seul à le
savoir, c’est qu’il me permette d’arriver à Baulers le 13 mai, et en juin à Bruille St Amand ! Alors, en mon âme et conscience, il sera
pleinement amorti. Le reste du temps, je savourerai une vie bien remplie et
bien entourée. Quand viendra l’heure de se quitter en ce jour mémorable du 13
mai 2015, à l’heure où meurt le jour, j’aimerais entendre jouer au clairon «
L’extinction des feux » à Baulers en direction de Nivelles, non pas comme un
adieu, mais comme un « Au Revoir » ».
Le repas a été animé par de vieux airs
chantés par Michel DUPONT, au son de l’orgue de Barbarie, rappelant bien des
souvenirs aux plus âgés. Roger THEVENIN a été fort sollicité tant
pour des séances de dédicaces que de photos. Il s’est pris très volontiers au
jeu, faisant le bonheur de chacun. « Et puis, à 101 ans, on ne sait jamais,
à cet âge-là, s’il m’arrivait quelque chose, au moins vous auriez un souvenir !
». C’est
la cinquième année que Roger nous accompagne, toujours fidèle au rendez-vous,
et par tous les temps. L’an dernier, nous avions connu la « drache », on était
tous trempés, Roger y compris. Lors
des combats de mai 1940, Roger a été blessé à la main et un éclat y est resté
logé. Les élèves le savent et demandent à pouvoir toucher cette relique. Roger
s’exécute de bon cœur, et lorsqu’on lui demande pourquoi il ne l’a pas fait
enlever, il répond : « C’est pour me souvenir de mes camarades blessés ou morts
». Chaque
année à venir est un challenge. Mais aujourd’hui, il n’est plus question
d’années mais de mois. Pourtant, le temps n’a pas de prise sur sa bonne humeur
communicative restée intacte. Chaque jour qui passe est un pied de nez à la
mort. Pour bien s’en moquer, il a déjà écrit l’oraison funèbre qui sera lue le
jour de son enterrement, elle sera joyeuse, à l’image de sa vie. Roger
THEVENIN est un personnage hors du commun, à 101 ans, il fait encore son
marché, le ménage et les repas. Il s’occupe avec beaucoup d’attention de son
épouse Denise. Jusqu’en novembre 2014[4],
il lui a porté chaque matin le petit-déjeuner au lit. Sa
bonne humeur communicative ne doit pas être étrangère à sa longévité. Avec
Gembloux et Court-Saint-Etienne, la journée de commémoration de Baulers fait
aujourd’hui partie des trois plus belles cérémonies d’hommage du Brabant
Wallon, et cela grâce à l’investissement constant des membres de l’ASBL « DU
COTE DES CHAMPS », ainsi que de la Ville de Nivelles. En
2011, l’ASBL avait participé à un appel à projets de la Région wallonne,
intitulé « Nos mémoires vives » et elle avait touché la somme de 15.000 €,
somme destinée à restaurer le monument de 14-18, et les sépultures de
combattants, déportés et victimes civiles, des deux cimetières de Baulers. L’ASBL
a placé plusieurs panneaux didactiques tant dans l’ancien cimetière (sépultures
CLAES, BOURGUIGNON, AVERMAETE et des soldats français, que dans le village de
Baulers (grand panneau expliquant la bataille de Baulers et une plaque
commémorative en hommage à Lucien CAUDMONT à la ferme Hanneliquet,
un grand panneau en hommage à Pierre PETITNIOT et Etienne VANWEZEMAEL au
monument 40-45)), mais aussi à Thines (Auguste MOUY,
soldat français tué par erreur par l’aviation alliée – au zoning de Thines, sépulture de Ernest HARTEMBERG, tué par les
Allemands en septembre 1940, et remise en état par l’ASBL), au cimetière de
Nivelles (Georges DEBERT, marsouin mort pour la France, à la sépulture
d’Alphonse MACKELS, gendarme et résistant tué par les Allemands, et
prochainement la sépulture du Lieutenant ROUVIER, tué le 21 août 1914). Un
autre panneau didactique a été placé par l’ASBL devant l’Eglise Saint-Rémi de
Baulers, il raconte l’historique des trois marronniers. Elle a aussi participé à l’appel à projets FURLAN
en collaboration avec la ville de Nivelles pour restaurer les sépultures des
victimes des deux guerres pour l’entité de Nivelles. Grâce aux fonds débloqués
par la Région wallonne, l’ancienne parcelle 14-18 du cimetière de Nivelles a
été restaurée ainsi que de nombreuses sépultures des deux guerres. L’ASBL a aussi rédigé de nombreux ouvrages,
notamment sur les villages de l’entité, et a dressé l’inventaire des sépultures
d’intérêt historique local à sauvegarder. Cet inventaire a été approuvé par le
Collège des Bourgmestre et Echevins de la Ville de Nivelles qui s’est engagée,
conformément au Nouveau Décret de la Région wallonne sur les cimetières, à
tenir en état ces sépultures pendant trente ans. Bref, l’ASBL « DU COTE DES CHAMPS » a depuis longtemps
débordé de ses compétences de simple comité de quartier, et s’est investie dans
la sauvegarde du patrimoine funéraire, en particulier, de l’entité de Nivelles.
A cet effet, elle collabore étroitement avec la Ville de Nivelles qui n’a pas
les moyens humains pour réaliser ce gigantesque travail de fourmi. L’ASBL met à la disposition du public une dizaine
d’ouvrages, dont l’auteur n’est autre que son président Joël FERY. Ils sont
disponibles au siège social de l’ASBL au 69 rue de Dinant à 1401 Baulers (tf 067/842198 ou 0479/446561 – Secrétariat) Le prochain rendez-vous est d’ores et déjà fixé
pour l’inauguration de la fin des travaux de restauration de la sépulture du
Lieutenant ROUVIER au cimetière de Nivelles. [1] Le caporal THEVENIN se trouvait avec son canon dans un chemin creux sur le champ de bataille de Hévillers. [2] Après avoir été fait prisonnier, il avait été conduit devant le mur de l’Ecole des Sœurs, au bas de la rue de l’Eglise. [3] Pour rappel, en 1942, Pierre PETITNIOT décide de rejoindre l’armée en Angleterre en compagnie d’un autre baulersois Etienne VAN WEZEMAEL. Malheureusement, le 17 juin 1942, ils sont pris par les Allemands à Châtellerault (France). Pierre PETITNIOT survivra aux prisons de Poitiers, Tours (France), Saint-Gilles (Bruxelles), aux camps de concentration de Dachau, Sachsenhausen (Oranienburg) et Buchenwald. Etienne VAN WEZEMAEL qui était resté à Dachau, y décède le 17 mars 1944 à l’âge de 22 ans. Pierre PETITNIOT reviendra donc sans son compagnon au pays. Il est libéré par les Russes le 11 mai 1945 à Geising, aux frontières tchèques. [4] Roger a fait un AVC le 1er novembre 2014, mais n’en a gardé aucune séquelle, si ce n’est le fait d’un essoufflement, son cœur ne battait plus qu’à 40 pulsations. Roger et Denise se sont retrouvés durant un mois dans une maison de retraite, histoire de se retaper. Lors d’une visite, Roger avait déclaré : « Qu’est-ce que je m’ennuie ici… il n’y a que des vieux ! ». Tout récemment, l’implantation d’un pacemaker a boosté les battements de son cœur à 65 pulsations. Son seul regret est qu’on n’ait pas pu lui en implanter un plus bas… |